Ou bien le chèvre-pied fantasque éparpille...


Ou bien le chèvre-pied fantasque éparpille
soudainement les bouquets.

L’allée, c’est la phrase lessivée, revient
comme vierge de sous les sapins.
Perrine et blanche. Comme en panique.

Le son est en partie absorbé par l’atmosphère.
Le sens luit. Résidus des pollens, des coulées.

Pour calculer la distance de l’orage à vous,
il y a la règle des trois secondes.
N’allez pas laisser entendre que vous l’ignoriez.

Une branche a bougé. Des ramifications entêtent :
où iriez-vous leur échapper ?

L’orage prévient l’orage.


L’orage prévient l’orage.
Pieds et pierres - pieds comptés dans les éclats de coupe
d’une même gravière extraits

en courant
je l’écoute luire avec mes doigts
cette fois-ci le tilleul est l’attraction

il gravite autour d’un noyau où roulent des tonnes
d’onagres
et les jaunes s’attirent.

C’est la voûte étanchée


C’est la voûte étanchée
qui fournit le motif et l’envoûtement.

Entrée dans l’occultation du tilleul - éclipse
encore - je réalise assez vite le miellat

et mieux

le bouquet soufré de l’artifice au départ de l’allée.

Où je fus de ces girandoles de soufre


Où je fus de ces girandoles de soufre
étêtées éventées
sous un jour couleur d’aimant

à l’instant précis
stationnaire
où quantique s’éclaircit

l’onagre poudroie finement

Puis / que s'invente


Puis
que s’invente - sans supercherie, des vérités
jointes en bouquet affolant - l’axe innombrable

Des sommités papillonnent. Des hampes détonnent.

Elles s’envolent. Sensation de fraîcheur accrue dans l’axe de ces
étêtées girandoles.

Boutons floraux d’anémone


Boutons floraux d’anémone
tremblants sur leurs ailettes
au sommet des hampes ou des lances -

mais alors la fleur au fusil, mais alors
( Uccello pour la décomposition du mouvement
sur un fond noir les faisceaux de dards
et de haies démultipliés, la clarté des robes et des étendards ) -
sont-ils prêts à l’assaut ou au décollage.

La hampe, ce vecteur, oriente l’attente.
À la seconde zébrure, d’une poussée éclairante,
c’est pâmée que j’invoque l’ultime soulèvement.

"Dazzle yields to a clarity"

Dazzle yields to a clarity
l’éblouissement produit une éclaircie 
en pensée aussi subite
qu’un foudroiement pas très loin de la tempe.
Le frêne sinue plus nerveux qu’à l’ordinaire.
Les centaines de boutons d’anémone pantelants sur les tiges
comme au bout de piques.
Dans l’herbe serpente un frisson.
L’éclair siphonne et accomplit l’image topique
la vivante image à l’implacable seconde près.
Un étant donné aérien à la matière.    

Là où l’aveuglement éclaire si bien que nous voyons,

Et voir est accomplir et nous voici contents
Dans un monde qui se réduit à un tout immédiat,

Que nous n’avons pas besoin de comprendre, accompli
Sans que l’esprit y mette le moindre arrangement secret.

Wallace Stevens, Description sans domicile III, Unes, p. 49, traduction de Bernard Noël

Concentrée sur les errements


Concentrée sur les errements,
sur les étonnements.
Des mouvements gracieux - car toute chose se meut, parfois sans crier gare -
remous que vous voyez, demandez-vous comment.
Comment ?

Comme le vent visible dans la branche
le chéneau et le lambrequin
migrés parmi les pampres, allons donc,
la belle marquise et son escorte ! ici arraisonnée
juste au-dessus de notre porte !

Comme les cintres fruitiers porteurs d’éclipse
- soudaine et fatidique - mais non de terme, quand on traverse le verger.
Où suis-je demande t’on, quelle perte accepter ?
Quels repères trop voyants céder ?
Et il s’avère que la question reste d’actualité.

Les piridions beaux comme des


Les piridions beaux comme des questions pendantes
ou d’opaques lampions dans le feuillage en contre-jour.
Éprouver les pointilleux effets de ces pomacés - poings et coins -
sur la papilleuse passante que voilà, c’est tout l’art du verger.

Que l’ombre est juteuse au front de mémoire variable

surplombée de ces oblongs poids

Ces poires-là


Ces poires-là sont à l’arbre suspendues
des gouttes denses et si lourdes que les branches
ploient arguant de gravité leur verdeur perrine

vous décochant d’un seul coup l’objectivité
d’un arc en plein œil ( un poing ) ô solstice amer
- trente-six ocelles au conteur -

"Les poires ne sont pas des violes"

Les poires ne sont pas des violes*
ni les jours des nuits plus prosaïques
des puits que la lumière tarit, non, on ne joue pas
de cette musique-ci sur ces cordes-là

cependant

les ombres et les taches, parce qu’elles sont déjà des images,
peuvent être vues au gré du regardeur


*Wallace Stevens, Étude de deux poires, Partie d’un monde, Éditions Unes, 1989, traduction Bernard Noël

Le flux des quantités

Le flux des quantités s’augmentait
avec le temps
le bourdon envenimait l’impulsion
c’était un couronnement

sous l’ombre frangée
naquit une apothéose
jusqu’à ce qu’un rayon cassât
l’échelle optique.