sur le corps de langage

sur le corps de langage. Un compromis de majestueuses
et leurs humbles corollaires ondoyant
dans la lumière focale que,
à l’aplomb sombre de l’équerre,
la courbe des tropismes gauchit,

le sang secondaire

le sang secondaire, soit,
- soit un goutte à goutte de sourdes secondes palpitant -
la mitraille et le plomb dans l’ombre qui monte, gris de Payne,
et le silence d’avant l’orage, d’avant la
sorgue pesant

car il n’y a ni fin ni début

car il n’y a ni fin ni début. Il y a l’impact
du langage-projet dans le massif, il changerait le monde
s’il ne changeait de lui-même, sa nature
est mouvement et variations, sa nature est
corollaire ou coronaire (appellation étoilée) qu’œillets
 
et silènes nous enseignent. De Tournefort (c’est son nom)
papaver orientalis persistant dans le motif
où sourd la douceur grenat, suspensive, des lychnis
- de la coupe aux lèvres quelques lourdes secondes
inachevées suffirent, bien qu’inachevées - pour en répandre

Il épouse ses tournures

Il épouse ses tournures : nul calcul
plus juste - bien qu’approximatif à la racine -
que ce langage approché qui ne sait - au mieux -
que marquer l’occurrence d’une fleur dans la redondance
du massif-monde - et sans possibilité de clausule -

telle que le soleil la fit advenir

telle que le soleil la fit advenir, telle,
elle suit la danse terrestre. Je me fie
à sa présence cardinale, vue de plus près
elle colore la sensation et le langage
de l’approche s’en trouve bousculé.

Sur quel pied danser ?

Sur quel pied danser ? Ombre bleue,
si je me retourne je perds pied, sinon
je gagne l’assurance de ma mort au rythme de
- lances et sagaies qui pleuvent sur la fugitive
héliotrope malgré soi -

Taureaux et chiens jaunes

Taureaux et chiens jaunes, pavots et oiseaux.
Tous les visages traversent le sol et s’incarnent
dans une tonalité juste, je n’en reviens pas, c’est  
l’idée qui atermoie, qui diffère l’émotion - c’est déjà beau
ce délai accordé aux mort-nés - tu ne te retourne pas, dis ?

comme si elles étaient là pour moi.

comme si elles étaient là pour moi. Le sont-elles ? Remets-toi.
Mais à quoi bon ! Le soir est rouge de la leçon de profusion,
qu’il est doux de se laisser faire, qu’il est doux le fer rouge
de la peur de la contradiction, nos pas contrapuntiquement
pavots et oiseaux coordonnent la danse.

Eh !

Eh ! Tout contre la majesté des pavots
la sévérité des graviers nous rapatrie
à l’occident (à raison).
L’ocre mémoire de l’eau crisse dans le soir : ô bras trop courts ! *
Ce n’était rien qu’une tentative de fleur pour nous dévier.
 
Alors, tu crois à la raison ?
Je croîs à l’autre soleil - c’est un trope -, je gravis la saison
avec une fleur pour boussole (qui m’arraisonne
chaque fois différemment), comme si
par brassées traversant le sol (terre et eau)
 
 
 
*Rimbaud, Mémoire, Poésies 1872

(pavot)

(pavot) C’est trop de - en première loge ce voyant -
rouge entrave. Entrave notre indulgence, assujettie.
Ô le bel équipement !
(branle-bas général dû à la beauté)  
Mais c’est trop de servilité, de consentement.
 
Quand saurons-nous reconnaître en vérité 
la vérité : un pas de côté -
presque une danse, sinon un mouvement - :
que c’est le mouvement qui crée l’équilibre
et la précarité qui l’exerce.
 
Ô cette heure - où le pavot se fond dans la nuit
l’œil s’arrête
et à laquelle lève l’arôme - c’est de l’Hesperis matronalis dans l’air :
la persistance des noms
et l’irréductibilité du sens.

La mémoire chute

La mémoire chute au jardin orientable
- comme nulle autre robe -
le champ d’honneur ?
(hier c’étaient l’épervière et l’épilobe,
ces toutes simples, qui anoblissaient le bastion)

Et l’œil des pavots

Et l’œil des pavots, l’imprescriptible éclat
- c’est presque trop de grandeur - nous supervise
de sa pompe, tu l’acceptes ? Cet œil somptueux qui
colore la sorgue papale,
la zone d’abandon et d’amnésie passée sous sa coupe.

Juguler le désœuvrement.

Juguler le désœuvrement. Une justification à toute chose.
J’entends le moyen duc juvénile chaque soir depuis ce printemps
Il crie plus qu’il ne chante. Est-ce un appel ? Ou que fait-il ?
Nous inventons la beauté pour nous dédouaner de notre activisme,
de notre volontarisme enthousiaste, la contemplons et la nommons,
 
espérant nous annexer toutes ces choses bien vivantes
qui déchirent nos esprits cartésiens et altèrent nos plans.
Mais la méthode ne pourrait-elle être sensuelle ? - Bien sûr que si
elle le pourrait ! Les cris du juvénile nous étreignent
jusqu’à nous déposséder de l’objectif, du but et du projet entrepris,
 
dévoiement, il nous dévie plus vivant, mais comment peux-tu
encore savoir où tu es ? Justement. Je suis dans la méthodique,
- amnésique - poursuite de mes motifs comme de mes cadences
lorsqu’ils vont de concert avec le monde - y compris par inadvertance -
rends-toi compte seulement : se laisser prendre, et manier ainsi,
 
devenir une suite d’imprécisions avouées, indétermination
de la cause et de l’objet, certes. Connaissance expérimentale, certes.
Mais je m’incorpore, je m’incarne. Je me pose en interrogations,
en attentes confiantes : je peux entendre le mol abandon
printanier saisi par l’impartial serein.

Nous voilà tétanisés

Nous voilà tétanisés par la possibilité du non sens.
La gratuité, l’inanité. Désintéressement. Les champions de l’obstruction.
Comme ces parlementaires réfractaires à toute vie et à tout progrès qui
se cachent parmi les légitimités inépuisables de l’amendement,
comme eux nous nous cachons dans le langage, pour donner le change ?
 
Trimons pour juguler le désœuvrement. Une justification à toute chose !

C’est

C’est, autant le dire aussi, raccourci et pensée à vol d’oiseau.
Nous, n’avons pas de hauteur : tout ce qui nous domine
nous fascine. Et ce qui nous fascine nous semble souverain.
Nés pour adorer la supériorité, nous passons le monde entier
au crible et à la toise, notre science c’est l’évaluation des quantités
 
des capacités, des rentabilités. L’efficience est le pouvoir,
l’inhabileté le déshonneur et l’opprobre, l’indécision la disgrâce.
Qui pour faire l’éloge de la nonchalance, de l’approximation,
de l’inaction ? Pour prôner la logique de nos sensations ?
Nous voilà esclaves de nos expédients plus qu’attentifs à nos propres vies.

Magnifique et prodigue présent

Magnifique et prodigue présent : une seule chose à la fois
est par lui investie, et cette chose certainement lui suffit.
L’oiseau ne craint pas l’impéritie, non, aucun doute là-dessus,
on pourrait dire même qu’il découle de l’air. C’est pourquoi,
peut-être, lui envions-nous le vol et le chant, ces joyeux déduits ?

Le moyen duc

Le moyen duc, quelle perspective en a-t-il ?
Chaque objet trouve sa place dans le soir calme,
et il l’observe, depuis la cime, d’un air cavalier irradiant
le paysage auquel son magnifique présent suffit.
Il le déduit de la forme de ce qui est vu, sans y toucher.

Et des points de vue aussi.

Et des points de vue aussi. Que veux-tu, il arrive
qu’au cours d’une visée concrète l’effacement prévale,
que le sol se dérobe sous les pieds, provoquant
sans prévision une sorte de tremblement
de la perspective, et le recouvrement du sujet - 
 
mythique point O, source et origine de notre projection centrale -
qui aussitôt dévale - est-ce  vraiment déchoir ? -
en objet du plan de projection.
Une sorte de submersion ? Oui, submersion, ou don.
Mais peut-être rien de tout cela n’a vraiment lieu.