Cette poire

Cette poire, c'est son air d'attendre que je la désire,
son empreinte (mais qui, ferme, en réalité n'attend rien,
c'est sa réalité perrine que seulement je vois,
comme elle est retranchée de tous sauf d'elle-même - poire et
poirier in petto -) qui fait la promesse de fruit
 
dans sa retraite. Je vais la suivre !
(Et là elle offre toutes ses faces à mon étreinte.)

La vie

La vie n'est pas une garantie.
On ne peut qu'essayer. Exerçons-nous aussi
loin que possible à l'introspection la plus
détachée de soi, - c'est l'objectivité
de la langue - dont la clef est cette cession.
 
Toute fracture est à explorer. La poire
est là, face pétrifiée dans la main froide.
Il faut l'avoir vue crouler puis ressaisir !
La main prise pour lit, sa réception puis
l'éclipse subite de l'astre liquoreux au loin.

La dépouille

La dépouille est confiée à ma main,
le chanfrein en adoucit l’essor. J’ai -
en toute conscience - la solution de l’été
(un sucre, un secret s’offre à ma jouissance)
dans ma paume refroidie.

Une idée

Une idée bien soupesée (et son fruit exactement
s’ajuste à ma paume, comme le très concis
- le très net - positif d’une idée).
Cette poire unique est la concision du poirier
coulée au creux de ma paume, pensé-je alors calmement.

Pour exemple

Pour exemple d’autodérision : son impératif.
Car la concrétion aqueuse l’alourdit
et l’incline considérablement (lamentablement). Oh viens soulager
mon secret, susurre t-il, et son fruit parfaitement
s’ajuste à ma paume, comme l'éclatant positif d’une promesse.

Commence là l’introspection du fruit

Commence là l’introspection du fruit par excellence :
poire miraculeusement incidente à la branche,
non pas vétille ou babiole ou pendeloque qu’on puisse
facilement lui retrancher,
elle tient au poirier, qui malgré la soif survit au poème, et rit.

Sur ce banc

Sur ce banc ou ce muret, je t’attend, tu pousses un peu,
non ? Attend que cillent les cent yeux qui dictent
la verdeur encore, avant l’effondrement. Ou bien
sur le sentier d’herbes affaissées, tassées, la rosée.
C’est toujours pareil.
 
La voilà bien l’expérience de ce je, étrange,
- foncièrement étranger, flottant -
surpris chemin faisant. Surpris chemin, matin
ou soir. Sa mue par son ampleur l’étonne.
Il se prend à s’aimer bien comme ça. Le pas enfle sa voix.

Est-ce que ça n’était pas plutôt

Est-ce que ça n’était pas plutôt dénégation ?
Plutôt que ? Négativité ? Oh !… J’erre
sans défense dans le dépays d’un procès
qui me change en avançant. Je suis
un mouvement qui n’a pas de lieu. (Juste réponse aux sollicitations)
 
Objectivement, je erre.
Et c'est comme une lame. (de fond
de fond en comble). Remué, démémoré,
dans les trous béants de mémoire, si proche et
si lointain. Foule - sans aucun lieu précis à sa disposition,
 
éclaircie passagère de la mercuriale et
œillades à la cantonade, bleue bourrache,
bravache - et court, parcourt le procès de son
existence assénée (es-tu bien sûre, assez ?),
et soudain assis, ah !, je soupire d’aise.

Objectivement j'erre.

Objectivement j'erre.
J'attends le davier qui libérera ma bouche,
je vois briller le feu de la mercuriale.
Sa voix tente l'approche, l'éclat transperce
ma retenue.
 
Et c'est comme une lame. (de fond
de fond en comble).

Tout se déverse

Tout se déverse, attente à l'incrédulité
(la tentation de brièveté) : il paraît
évident que rien n'est perdu :
à mes pieds l'interminable travail
de différenciation
 
qui me devance toujours.
Je sombrais quand ce vert est venu
me prendre au mot,
je reverdis maintenant alors que le jour sombre,
sans notion de chute toutefois
 
(plutôt l'embrasement des noirs,
c'est un feu vif qui détonne). La mercuriale,
ses yeux fourmillent dans le réservoir lunaire
pour dire allez allez !, je départage
le pour et le contre - véritablement -.

Ce dégagement

C'est ce dégagement pourtant qui me permet -
toute licence conquise - de voir venir.
Le fond brûlant de la terre
génère ce qui me compose - œil,
feuilles, mercuriale messagère d'autres échanges -.

Témoin

Témoin de l'autre versant, celui qu'on ne voit pas,
- qu'on sait seulement par expérience -
revient en vert me surprendre quand tout semblait acté
(défini), émouvoir mes pas, infirmer ma négativité.
Moi je m'apprêtais à hiberner. J'acceptais le retrait.

(Et je sais me réjouir

(Et je sais me réjouir du vert de la mercuriale
mêlée à la bourrache, ces résidus de printemps
au geste vernal, triomphal sous l’air glaciaire.
Qui font, mieux que l’hirondelle, commerce
des couleurs pour nous ravir à l’apathie.)

Aussi :

Aussi : la fleur d’un tournesol a cassé.
Une roue manquant à l’engrenage désormais,
la sorgue est bien moins flamboyante. Sonore
désastre, sonore ultime participation. Je la convie
à mon feu, feu je te fais changer de camp !
 
Mourrez ! Mourrez ! Tout sera réutilisé !
Tournez ! (Ainsi fut congelé le grimpereau dont
le bec fera la parenthèse d’un autre texte -
autre monde je veux dire - ou la virgule si on en change l’échelle).
Ainsi soyons le coeur de l’action (du métabolisme intermédiaire)
 
(réactions d'équilibre dont la réversibilité dépend de la
vitesse de formation des différents partenaires) :
tout ce que la nature aura dépensé, adorné, mûri, incliné
sera porté à l’actif des échanges. Ah ! Créditons un peu les poires, alors !
Respirons ! Respirons ! Introspectons !

Le tempo et la température

Le tempo et la température. (Ce soir le serein
mouille le pré, colchiques éparses, en bancs
mauves. Cyclamens serrés. Resserre de couleur.
La brume en nappe tempère les 
reliefs chaleureux de matière.)

La lune donne l’éclairage

La lune donne l’éclairage. Ce petit vent lui, fait l’espace.
Toi, donne le tempo à ce vaste métabolisme
- synthèse = croissance/dégradation = énergie - :
la jonction entre ces mécanismes vitaux a -
toujours - la température du corps.

La lune

La lune. Par brassées discernant les houppes,
les redessine, les photographie - stroboscopique
pâleur des noirs - : ça n'a pas été facile de reconnaître
qu'ils fussent verts, les arbres, comme ça n'est pas facile
de m'estimer autre que nuage, ou fumée,
 
houppier, remuée par le vent. De m'estimer autrement
qu'incorporée aux éléments, à part entière -
dépaysée (c'est-à-dire dans le paysage déployée) -.
Traversée par ce que je crois bien ne pas comprendre -
si ce n'est que j’y suis, comprise -.

Il y a eu un premier feu

Il y a eu un premier feu, virulent,
de ceux qui inaugurent la saison.
Tout autour était le froid sans borne de la nuit.
À corréler les espaces s'est employée sa fumée,
tournant sans relâche, ensemençant
 
quoi ? L'âcreté, je m'étais adossée à son flanc
torse, la main tirant fort sur la fourche,
et le frêne à tort et à travers souriant à la rafale.
Tout a pris feu, dans la tête il s'agissait
du même lit que le torrent de l'été précédant
 
(comme il fut vacant, sur des terres plus noires - ou
rouges - comme il fut vacant ce gué) eh ! qu'est-ce qui t'a pris ?
Sa blancheur en tenailles qui éblouit.
Sa langue spiralée défaite par les feuillages recomposés,
- qui s'épaulent - à l'éclat recomposé par la nuit.

Tout le jour

Tout le jour elle absorbe la chaleur des rayons latéraux.
Contre toute attente poussent encore
la centaurée scabieuse et le trèfle rose, la marguerite.
Le subversif capitule ploie sous les plantains,
ces sortes de filins à toute épreuve. Et près pourtant - eux aussi - à verser.

Ton devenir herbe

Ton devenir herbe - c’est ça ton vœu le plus cher ? -
C’est ça. Oublie-toi. Deviens l’herbe frelatée,
soutiens sa pluralité fourbue, étale.
Deviens le brin - l’herbette périmée qui fait le pré (périmé) -
un brin mythomane, futur inénarrable de toute prévision
 
de pâquerette. (Ce soir brun violâtre, à la pommade glaciale
- d’un mordant bien précis -, laisse-toi glisser.
Qu’est-ce qui te saisit ainsi par les chevilles
qu’est-ce qui pétrifie ?
C’est sa froideur, son étrangeté pâle, illunée.)