Neigeux

Neigeux - que ce ne soit pas
la négation de ton existence, non -
tu t’engourdis, flageoles et floconnes,
mais tu sembles former, dans la solution,
un autre corps, insoluble, ou, tout au moins, un trouble.

Dedans et dehors

Dedans et dehors étant presque impossibles à distinguer,
- qu’un feu similaire sur la vitre apparie -
tu as le départ au bord des lèvres
mais le mot prononcé aussitôt retombe et 
à bruit blanc le corps pensé s’allège.

Ah ?

Ah ? Parce que seule la forme interrogative
congrue au mystère de la blancheur obturante
qui te hante de son rien qui fourmille d’indices volatils,
t’aveugle de son faux pas.
Énigme pour les yeux éblouis que l’insonorité avive.

Qu’est-ce qui est le plus volatil

Qu’est-ce qui est le plus volatil, du merle ou
de la sensation que j’en ai ?
À la constance éblouissante de la neige
- ce topique -
seule la question reste adéquate.

Rien

Rien n’est pas le mot.
La terre gît tout près sous la blancheur
où l’œil glisse espérant circonscrire la sensation
- éparpillée avec les merles -.
Il bute sur la haie rétablie avec les aboiements.

La terre blanchit.

La terre blanchit.
Tout ce qui brille n’est pas
or
je vois la fougère tenter de découper ma nuit :
dedans/dehors ne fraient pas sans rien.

Puis vient la question de l'aube

Puis vient la question de l'aube : ai-je seulement
commencé ? Vraiment commencé je veux dire ?
À force de multiplier les incursions, non ?
Que chacune soit la contestation des précédentes ?
(La forme, douteuse par principe, soit interrogative).
 
Chaque jour voit les sincères protestations du désir
Mais quoi ! Le tracé volatil - délébile - de nos intentions :
sous la neige ! Le concept : gelé ! Le coq à l'enrouement 
se commet en conjonctives caqueteries .
Cette aube est floue, d'un flou favorable : il faut entrer, et jouir.

L’anabase échoue

L’anabase échoue.
Reste sur le rivage blanc,
écrit étroit entre les murs, l’écho.
Au fond de la trachée s’évertue
sa foi farouche.
 
D’une voix brûlante, enrouée
un coq ravale sa tentative d’emporter
l’adhésion de tous.
Glorieusement il aura la nôtre, raucité pour raucité,
dans la réflexion diffuse des souffles.

Et solitaire

Et solitaire, il n’est pas un remède à la neige,
sa pauvreté métaphorique :
on dirait que le coq enrage !
Derrière les sapins émerge le visible alors rendu
de rehauts scintillants.
 
C’est comme s’il savait le saccage de ses assertions
puisqu’il s’étrangle soudain.
Le coq, il ripe,
son paroxyste (tic ?), son rico !
coqueriquement le précipite ! Tu dis ?
 
D’aller trop vite en besogne - ce que timidement
la poule lui caquette - il ripe
rate l’essor de son sphygmographique
mètre, sa mesure.
(Il trébuche en vain, car l’aube lui survit aussitôt).

En cinq sec

En cinq sec il en vient à bout. Qu’il croit !
Il s’est vu dans la lumineuse réponse de l’écho,
de rue en rue le ricochet de ses altérations
jusqu’à la statue de vierge délavée, là-haut
qui étincelle sur la crête comme un pendu.

Il fait rouge

Il fait rouge - coup de syrinx - sur ce tableau blanc,
la tranquille portée des merles.
Un tapage de têtes et de becs à l’en-tête du jour
où n’est pourtant d’aucun recours la rhétorique.
Le coq a l’aube pour lui tout seul.

D’un jour sur l’autre

D’un jour sur l’autre
neige nocturne, son éclat, morsure au réveil, ça hurle, ça rue, ça ri-
coche en dévers.
De mur en mur une portière claque (ou c’est aujourd’hui).
Le coq de personne à la tonalité verte qui perdure.
 
(Qui perd patience perdure coquerique à tout va.)
Le poème est intenable, il fait la vie.
(c’est une monotone rigueur une blancheur impensable
qui ne se laisse pas conter si facilement cependant.)
Le poème est intenable, le jour est intenable.

Voici donc l’épreuve

Voici donc l’épreuve de l’aube ! (mots
d’un poème naissant)
(L’aube d’un poème, s’entend !)
(Voici l’aube vraie, inexorablement recommencée
d’un poème qui devient nodal)

Jusqu'à ce que

Jusqu'à ce que tout visiblement recommence.
Hors de la neige maintenant
commence à poindre la crête brun-gris
de vagues statiques, des vagues d’herbes brûlées,
surprises avec la cendre
 
comme point déjà un sens dans ton esprit 
- la sensation monte -
la sensation de toi au centre de cette danse
comme moyeu de la chorégraphie, ce chahut
d’ailes et de logogrammes par quoi le jour rondement vient.

À quoi sert de dire

À quoi sert de dire cette aube ?
À pénétrer l'hébétude, lenteur alliée
de la neige et des merles posés
sur cette page comme des feuilles ou des mots,
et la multiplication de ces parties :
 
aubes insignifiantes et tracas de bêtes
rumeurs, divagations,
clameurs muettes. Clameurs !
Je tends l'esprit frappé d'absence
- de l'irréductibilité du sens -.

En une seconde

En une seconde, l’œil s’est accommodé 
à la blancheur qui l’a envahi,
le pré s’est déclos. Dans la neige
on voit des inscriptions que cette onde propage
jusqu’au pied des sapins.

Si ce sont des merles

Si ce sont des merles ou des feuilles, en fait on ne sait pas,
vu d’ici on ne peut dire.
Ou de simples formes, lèges à travers
la haie. Qui ont ouvert la rondeur de l’aube,
d’une retombée incidente.

Volatilisés avec la neige

Volatilisés avec la neige, sous de sombres plis.
De nouveaux axes que l’aube protège.
Une aérodynamique inusitée. L'air est plus lourd que
les merles traçant au bord de cette vaste clarté
un cercle de fébrilité.

Que fixent-ils ?

Que fixent-ils ? Leurs va-et-vient ponctuent
un grand blanc - que n'ai-je retenu avant
l'emplacement des sentiers ! -.
Les merles ne restent pas, ils tracent obstinément
de nouveaux signes de vie - à lire cette morsure
 
dans l'effacement de toute perspective -.
Rondes et marquages délébiles - ce qui est vivant
ce qui bouge perce déjà l'homogène clarté du matin.
Chemins invisibles sous le manteau : est-ce dire
qu'ils sont proscrits ou circulent clandestinement ?

Je suis le chemin

Je suis le chemin. À pénétrer le silence nival -
ce régime tout spécial du transport - de mon regard
de naturaliste calme et perplexe - qu’est-ce qui
était là, au fait, et composait cette vision ?
Qu’est-ce qui étaie-là ta vision, tu veux dire, quel fait ?
 
Quelle neige  me compose et m’unit ?
J’accommode l’œil à la courbure du champ agrandi
- une extension de l’aube où la haie a disparu,
transigeant avec la distance : plus rien n’est proche ou
lointain, tout lévite - que viennent avec légèreté épingler les merles.

Nous oblige

Nous oblige en vis-à-vis, à un engagement
de tout le corps - tu dis t’émouvoir : comme il faut y aller ! -
car aucune proposition déclarative ne suffira
pour témoigner de l’accès.
Je suis le seul chemin, à cet instant précis.

Ça

Ça, est-ce la conspiration des merles
et des feuilles ? Ne dis pas de bêtises ! Et contre qui donc ?
L’entente des choses entre elles, leurs métamorphoses et transmutations
- ni déduction ni inductions pour appréhender cela - auxquelles
participe notre langue, nous oblige et nous compose.