Oui, bon.

Oui, bon.
Regarde l'herbe tranquille - elle
attend son heure - ne t'en fais pas.
Quelqu'un égare ce qu'il garde,
pour, deux ou trois pas plus tard,
 
le retrouver. C'est ça !
Perce-neige et primevères font leur temps,
l’air est chargé de sable en suspension - sans
que le temps soit moins compté qu'hier,
comme ceci est suggéré par le langage -.
 
Est bien réelle l’image
(suggérée par le langage) d’un jour
continu, sans gradation,
matérialisé par la lumière ocre et trouble
(troublant ce filtre qui soudain me fait voir autrement le crocus au détour.

Très humble

Très humble, beaucoup trop, 
- trop peu affranchie du sol -
prodromatique petite joie,
tu me vois repartie en campagne.
(c’est ainsi que je marie la fleur et l'épouvante)

Elle qui, pourtant

Elle qui, pourtant,
me put tenir humaine, et vivante. 
Au froid soleil sa blancheur perdura
tant que je la vis.
Ainsi je renonçai au miel de l’oubli.
 
Et, à peine ébauché, elle annonçait un
- autre - premier, perpétuel,
sur chacun des pétales sa macule
annonçait la couleur. Y avait qu’à voir, ah !
ah ! et tirer parti - et joie - de ce pas particulier.

Puis résorbée

Puis résorbée en sa motte
la perce-neige fait taire
- un instant - le monde
ou c’est l’orante
ou c’est - fatalement - la tangente.

Est-ce le soleil

Est-ce le soleil ou sa distraction momentanée ?
Est-ce… ? Qu’est-ce que ça peut faire !
Beauté éparse fait le départ avec le printemps violenté,
debout sa distraction minuscule
juste prononcée est l’indice d’un tout.

Et sa très suave gratuité

Et sa très suave gratuité - grâce
serait plus offrant -
blancheur extraite de terre
tintinnabule timidement.
Est-ce le soleil qui perce ainsi ?

En déjà-vu

En déjà-vu elle a fait sa percée,
dans la confusion et l’enchevêtrement des restes
- feuilles et fanes enlacées, et lierre - d’un esprit
hivernant (qui osa en lui-même sa lumière),
son tombeau. Encore faut-il ne pas la falsifier.

Une fleur délicate

Une fleur délicate brise la glace -
l’esprit tout engourdi - quelle épithète
peut rendre compte - persévérante ? - 
de la fleur sans trêve - nivéale ? - qui débouche sur le printemps ?
Quelle première fois ? Combien de pertes ?

Bon.

Bon. Que vas-tu cultiver ? (que préférer ?)
Une fleur succède à une épouvante.
La perce-neige vient corriger - petitement,
à la hauteur de sa pré-vernale et très discrète
persévérance, sans gloriole - ma perplexité.

Mais dans le même souffle

Mais dans le même souffle pousse le moly, fleur de lait,
herbe de vie, antidote au vent vireux
et à l’atropine (c’est le principe actif de la jusquiame
qui perdit les compagnons d’Ulysse
changés en porcelets par le philtre de Circé).
 
(comme l’oubli serait bon, comme
il serait doux de s’oublier, ici aussi)
Donc, le moly (le galanthe ou encore la perce-neige)
vient calmer nos alarmes,
palier l’absence de beaux jours,
 
il apaise et grandit en beauté.
Et nous restons humains.
(c’est mars qui fournit ainsi le mal et l’antidote,
Mars Gradivus, le dit-on,
tout autant que vengeur.)

L’exorde était parfait.

L’exorde était parfait.
L’intention comme il se doit suivie des actes.
Que le printemps soit commis à la consécration
des calamités, encore une fois.
La mêlée qui commence est sûrement épique.

Mars

Mars entre dans la danse (c’est un bal) la furie
aussi : Bellone entre en fonction, le fétial
a déjà jeté la lance.
L’épouvante et la mort accompagnent le char
de la dure déesse.)

Et puis Bellone

Et puis Bellone au fouet sanglant
- les mains sanglantes -
celle qui ronge le cœur des tyrans - son nom de fleur
- pourquoi si beau ? -
va flétrir le pré.

(Car repartir :

(Car repartir : voici le verbe inchoatif,
l'entrain de Mars gradivus, voici qu’il s’avance
le martial, jeune et cuirassé mars, il presse le pas
chargé de grêle et le vent de la démence le suit.
Voici le ver sacré qui ouvre le bal des désastres et des migrations.

Mars

Mars, un départ hâtif -
ou un abandon -
que pugnace et non tempéré - impudemment -
poursuit le vent, la réalité du vent,
(seul l’adjectif qualifie et congrue).

c'est bien toi

c'est bien toi, c'est bien lui (sa
rumeur) la rue morte est jonchée de branches mortes,
des débris tu te saisis qui t'égarent - ça
c'est le vent, c'est ça - qui prévient
l’exode épouvanté.

je n'y parviens pas

je n'y parviens pas. L'émotion
est imprécise, peur ou jubilation inavouée
- non pas seulement l'émotion, mais tous ces prononcements inarticulés,
interjections, jets de mots et de vent -,
rien ne t'échappe et tout t'échappe,

Il l’essouffle

Il l’essouffle,
la fragmente ou l’étire.
Martyrise le tempo (mais c’est ce qui
réa mor
ce : ce qui nous dérange met
 
en branle et ce branle-bas malgré
nous nous propulse),
haletant, hoquetant (gênée,
suroxygénée peut-être, j’attends
la paix de mon pouls)

Croit-il

Croit-il que j’aie assez de cœur ?
Pour ce bruit de bottes je devrais crier
mon indifférence
(comme devant la colère d’un petit enfant,
pour la désamorcer), ma consternation grandit.
 
Tant de coïncidences pour lesquelles
- veux-tu danser aussi ? - il fait trembler
la phrase, et sa démence
(dans un semblant de légitimité dispensée) 
évasivement envahit la mesure.

L’exorde

L’exorde était parfait ! Moi je l’écoutai,
le silence de l’accalmie avant les
- crépitements, fracas de branches et
de planches, bris de terre cuite et vol oblique - croit-il que j’aie,
moi, assez de souffle pour cette folie ?

Qu’est-ce qui nous rend si sensibles

Qu’est-ce qui nous rend si sensibles
aux roulements
tout autour ? Au mur nord
un volet tient parole, nous arraisonne,
pour le vent. Au nom du vent ?
 
Un simple figurant.
Le rhème interminable
quant à lui
suit le relief, remonte la rive de toit
dépose le lambrequin
 
ruine le chéneau,
(mais pas la chaîne), il traîne
en longueur indicible,
revire de bord.
Il est déjà ailleurs, mais sans moi.