D’ailleurs que vas-tu

D’ailleurs que vas-tu - boutonnant quoi
sur la jeune gorge pantoise
qui s’offre à toi ? - révéler de vrai en (lointain) rapport
avec la crémière, le désir
et l’horizon ?
 
Mais qu’est-ce que je m’imagine ? 
Tu peux tout dire et son contraire,
pourvu de cet autre nom de Chausse-trappe
qui sème ton piège sur le champ et nous y enferre.
Mine, disais-je ?

Se dit

Se dit ce qui vivote ou abonde
- trésor varié, réserve ou effort -
pour s’ajuster au monde
se composer un gouvernement fiable (tenable) 
pour partager ce
 
nom - cet éboulement sonore qui fleurit toute chose brièvement (floraison non péroraison) -
qui fleurit. Bouton d’or ta réserve inépuisable
- ta mine -
donne des envies de
- je ne sais quoi - (franche disposition à jouir).

Mais c'est un grand froid

Mais c'est un grand froid qui dans l'esprit
descend. D’un cran lequel chaque jour s’amuït
(quelques degrés de plus, une minute de clarté).
La parabole des redditions se poursuit d’autant  
- se taire à l’occasion -. Pour l’heure une laine suffit à nous couvrir.

Quel pauvre signe, si (Ruine de Rome)

Quel pauvre signe, si
sobre lithophyte, n'y pouvant plus,
sa gorge minimale émet deux fois.
Fleurs petites qui ne sont pas moins là,
capables de prendre la Ville mais pas les chemins,
 
elle perpétue cette prise
(elle ne peut décemment ignorer la coulée)
et s'allie la nappe sirupeuse. Et moi,
je ne sais plus où regarder.
- Regarde tes pieds hésitants dans l'agencement grandiose de la sorgue.
 
Mais c'est un grand froid qui dans l'esprit.

Sa progression

Sa progression engage l’œil,
l’horizon afflue soudain en horde cuivrée
jusqu’au nord, règne des gravillon flammé,
pâleur d’étain, ruine de Rome
- déjà conquise -
 
toujours déjà conquise - elle collabore,
d’ors et déjà s’enorgueillit d’un ultime coup
(de feu) sur ses cymbales -.
En sémaphore accorde ses signes au lointain
qui dévale et déclare son emprise.
 
Moi aussi.
Art fugace, soir (après les cloches) tu dis
vite l’empire, cette glu pour la survie
la prolongation grevée (déjà)
de toutes les morts.

D’or pas le moindre

D’or pas le moindre milligramme, la fleur n’est pas vénale
c’est plutôt un miel dilué ou tiens une tisane
qui coule sur la pente de l’après-midi nivelée 
- mais la pente est douce - et englue la vue.
Une larme ?
 
s’il vous plaît ; en raison de sa minimité
- son infiniment noyé dans la glue
du commun (vulgaire n’est pas grossier) -
occulte dans sa minimité, ces clandestines  
font le jardin repeint de délices, reprenez de cette humilité
 
oui, allez, de ces renonculacées on a jamais assez,
en veux-tu en voilà, ces cymules
en hélicoïdes dissimulées dans la lecture
- la main en visière l’œil repaît,
la répétition tautologique l’apaise -
 
la métonymie le rassasie, comme la nappe
dort - revoici l’or en son marché clandestin
qui le tarabuste,
l’aiguillonne, le scandalise -.
C’est le soir, d’un vieil or alarmé.

D’ailleurs

D’ailleurs. Le bouton d’or maintenant pour unique horizon.
Quoi ? Pas le canna dis-je,
ni aucune autre de ces zingibérales
(pas le prodige de l’oiseau de paradis), non,
la fleur banale qui fleurit l’humilité et la raison.

"Elle fait pas ça pour que ce soit beau"

Elle fait pas ça pour que ce soit beau. Ouais.
(bien sûr que non) Elle organise son propre transfert.
Si petite et déjà dotée de la science ingrate du gouvernement de soi-même.
Du bobinage (embobine qui peut)
(Dixit la poète en parlant d’elle-même c’était dans Libération).
 
Et nous avalons la couleuvre. (pas de quoi se vanter)
Ouais. Pas de quoi.
Ce qu’on devrait tous savoir faire (pour notre survie) : le mort.
S’exfiltrer de l’image (ou de l’idée) (et non surenchérir)
(à moins que la surenchère ne soit la mort de l’image) (ou de l’idée).

Des larmes

Des larmes, pas tant, quand je la vis disparaître, mais pensive.
Sa plasticité - ou résistance vive élastique -
puis sa raideur cadavérique ont été ses réponses successives
à un état de contrainte donné,
son corps en vrac sa résilience et son endurance, son sauf-conduit en quelque sorte.

(son corps

(son corps est demeuré longtemps raidi dans la forme
donnée, approximativement celle du ressort - spires en vrac - dont j’ignore encore
la loi de comportement - un lien avéré entre les forces appliquées
et les déformations qui en sont résultées, torsion et enroulement -
ne s’est finalement relâché que pour restituer, mal, toute notre énergie
 
et filer sur les dalles. Déclarée vivante elle aussi
en vertu de sa réponse à la sollicitation, de sa plasticité et
de sa capacité à simuler - bref son effort -
en vertu de sa souplesse, de sa vélocité, et tête dressée
vers la porte du jardin sinue. Que subsiste ce monstre de subtilité !)

Elle rafraîchit la main tendue

Elle rafraîchit la main tendue, la méridienne.
Tout a soif.
Le rouge-queue croit-il s’abreuve aux fenêtres.
Mais qui trompe t’elle la couleuvre juvénile
qui fait la morte sur le sol de la cuisine ?

Et si quelqu'un siffle

Et si quelqu'un siffle en plus, ou
chante le chant rugueux de la route poussiéreuse,
du marteau de charpentier, de la vibration des charpentes,
c'est la vie.
Et nous qui avions ignoré les difficultés, nous renaissons
 
à ce réalisme retentissant.
Herbes qui reversent - notre humeur agreste,
notre joie fugace - (leur menue monnaie, déjà,
dissémine le temps)
un peu de leur vie égaillée
 
tandis que nous mordons (nous tentons)
- droit au but - sans oubli du mouvement
dans la sphère aérienne du trèfle, et pour l’obscurité
cueillons la luzerne
et pour la soif la vesce, sa petite amphore.

C’est une forme de traversée

C’est une forme de traversée (des images toujours)
de l’impuissance, c’est - arrête l’anaphore !
C’est
comme si tu savais !
La symétrie assénée te cloue vivante à la charpente.
 
Mais la musique ? Et l’obsession ?
La percussion régulière du marteau lointain
tout au long d’une après-midi printanière,
pour fixer à la ferme les pannes, le faîtage et les chevrons,
la percussion régulière du marteau lointain, c’est encore un rythme, c’est pas l’enfer.

Où la plupart se quittent, ou se perdent.

Où la plupart se quittent, ou se perdent.
Eh dis-moi ! Que sais-tu des Enfers, toi, est-ce
l’amour perdu ou l’oubli de l’amour, l’abandon ?
Le son des charognes au bord des routes -
son accord avec l’eau courante ou le vent
 
(Coré dansante, Perséphone à son nom
de vanneuse, Proserpine sinue ou serpente)
avec le grain tourné dans le van (comme la tête tourne elle aussi !)
avec le limbe foulé de l’herbe -
et que la mort duplique ?

Scènes courantes

Scènes courantes de l’opulence.
Au talus, soient l’euphorbe Petite Éclaire,
ou la Grande éclaire, (Chelidonium majus censée rendre la vue)
ou encore le bouton d’or,
tout cet or frange le corps putride d’un lièvre ou la dépouille du serpent,
 
ce doué de parole, ce brûlant mentor,
non loin d’une sandale abandonnée.
Quel talon abonde alors, courant, (ou folâtrant)
me souvenant du rapt de Coré aux bois d’Enna,
d’Eurydice aux Enfers, d’Oksana ou d’Inna à l’aciérie Azovstal.

 

Avec avec avec

Avec avec avec
tout ce qui est. De par la vicissitude ne serait-ce que des heures,
des jours, toujours plus vivant - car plus touché -
et plus conscient de sa trame.
Car sa voix lui vient - aussi - de ces révolutions.
 
Ses joies d’ébahi devant le signe
- d’éternel retour -
réduit à la plus élémentaire vesce
quas vices peragante (elementa) docebo*,
œil, simultanément perdu dans ce retour et trouvé,
 
je te suis. D’un pas timoré d’abord, est-ce
sur la route - la déroute - de carnages
toujours plus virides ou de naissances
et co-naissances, reliefs, décompositions 
dont tous les signes demeurent.
 
 
*Ovide, Métamorphoses 15, 238 (je vous montrerai comment ils (les éléments)
se succèdent alternativement, Gaffiot numérisé, à vicis)

D’un œil prévenant

D’un œil prévenant seulement apte à tolérer
(rien de ce qui se clame, se crie,
se hurle plus vivant,
ne l’oblige ni l’oblitère) et non à discriminer,
voici l’incessant repartir sait-on de quel pré de quelle haie,
 
un matin jaune tremblant
sous les fusains les coudriers
avec chats épousant la terre
à l’endroit fraîchement dessouché 
et pierres affleurant.

(En voilà une vitalité

(En voilà une vitalité médiate !
Soient sur la table natures mortes ou mobiles,
- haie dodelinante, indolentes perdrix -,
j'observe ces motions exhaussées de lumière et de vent
et rends compte,
 
mais la plus simple horlogerie m'échappe,
sa mécanique troublante pour qui prend vigueur
de ses mots la touchant* et dont la musique désoriente.
C’est sans amertume,
le simple constat de délabrement par lequel je dévie*.
 
Sur le métier d'un si vague penser* - est-ce encore penser ? -
Mais quoi, que penses-tu ? Je danse, je vague,
corps et âme désempare, raison décontenance.
Mais que fais-tu ?
Je fais passer.)
 
 
*après avoir retrouvé (et avec) Voici le bois, poème 159, Les amours, sur le blog de Claude Chambard Un nécessaire malentendu  
Pierre de Ronsard, Les amours et les folastries (1552-1560), 159, LE LIVRE DE POCHE classique, 1993, p. 192

Qui de nous

Qui de nous retourne aux ronciers, aux lierres,
aux épines et douces fileuses (dignes épigones d’Attila),
qui aux bûchers ? J’orchestre un massacre prévenant
- pour contrer la mort - je minimise, j’accorde l’indéfendable,
je glorifie le petit, l’irrecevable, (je trébuche) et tout cela
 
jusque sur la table, où ma dévotion se poursuit à la vie
à la mort si furieusement, si suavement mêlées.
À foison vient le monde. Pauvre numération inopérante,
et rythmique bizarroïde. Voici les jeunes cornouillers mâles qui
m’activent en métronomes.

Ou ces pilleuses

Ou ces pilleuses d’œuf (et de bœuf, non ?) en douce s’esquivent
pendant que naïvement j’explore mon bestiaire,
je sanctifie la fugacité. L’inanité de nos vies liées par instinct,
oh la farce tragique ! où horreur et beauté en d’étranges coïncidences,
et entrelacées - oui tu perds ton fil ! - s’interfèrent.

Donc deux perdrix

Donc deux perdrix nonchalantes
traversent la scène. Ni empreinte ni bruit,
leur indolence passe sans faire d’éclat.
À peine foulée, l’herbe se referme sur l’erre amortie.
Quelle suprême oisiveté vient là contredire le cortège de feu du retentissant ?

Un ange passe

Un ange passe, c’est un ange à deux têtes,
pensé-je (un boulet ramé sensé abattre le gréement,
déchirer la voilure, couper les manœuvres, bref, une calamité de plus !)
-Ah ?! C’est toujours le mot lège, riant, qui s’amène l’air de rien,
volant à votre secours ! Votre vie de bonheur, c’est ça : l’arroseur arrosé.

mais c’est nous

mais c’est nous qui nous embrasions.
qui d’une bonne haie faisions l’arme
et la poudre et d’une plaine le théâtre de nos campagnes.
Qui chargions la fleur et l’animal de nos mots.
(j’en suis là de mon feu quand passe imperturbable,
 
aussi imperturbable que l’intermède glissant -
le divertissement littéral entre les tableaux ou les actes -
la distraction nécessaire d’un troupeau d’oies altières
dans un film d’Emir Kusturica, ou la photographie de John Mohr,
une couple de perdrix rouges, de cour à jardin).

Vois-la

Vois-la de sa loge débusquée.
Si froide qu’elle éteindrait le feu selon Pline L’Ancien
(dans son Histoire naturelle).
Un contre-feu ? Une devise (l’aliment et l’antidote)
lui fait porter le lourd programme de la passion,