Avec lui

Avec lui - avec précision - s’écrit ce récit,
et le chiffre de ce témoin (le peintre, l’homme simple et habile)
c’est un lacs d’amour, le nœud coulant
du monde. Icare a passé si près.
Tous les sarments scintillent ainsi que des vaguelettes.
 
Je suis perdue !
- C’est que liseron t’aura prise au collet !
Où il s’est pris lui-même il prend,
bellement, quêtant la forme nouvelle.
Son rets de verdeur est sa constance.
 
 
* en partie en regardant La chute d'Icare, de Pieter Bruegel l'ancien, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles
 

(Tous lisent les signes)

(Tous lisent les signes).
Le vivant est à l’analogie (ou bien l’usage) :
le manteau d’herbe par le coutre coupé bée,
et le versoir forme les lignes indicielles (je, ici, maintenant)
- le sep étant l’unique équerre du monde -.
 
 
* toujours en regardant La chute d'Icare, de Pieter Bruegel l'ancien, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles

Pleurs dictés

Pleurs dictés des longs automnes
et sanglots - et lots de consolation, et sang aussi -
et sol
molle terre à l’ombre morbide encore,
mais des sillons ciselés, ados ressuyant
 
(d’inénarrables profils sont posés là qui enroulent le sens)
réécrivent tout autrement la scène.
L’autre main de l’homme - l’une est astucieuse,
et l’autre seulement habile - tente la ligne,
et la page. Tous regardent ailleurs.
 
 
* en regardant La chute d'Icare, de Pieter Bruegel l'ancien, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles

Le liseron

Le liseron avait à peine quitté le sol,
porté au pinacle sa fleur juvénile,
(et comme on lève un verre) répandu
la nouvelle de son évasion :
mais comme Icare il se fondit en un instant
 
dans la trop grande lumière de son désir. Voilà.
Tu fais dans le genre Bergerie maintenant ?
Dans le drame et la malédiction ?
Lamentations en nombre, anthologies déclinées
Soyez deux, soyez brefs ! (Oh, jamais trop loin de l’élégie)

La vie a son effet.

La vie a son effet.
Non mais sans blague !
L’effet-liseron ? L’impétueuse crudité
monte à l’assaut de tout,
déploie son dais de
 
verdeur qui
- qui trop convole ? En nombreux liens, oui
perd le nord. Oh, tu sais !
Ce couronnement ne porte nulle part
qu’au pinacle.
 
(Un édifice bien précaire. Sitôt
atteintes les nues, le support cède,
- tiges floches de l’automne impalpable,
filets de sève ténue, rebuts,
toutes herbes enclines à s’égrener -.)

Des crêtes

Des crêtes il en conçut
qui aussitôt déferlèrent
en vagues défaites, ou verticale tenture
dont la chute est plus cuisante.
(La chute est plus cuisante.)

L’herbe

L’herbe est à son comble,
vivants et morts liés, enchevêtrés
dans sa veule disposition  
à retomber
- sous la lumière immature -
 
ploie ses tiges comme
lâches - une fiévreuse panse noire
remise la feuille noire et des milliers de germes
y vivent - qu’emprunta in extremis le liseron
pour flotter (lui seul s’essaya à la grandeur).

D’un pied sur l’autre

D’un pied sur l’autre,
(au pied du liseron et du cyclamen)
et sans jamais poser la question de qui au juste t’aima ?
et sur quel pied ?
Danse ! (et c’est aussi la manière d’accorder les violons
 
et les flûtes.) Qui danse ?
Tous les pâtres imaginaires
suivront le mouvement des corolles
et le parfum des couronnes, l’églogue
est à son comble lorsque par bonheur
 
l’œil embrasse tout ce qui l’entoure.
Cependant ne nous ravis la vue, Célimène,
ta danse est ronde et fleure l’automne déjà,
le sylvain cyclamen touche aux confins de l’été dans la haie,
à l’orée du vrai, à l’orée de la vie.
 
C’est le vertige de tes variations infinies,
simultanément vraies. Quelque chose de nouveau
s’insinue dans la ronde, quelque chose se meut dans l’herbe haute
et grise, (la mort même remue), oh sans défricher
les fleurs aimées, ô Célimène.

Tandis que le coffre,

Tandis que le coffre, comme l’arche d’alliance
recèlerait le trésor, la dote de cette propitiation ?
Va donc, bergère ! Pleure ton saoul et varie, Célimène,
d’un pied sur l’autre
danse et honore cet amour lamentable.

C’est la fleur

C’est la fleur dont on ceignait nos têtes
- forcément virginale notre manchette de Notre-Dame, on la disait aussi chemise - et
avec Félicité et Perpétue,
elle scellait l’étrange alliance
de notre jeunesse avec la génération.

Et liseron,

Et liseron, son œil unique me serait cet été ?
Cet œil, Célimène
grandi dans les herbes et les chrysanthèmes
spiralement vôtre 
parfait ma saison descendante.

Mon petit

Mon petit (ce ton condescendant
depuis votre hauteur - de tuteur -
vers ce qui grandit, et s’émancipe,
ce ton de tendre condescendance) : 
ce qui ne te tuera pas te sera vie !

car c’est un trop grand risque

car c’est un trop grand risque
- ô combien obscène ! -.
Arbres, herbes, rares fleurs
toujours plus digités
- sous la langue, sous la main -
 
t’égrainent bien évidemment !
Toi aussi. (toi aussi, fillette, en passante
tu participes.)
Les cyclamens - de Naples, de mémoire -
approfondissent l’été (et c’est déjà le participe passé).

Prends note

Prends note doucement
- amoureusement -
de ces variations. En amoureuse
bois le signe, la douce sylve s’exténuant
- et ne t’adonne à l’autopsie -

Et ?

Et ? Suis la logique de l’amour.
Parce que nous cherchons tous à aimer, non ?
Cherchons le signe de l’amour, cette présence
qui étreint même nos bras vides. Un chaton roux 
couché dans les cyclamens
 
un autre, écaille de tortue, dans les œillets gris.
Comment vous parlerais-je ? Comment
lui parler, long liseron
remontant la tige du chrysanthème
au point de tresser un paysage unifié
 
(non pas uniforme, et invariable), son expansion
spiralée semblablement en quête de hauteur nouvelle
pour déployer son pavillon de suavité.
Indices de doux soir mouchetés sur la robe immaculée.
Nous retrouvons dans ces touches disparates
 
les signes de l’idylle perdue ? Ou
se retrouve le monde par petites touches
derrière le désespoir, ou derrière l’idée désespérante
de l’inconstance, de la précarité,
de l’impermanence.
 
Fourmillements continus
menus germes et morts insignifiantes
préludent à l’immense hiver.
Vois la désagrégation et la fermentation,
et tous les enzymes, c’est l’immense réserve de constance, Célimène.

Ce n’est pas ça du tout.

Ce n’est pas ça du tout. Quoi ?
L’expérience. L’expérience de l’homme,
le sphinx, la salamandre. Une inclination,
un répertoire, aucune tendance ne se peut dégager
d’un mouvement si infime. C’est la somme
 
qui accomplit la sensation, la restitution
de la sensation. Qui accomplit la vie.
C’est pourquoi l’acquiescement ?
Ce à quoi tu peux dire oui. Ce que ce oui
touche - et fait éclore -
 
Plutôt qu’acquiescement, allusion ?
Je vois : « allusion : jeu sur la forme des mots ». Oui.
Parce qu’il y a une logique de la sensation, poursuis
cet art fugace de l’allusion, de l’évocation.
Franchise de transport. Et.

Irrémédiablement

Irrémédiablement, la convergence
vers un seul et même enthousiasme
- arrête-là ces vers amébées !
trouve les conditions de l’enthousiasme authentique ! -
s’avère impossible.
 
La petite salamandre noire dans la maison l’éprouve,
(le prouve, s’il le fallait),
prostrée qu’elle est
tout près d’un âtre froid, mais
quelle sorte d’indice es-tu ?
 
- Sois seulement l’indice de ce que tu es,
signe, et toi,
réduis-toi à ton plus petit acquiescement,
et bon vent !
- Vraiment ?

Sa tendance générale

Sa tendance générale est au rapprochement,
voire à la confusion, mais sans vraiment toucher ou dialoguer ?
Célimène, reprends tes moutons tout comme tes billes !
La guerre touche à sa fin sans jamais finir,
la fin bouleverse tout, le paysage en sera changé.

Asymptotique

Asymptotique, la branche infinie de courbe,
(elle qui approche la racine approximative
par la variation infinitésimale),
et, à la fin de l’expérience
n’est-ce pas sa tendance seule qui est visible ?

Et la constance ?

Et la constance ?
La constance se trouve dans la variation.
La variation est consentie à la vie. Ta vie
redouble de conscience si tu suis
la courbe inéludable.

Par ailleurs

Par ailleurs je t’entends bien bergère Célimène,
(ta brunette est un peu triste malgré l’invocation).
(Ah  mais ! Le silence de la plaine - on connaît ici aussi
ce silence graciant - c’est la conscience de l’itération
qui te le rendra, ô lasse et consentante, acceptable.)

(Si ta partition

(Si ta partition est lente
et peu écrite, tu suis des yeux les moulins à vent
qui exercent dans le vide
de grandes ailes à jalousie
maîtresses de la force centrifuge.
 
Tandis que toi assise par terre
tu rêves à l’été - sensation afférente -
et à sa couleur,
les sphinx habitent la maison
aux couloirs de miel.)
 
Tout ce qui lie ta bouche au ciel
(Ô vocative ET inéclairée - occulte - voyelle
- et la pensée soudain affloue
grammaticalement vraie -)
cette même lie parfois l’englue
 
que j’ai - qu’il eut sûrement, sphinx (Acherontia atropos)
lorsque repu il ne trouva pas la sortie
de la ruche, le miel m’accable dut-il se dire
et le miel l’accable, en effet, et il finit en roi,
sous la propolis et désormais pérennel.

Un autre sphinx

Un autre sphinx dans la gueule du chaton
(ne fais pas le malin !)
pousse ce cri similaire à tous les cris.
D’épouvante ne jure pas que tu t’en sortirais
toi l’indemne, de la gueule de la vélocité.

même dans la joie.

même dans la joie.
Enjoué
malgré la mort
non, n’accorde rien, (prends ça !)
(car se peut reprendre ce qui n’a pas été donné ?)

Le réacteur

Le réacteur
la fission interrompue
risque majeur. Certains jouent
le grand jeu, s’attribuant beaucoup.
D’autres (dont nous sommes) lointainement perpétuent
 
la vacance. Aux exultantes mœurs
joie sous contraintes, dépenses,
repos - est-ce bien mérité ? -
Trombe de cris.
Le sphinx c’est le miel de la ruche intra-muros qui l’attira par là.
 
Soudain : Ça va vous plaire Mme (Pour une rentrée à cent à l’heure.)
Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos
capacités de remboursement avant de vous engager.
Plein de choses à acheter, de nouvelles activités à financer et quelques petits
week-ends pour décompresser… C’est la rentrée !
 
 
Acherontia atropos, la vieille Parque a frappé.
Mais alors, Ô toi, (nous reste l’invocation) (c’est pourquoi
l’enseigne ?) - demeure
le loisir de paix, l’oisiveté - ô modérée,
accorde-nous d’être sobres
 
même dans la joie.