et moi l’écheveau

 

et moi l’écheveau

de trop

 

la cavale

(mais veaux, vaches)

assourdie sur le sol mou.

 

(et s’égosillent)

 

(et s’égosillent)

 

informe élancement résurgent

de sous la souche

 

le terreau amortit la chute

chut !

 

l’ortie vite

                 l’ortie retrace

                            trame elle aussi

s’étoffe

suit les ondulations de la paroi métallique

 

c’est ainsi qu’un chablis nous cache le jour

tout près

 

la mer houleuse des ronciers

où j’ai longtemps rêvé un chat

accuse la pluie

 

poc

 

(des floraisons complices

 

(des floraisons complices

s’époumonent)

 

ça sonne creux

ça sonne là

sous les ronciers fertiles, poc

poc, écument les vies tambour battant

ça bouillonne

 

Et je suis ta voix

 

Et je suis ta voix

idiophone

 

s’amplifie ton air

quand pluie         trame

 

il pleut envers

 

poc poc (rouge adverse)

contre le bidon à fuel, la rouille exacerbée


clôture et muret

 

clôture et muret varient leurs coordonnées

topographiques et perspectives

(piquets obliques à la mesure de la valeur angulaire,

de l’heure)

 

tout est dérouté

quand un jeune frêne outrepasse la ligne

et suit l’horizon

 

je rentre dans ton paysage

 

des ronciers

 

des ronciers, une mer

sombre

embrasse l’embâcle

 

des houles l’éloignent

le ramènent

le malmènent

 

surnagent le seau et le ballon, le bidon métallique

 

Vue enlierrée

 

Vue enlierrée : le poids de l’ombre-bien-avant-l’ombre

brisant les piquets d’acacia  

la clôture en chavirant

entraîna le naufrage d’une flottille de buis

 

(de faible tonnage qui mouillait là)

 

puis par ces pertuis a déferlé la brousse

 

sur un embâcle naturel dont le temps seul est l’artisan

et l’expédient

- le glissement d’un seuil permanent -

que la végétation elle-même comprend

et contourne par le haut

(toujours plus en hauteur, les câbles de la vigne-blanche

hissée aux mâts

et aux vergues qui s’inclinent jusqu’à la vague)

 

boucles flottantes

 

boucles flottantes

pétioles lascifs

 

on ne sait pas qui

des fleurs du cerisier ou des sarments de Clematis vitalba

contribuent le plus à la formule

 

de l’équivoque vernale

 

une éblouissante promesse à l’œuvre

autant que

la trahison complice de nos espoirs

(parce que nous pensions y retrouver ces petits buis)

 

et enlierrée.

 

Un monde pérenne

 

Un monde pérenne

qui se consacre (allègrement) à son économie,

il n’y a qu’à voir la liesse - chère li[é]e - de la vigne-blanche

dans les branches de cerisier

 

l’austère enserrement (mais l’enlacement pondéré)

les fleurs délicates sous-tendant ces rudes sarments,

 

en vue de la liaison fruitive

 

Cette haie

 

Cette haie, d’une vitalité intensive,

à la dépense pourtant sobre et prudente,

- usage exhaustif de l’espace, de la lumière,

toutes dimensions déployées -

convertirait à la circonspection n’importe quel visiteur dispendieux.)

 

nulle interprétation cependant

 

nulle interprétation cependant quand

les capsules creuses des fusains pendulent devant l’œil

 

(toute interprétation étant abusive

il faudra éclaircir sans élucider,

ne cherchons ni ne rêvons de raison à cette structure profonde,

ni de présage pour nous.

 

et ce paysage

 

et ce paysage est un concours de morts qui admet la vie

et qui l’étaye

la cépée écartelée du coudrier

la ramure passible d’un frêne pour l’ascension de lierre

 

qui perd gagne, et c’est l’éloge de la ruine

pour le socle solidaire, pour l’échelle infaillible :

rien n’achève jamais la chose achevée

 

(sauf peut-être mon œil épris de rationalité soudaine :

éclaircir pour relever ce muret)

la chose que je vois en championne toutes catégories de l’économie,

avec l’exaltation que cette art requiert

 

paysage vertical, monde profus, recomposé,

déjà ma phrase à vau-l’eau sur cet entrelacs éblouissant,

contre-jour

 

aveuglant de réalisme

 

ma propre chair l’éprouve.

 

ma propre chair l’éprouve. Ma chair

en réponse, œil pour œil, pour évaluer

cette profondeur aggravée

(malgré ma difficulté à accommoder)

surtout qu’un automne s’est plu a glorifier la mort.

 

Là, il fait la roue, cet œil vulnérable

tout autour et au cœur de cette parade printanière

où ne reprend que ce qui l’entend

où ce qui est mort est là, pour autre chose,

entrelacs mystérieux d’utilités et d’usages,

 

avec un vieux seau et un ballon pour couronner

 

rentre dans mon paysage dit la haie

 

 

ce débordement par le haut

 

ce débordement par le haut

à tous les registres, bientôt indépassable,

que je devrai moi aussi tailler, yeux qui ne demandent qu’à voir,

gemmes miraculeuses, diaphanes dans le rai clair,

qui perlent à chaque embranchement

 

vers le coudrier

 

vers le coudrier qui redoutait le vent (ici aussi c’est

l’esprit de la vie qui taille dans la vie, ici aussi)

de plein fouet j’y vais, cinglée,

car de toute part la haie cerne le monde

et exulte (et m’exhausse, moi qui suis maladivement soumise à la terre)

 

Je suis là.

 

Je suis là. J’avance vers le camérisier.

Une infime chose, puis une plus insignifiante encore

(l’humble perpétuation de son intensité vernale -

le si fin dessin de ses jeunes feuilles, la modicité

du feuillage mais d’intense clarté -)

 

Allez ! De viorne lantane en troène de Chine

 

Allez ! De viorne lantane en troène de Chine

(de Charybde en Scylla)

fuis la beauté pure,

ses minuscules fruits épinglent là

tes doutes, toi, tes questions purement questions !

 

J’approche de la mancienne

 

J’approche de la mancienne, maussane,

pour ses cordons (pour mes fagots)

la fleur de lait caille déjà au centre

d’un déploiement de feuilles gaufrées.

Fuis en raison du parfum la viorne lantane !

 

sur le motif

 

sur le motif

sur ces lieux de lumière, je viens

alors que supervisant la haie

il conduit de main de maître (bientôt maître

de l’ombre) l’avancée printanière.

 

comme en visitant la haie

 

comme en visitant la haie,

on relève les manques

 

on s’étonne des nouveautés

 

on devra questionner le fusain

comment vont tes hyponomeutes ? et de l’érable champêtre

 

scruter le haut lignage

(toi cocher qui tient la haie au cordeau

 

diligent aurige, maître

à la parade, de main de maître)

 

et où vas-tu ?

 

Printemps :

 

Printemps :

non non

le monde ne s’exilera pas du monde

(c’est seulement l’humain, lequel quelquefois…)

mais voilà l’illusion nous fait dire : rien n’est perdu,

alors qu’on le sait bien, c’est plutôt : tout n’est pas perdu qui s’avère l’expression

adéquate (nous nous rendrons bientôt compte du retentissement

par le vide,

ce pur scandale,

de tout ce qui n’a pas repris)

 

Attends attends attends

 

Attends attends attends

comme le rat dans l’âme

enroulée sur toi-même

que la fumée te porte dans une autre réalité ?

 

À coté une haie frémit qui est bien vivante.

 

J’endosse la nuit

 

J’endosse la nuit, là, devant ce feu

il est 20 heures en mars

un trop vaste pardessus d’où mon transi

discerne de menues connivences entre les flammes.

 

Bien sûr ce feu est un lieu intense

- pas un sujet -

 

(et moi qui l’ai initialement allumé je suis l’accident,

la contingence (au mieux l’agent de liaison)

dans la nuit confondue en ce lieu -

rien moins que radicale -

 

ou bien étant la racine divertie

détournée de sa fin

j’incendie, j’affabule, je diverge)

 

qui a le pouvoir de mener à un autre lieu

de transfigurer le geste


mais l’expérience demeure incomplète

- infléchies les intentions

déviée la sensation -

(le procès suit la combustion des aromates et des sarments

se tortille avec eux et s’effondre en brasillant)

 

(c’est là la progression de mon histoire)

 

emportant tout le ressentiment


mais pas jusqu’à l’affliction.

 

alors je cède à la tentation de la chaleur

 

alors je cède à la tentation de la chaleur et je rêve.

 

Je tends les mains. Affres de tisons et d’épines, tandis

que le dos tourné vit l’autre effroi.

                                                                Tandis que toute la nuit vient se regrouper là,

il arme sa courbure - ô combien,

                                     combien porteuse -

et lui fait une monture consentie.

 

car le feu est feu

 

car le feu est feu et n’a pas besoin de mon ardeur

- ma présence quémandant son motif comme gage d’authenticité -

pour brûler

et, à la rigueur, je devrais pouvoir me passer

de la réflexion - sans parler de la rétrospection -.

 

Car je choisis de me faire face en veillant ce feu

sentinelle de moi-même avisée

ou plutôt non

démunie

(puisque me manque toujours le fondement animal)

 

puis la flamme attisée relance - ce tétraèdre dont

rien ne manque -

alors je vois que le feu a sa fin dans la flamme

comme l’expérience dans la formule