questions chaudes absorbées

 

par les 

tragiennes attentions : oreilles

qui tirent la langue (sans tragédie)

un affût constant

comparable à celui de fleurs carnivores

voraces cornets capables de capter

de digérer ce qui passe à leur portée

d’un coup bref et décisif

d’organe contractile.

 

cette trombe (ore, orage)

 

cette trombe (ore, orage)

l’amène au bout de la logique

des météores langagières

mouvements étymologiques

philologies sauvages

(convectives) : des transports d’énergie

vers des zones externes (éteintes

écritures) des

questions chaudes absorbées


aucun muscle / mais la parole

 

aucun muscle

mais la parole

survolée d’astres

inondée d’océans fut surprise

dans la rencontre tumultueuse des vents

cette trombe

chargée de nuit

 

cette trombe (ore, orage)

l’amène au bout de sa logique

 

des bêtes hors d’âge entrant

 

des bêtes hors d’âge entrant

dans ma vie comme le bruit de l’eau

capté par le pavillon auriculaire

suivant les méandres de l’hélix et de la conque

et rabattu par le tragus

est promptement siphonné par le conduit auditif

jusqu’au tympan.

Aucun muscle tragien ne peut prévenir

cette trombe ou ce siphon

 

- moi c’est le contraire :

 

- moi c’est le contraire :

la charge nocturne passe

par transfert ou convection

son impulsion mobilise vos noms

(tous vos noms ancestraux,

vos noms d’étrange latin scientifique

ou de français vernaculaire :

vent, ore, orage, vespéraux vespertilions)

électrise nos retrouvailles soudaines -

 

Mais voilà comment entrent

 

Mais voilà comment entrent

par l’effraction de la lumière

- des lumières à l’esprit qui atteignent

jusqu’à l’irraisonnée pulsion de mouvement  : comment alors

un œil a vrombi, comète, filant

vers de l’éteint*

tu dis : la charge de [vos] noms*

délestait la nuit -

comment entrent des bêtes hors d’âge

 

*Paul Celan, « Tant d’astres », in La rose de personne, in Choix de poèmes réunis par l’auteur, traduction et présentation de Jean-Pierre Lefebvre, édition bilingue, nrf Poésie/Gallimard, 1998, p. 173

 

Y aurait-il une réalité cachée ?

 

Y aurait-il une réalité cachée ?

                                       

                                         Ignorée, oui.

Insue, innommée, par déni.

De ma part peut-être (uniquement)

par défaut d’expérience

(de représentation aussi)

d’imagination. D’empathie :

 

des restes de suprématisme anthropique

(des restes, non, des boursouflures !).

 

surprise par la décharge électrique

 
surprise par la décharge électrique

encore                    

                                      et encore

                                      cette entaille zèbre ma nuit familière

où s’engouffrent les pires (pires par obscurantisme et impéritie)

                                       (innommées)

                                       (épiphaniques)

 

(inespérées) images. Je surimpressionne au mur

feuillage et chiroptère.

 

une bête/s’immole

 

une bête

                                      s’immole

sans flamme aucune

au feu de l’instant

                                      se fixe

                                      s’épingle

 

dans une sorte de vol acéphale

puis s’évanouit              (vespérale)

 

(je ne vois que ce que je retiens)

 

Je vois des torsions de branches

 

Je vois des torsions de branches

des frondaisons lâches

                                     flottantes comme des robes

battues                           rebattues

(rabattues)                      fourbues

 

suspendues par le flash éblouissant

                                     (images fragmentaires

pour le mémorisant

à l’œil marqué)                  une bête s’immole

 

tandis que l’éclair

 

tandis que l’éclair

à intervalles très irréguliers        

                                      brièvement aligné sur le chéneau qui le répercute

                                       reconduit sa torture

(brûlante, suspend l’horreur en la révélant)

                                     

                                      brandit sa lumière.

 

L’œil subit des torsions

 

des séquences pétrifiées

- noir et blanc minimal qui impressionne (à chaud) -

 

comme les deux mâles pipistrelles

 

comme les deux mâles pipistrelles

au dessus de ma tête

et je sais la barque rouler et tanguer

sur le bras tourmenté

de rivière

les vents contraires trousser les frondaisons

                                      (saules blancs et aulnes de la ripisylve)

ici c’est un charme pyramidal qui vrille

sur lui-même

 

La voix pour jouer

 

La voix pour jouer

                                      interjeter

c'est-à-dire autre chose

- je disais entrer dans la danse alors -

la voix éruptive

break voice                      (ce qui n’est pas un croassement

                                      sur la glace

                                      en nous)

(non, ni un pet sur la toile cirée du sens)

 

autre chose que la raison poétique

ne sait pas énoncer

un battle ?

du fond du lacs                 de la langue

                                     (laisse dériver la barque

                                     comme ça veut laisse venir

                                     hennir le cheval au pied sonore)

                                     lui sait (avec le pied)

                                     faire remonter l’eau


un beat                         (refus ou affront pulsatif

                                    itératif)

                                    (tout ce qui sourd)

                                    éclair et tonnerre ordonnés

                                    à la seconde près

il hennit

je l’entends au loin

je le sais tourner dans la nuit maintenant

                                    (la nuit d’orage)

 

- la vocation de la sensation -

 

- la vocation de la sensation -

de se laisser glisser

au gré de

 

bien des tourmentes

et des intempéries

une prédisposition à la passivité

et à la perte de tout pied

 

pourquoi nous brassons et embrassons le monde

dans les parenthèses sympathiques de nos bras

 

pourquoi nous errons

ballottés

subjugués par la raison

soumis au pouvoir de notre volonté collective

 : la sujétion a coupé nos ailes

en toute logique (en toute logique

je parle) et nos branchies ont été arrachées

restent les poumons pour toute surface d’échange

et la voix pour l’appel ?

 

cigognes aussi sûrement

 

cigognes aussi sûrement surprises

dans le couloir

mon corps petit est un objet terrestre

orbitant autour du motif

tourbillonnant (avec lui ce corps fragile

dont les émissions - vocables poussières

littérales apostrophes b a ba de la logique

vocative vocations

appels appels -

 

Hé ! attendez-moi ! Je vous suis !

se mêlent à son système)

petit corps consentant

plus exactement dépendant de l’ensemble

- conscient de l’être -

le mouvement général est son optique

(son bien vivre).

Abandon de soi pressenti

(un pré requis) comme art de cultiver cette vocation

 

Abandon de soi.

 

Abandon de soi. Abandonne. Va.

Laisse faire.

Comme sur une passerelle malmenée

par le mouvement de toute part

l’assaut des vents

de l’eau

le soir se déversant bruyamment

sous l’auvent, les pipistrelles

et moi faisons partie des éléments

 

(haut les couleurs)

 

(haut les couleurs) du mouvement

et de la perturbation.

Ai-je un corps ?

Avec quelle bouche obtuse

(hagarde, du O de la stupéfaction)

avec quel œil versatile

(comme l’épée au double

tranchant ouvrant le motif bifrons)

me faire connaître d'elles ?

 

un ciel de tourmaline noire

 

un ciel de tourmaline noire

fibreuse

se déversant à seaux soudain

brisant sur les obstacles (murs

vitrages carrosseries automobiles)

des milliers de sequins

scintillants éclats bruyants réfléchissant

tout le tumulte

restituant les variations de quantité de mouvement

 

trombe à laquelle j’ai pu être

assimilée, monition obscure

en même temps que j’étais touchée

(puisque dehors sous l’auvent

concomitante avec l’orage ?)

Deux pipistrelles et une humaine

et onze cigognes aux mêmes météores

rendues

portant les mêmes couleurs

 

Un spectre un effet / de l’orage

 

Un spectre un effet

de l’orage qui trouble

les raisons (la mienne, la leur)

canarde nos vulnérabilités.

Alors que j’erre sous l’auvent

aimantée à la couleur noir gris de Payne

violet de Mars subitement éclairé

elles (peut-être) fuient les transferts

verticaux

 

et les vents cisaillants

le son de la pluie

martelée à grands coups

sur le toit de zinc

le fouet des branchages

dans la lueur des réverbères.

Beauté accumulée

soudain déchargée

avec la violence convective des contrastes

 

bien là

 

bien là

et vigilants

se demandant (peut-être)

ce qui fait obstacle

à leur patrouille

sinon mon corps ultraphone

et sans défense aposématique

(ce qui ne fait pas de moi un ami

ni une proie intéressante, non)

 

sinon un mur (aveugle)

sans réflexion (peut-être)

écholocalisant pourtant mon inanité

baladeuse et naïve

mais en silence (ou suis-je sourde aussi ?)

sans crainte donc de fenêtre aveugle ?

 

Sans espoir de faille ?

Pipistrelles dans la parenthèse de leurs ailes

refermées 

 

mutiques

et dans la parenthèse de la fissure

retranchées

au mur que je scrute curieuse

de leur devenir

interrogent ma réalité :

je suis une image aveugle, pensé-je encore

(peut-être)

désensibilisée ?

 

(évanouis à mes yeux déficients

 

(évanouis à mes yeux déficients

seulement)

car ils sont là dans la cavité où je les ai vus s’enfouir

effectuant un périlleux (à mes yeux seulement)

quart de tour d’une vélocité époustouflante

la versatilité de leur vol m’éblouit

pour se conformer à la fente

m’évoquant les vertigineuses conversions des

chasseurs intercepteurs de Star Wars

 

ou

(« l’image parlait

sans parenthèses »

dit Claude Royet-Journoud

dans Pour énigme, in Le Renversement)

ou

la plasticité de leur corps

membres et doigts, pourtant (à mes yeux) entravés

par l’aile qui les relie tous