« qui gravissez la bande intertidale

 

« qui gravissez la bande intertidale (votre zone de balancement)

 

qui arpentez plages et platiers entre les laisses du soleil

                                                                                           qui rénovez

et vous écroulez parfois

 

(mais d’autres sont là pour parachever l’ouvrage      revenir, fournir, affluer

dans le fournaise           le bruit des burins des marteaux

                                                                                           des seaux

                                                                                                              valsent)

 

D' étranges laudes

 

« gloire à vous,

qui éternellement recommencez, 

 

(sans savoir      à quoi vous en tenir)

                                  juste nés au beau milieu

                                                         et morts avant d’avoir pu

(ne connaissant ni le début ni la fin)

 

vous ravaudez, ravalez, reprisez     gloire à vous

qui dans le soleil

                             le sommeil matinal

                                                               la chaleur oblique

parcourez les parois, frottez les façades,

 

arrimés aux cimes et balançant dans les airs

 

il n’est pas dit que vous voyiez loin.  

 

Pour vous ce laudaire parisien »

 

répétitives

 

[alors qu’on les entend longtemps

scander d’étranges laudes]

répétitives,

qui ne suivent aucun codex

sauf celui, éternellement répétitif, des vagues – leur poussée téméraire

leur repli frissonnant

cou tendu, cou rentrant –


Goélands mouettes et sternes

 

Goélands mouettes et sternes

station oisive sur les toits

que les ouvriers tout à leur précision

veulent ignorer – sous la plage enchaînés –

alors qu’on les entend longtemps

scander d’étranges laudes

 

D’un pied sur l’autre

 

D’un pied sur l’autre, le cou tendu

vers l’arrivant

 

ciel pincé

d’un seul coup de bec

ils accueillent les hérauts du jour.


Le crépi vole en éclats

                                bouquet        sonore

il fleurit l’ossature contreventée 

et la torride verticalité

d’un jour travaillé, temps travaillé

qu’ils réprouvent

 

on ne sait pas depuis combien de temps ils vivent là

raillant, pleurant

incarnant la mesure du réchauffement

ils exercent leur plaintif témoignage

cherchent la chaleur du zinc

le son des départs

l’ampleur des plages.

  

Un seau valdingue

revient vaguement, hissé

par la poulie

comme un fanion

terne signal du début

des dérives, (un seau) comme dérivant

sur la mer qui s’étage.

 

La cour

 

La cour tout en bas

rectangle gris 

– pavé stérile et sec – sans attrait

pour les goélands.

 

(Je remonte vers les lucarnes

aussi luisantes que des valves.

 

Patiente avec elles

piète avec eux

lucide en tout)

 

J'échafaude maintenant

 

J'échafaude maintenant un plan sol-nuage

je visualise, je gravis.

Accroche-toi.

Les seaux. Échos redistribués.

Les gravats dévalent déjà la goulotte flexible,

comme une artère jaune (déviée) sur l'écorché.

 

Le fruit des toits

 

Le fruit des toits, la falaise cuisante sur laquelle

ils raillent incessamment

m'oriente vers le ciel,

au ciel les rires et les pleurs réverbérés.

 

Un ouvrier balaie toutes les dimensions

sans démissionner. Son chant triste et vain

le ramène à lui. 

 

Ici pour un échafaudage

 

Ici pour un échafaudage

et une volée de seaux (le concerto) :

cliquètements et chocs assourdis.

 

Une langue raboteuse ricoche

de plancher en plancher

qui se tient parfois

à l'échelle

parfois chute avec

les morceaux de crépi.

 

Et des rires rocailleux

des toux

le cri ascendant des mouettes

la plainte des goélands argentés.

 

Stigmates accablant

 

Stigmates accablant la lenteur estivale.

Spectre visible exacerbé :

les pales barbelées foudroient l'œil.

 

2ème concerto pour piano de Frantz Liszt

 

2ème concerto pour piano de Frantz Liszt.

Pour piano et éoliennes.

 

Un bouquet étincelant exhausse la plaine,

que je cueille en une brassée d'éprouvante ardeur

les fines pales tranchant le bleu plain lui aussi – plain contre plain –

La couleur du piano infuse les signes

de ce jeu de massacre intemporel

 

le bleu dans les tempes du paysage ainsi sabré bat durement,

sûrement estampé.

 

lui sous le tilleul entame une séquence de léthargie

 

lui sous le tilleul entame une séquence de léthargie,

il s'amenuise

il gît stationnaire à jamais

crucifié (sa raison implore l'indulgence)

 

il est comme le sphinx, se dit-il

qui se repaît de miel jusqu'à ne plus pouvoir bouger

et finit piégé

perclus de bombance.

 

– lui est debout sur l’escabeau

 

– lui est debout sur l’escabeau

tête plongée dans l’efflorescence et comme

oblitéré par elle, son tronc abouché à l’équerre

puisque c’est ainsi qu’ils voient le monde :

 

cercle, carré, triangle et rhombe,

 

puisque c’est ainsi qu’ils se le représentent –

et c’est une danse aposématique, le signe

de leur détermination

 

Il collecte des intuitions

 

Il collecte des intuitions qu’il homologue.

Maintenant, quand il entend le miellat

goutter sous le tilleul, il pense à la femme qui pleure.

Il pleure aussi.

 

Sa vision est claire d’un monde autonome,

ce tilleul en fleurs, un dôme bruissant

d’abeilles et poisseux de pucerons, un

arôme plus entêtant dans l’air chaud,


touffeur que grimpereaux et mésanges avivent

sur la piste du tronc, monter descendre monter descendre

comme l’automate sur sa tige

ivre de mouvement, ou

 

ils l’ont vu (ils t’ont vu), ils délimitent

un terrain d’exercice

et une distance vitale (et ils ont vu à ses côtés le chat

envoûté)

 

le temps qu’il se retrouve.

 

[il n’est pas de pierre

même lorsqu’il marque son empreinte éphémère,

elle

impavide dans la boue du sentier]

 

le temps qu’il se retrouve.

Il voit des visages dans les massifs

et les buissons fredonnent.

Abeilles charpentières parmi les épiaires

 

cétoines brutalement atterries dans les roses

qu’elles démembrent

aucune d’elles ne fait cas de sa présence à lui

car il n’est d’aucun monde finalement.

 

il écume comme il exulte

 

il écume comme il exulte comme

il désespère – alors que rien ne se perd –

assimilant sa vie à ces sautes

plutôt qu’à la gradation dite insensible

 

il n’est pas de pierre

même lorsqu’il marque son empreinte éphémère,

elle

impavide dans la boue du sentier

 

un peu Sisyphe

 

[et il se sait un peu syrphe à son approche]


un peu Sisyphe

prisonnier des cycles

(mais cet inéluctable est son réel)

roulant sa chose interminable par monts et vallées

 

son roc son ouvrage

sa vie vivante (plus absurde ?)

(des Oh ! et des Ah ! clamés devant tant d’obstination

à se hisser)

 

et lui la voit, il embrasse / sa micro vérité

 

et lui la voit, il embrasse

sa micro vérité, ce soulèvement

(à rebours de son nom Tradescantia)

de trois pétales issus de nulle part

 

l’exaltation d’une fleur giratoire

qui l’aspire en son centre comme une éolienne

en papier par son activité cinétique

et il se sait un peu syrphe à son approche

 

Un petit monstre syncarpe

 

Un petit monstre syncarpe cette misère,

(nullement miséreuse)

étamines dardées anthères jaune d’or

vers sa face interpellée

 

questionne le visage de la durée :

toute fleur égale – c’est pourquoi

on la dit éphémère, on devrait dire tenace

car chaque jour renouvelle    

 

la splendeur apicale d’une autre

(ou nycthémère

mesure d’une rotation complète de la terre sur elle-même) –

elle éclate comme la vérité dans l’ombre

 

C’est ce déséquilibre qui l’anime

 

C’est ce déséquilibre qui l’anime

il n’est bon qu’à ce je incliné

penché sur elle, son départ

non plus comme le pal sans appel


mais comme la pile d’une arche large (et libérale)

dont la courbe endosse la vie,

tout à sa réponse qu’il mûrit

en descendant lentement vers elle.

 

Lui qui vit de cette attente

 

Lui qui vit de cette attente

sur son seuil permanent exposé à l’altération (aussi bien)

il ose un geste, est-ce indicible ?

il se réalise

 

il va fleurir avec elle

qui donne le ton et le son – cette petite misère

voyez-vous, dite Éphémère de Virginie, sans savoir

l’oriente vers son mobile –

 

Maintenant tout se refait

 

Maintenant tout se refait

une fleur revient à elle – bisannuelle

il l’attend à ses pieds, vivace elle

l’accompagne de sa place

 

fleur qui lui tient tant à cœur

et à l’estomac, centrale et solaire

comme le plexus reçoit les branches afférentes

et donne (les branches efférentes)

 

sa causalité (cause et effet, dans leur corrélation) de fleur solaire

cause et arde en lui

et réalise (à jamais) ce qui apparaît

– comme une aubaine (une éclaircie) –

 

La rafale qui le fouetta

 

La rafale qui le fouetta lui arrache

– cet arbre-là qui lui donnait tant –

sape d’un coup bref son espoir de fruition

sa séquence sensée

 

il cherche à la domestiquer

il élabore un souvenir qui puisse se substituer

à son désarroi,

il assimile des conséquences qui seront les lendemains.

 

et il passe, et repasse

 

et il passe, et repasse tendrement, en veilleur obligeant

il salue, il recueille

– le jour où la branche de prunier cassa

il sut immédiatement interpréter ce cri

 

l’averse d’obus verts et d’écus luisants

un essor inversé, une remise,

les mains propres de l’arbre ne trahissaient rien

aucune faiblesse mais un vertige le prit

 

et je déplora seulement son pal austère

et sa tutelle assurance – un si j’avais pu

qui n’est pourtant d’aucun temps

fut sa réponse inappropriée.