jeudi 31 octobre 2019

Souvenir d' Afrique 15


Et moi d’un coup d’œil -


Et moi d’un coup d’œil -
que j’aurais pu dire d’ongle ou de ciseaux -
je vois, j’accepte la vision.
Car ici aussi Ossip, le cercle du ciel devient une infirmité.

L'infirmité de ma pensée. Je suis milan,
à rompre le handicap du cercle,
contournant l'euprocte
- cette formidable faille - à la lampe torche

dans les sarments dont la fleur trompe
- en rouge entonnoir - la nuit

mercredi 30 octobre 2019

Souvenir d'Afrique 14


- Ne te berce pas.


- Ne te berce pas.
Ne confonds pas commerce et connaissance.

- Ne vois-tu pas que tu tombes déjà ?

Le vent qui se mêle aux voix
achèvera bien le mouvement
- sa chute inéluctable -.

Comme parvenue à maturité
dans un bruit sourd et plein de prudence
la couple aura disparu
en laissant son image.

L’animal
- que l’on pourrait dire encore formidablement dessiné, comme un dragon chinois -
mais rosâtre et cireux
a traversé la nuit comme une mèche - de mèche avec quoi ? le temps ? -
éclairant juste, d’une lumière froide
le fond de celle-ci comme d’une grotte.
N’auront existé - à leur corps défendant, leur viscosité étant légendaire -
que quelques pendantes questions, quelques instants,
dans le feuillage secoué de frissons.

Et moi d’un œil rapace.

- Ne te berce pas
Que sais-tu.
Que sais-tu d’ailleurs de ces
pendantes questions de Salamandridae.

mardi 29 octobre 2019

Souvenir d'Afrique 13


Altaïr




Altaïr, l'un des sommets de l’astérisme du Triangle d’été
étoile capitale dit-on à la constellation de l’Aigle dont la tête est sur elle centrée,
son nom signifie aigle ( ou vautour ) en vol
elle avoisine celle de la Lyre ( aigle plongeant )
sa vitesse de rotation étant 67 fois et demi supérieure à celle
du soleil, deux fois plus petit qu’elle.

Dans la légende chinoise Altaïr, le Bouvier,
se rapprochait de Vega, la Tisserande, très brillante étoile de la constellation de la Lyre.
Car les deux étoiles à l’éclat remarquable se font face une fois l’an
de part et d’autre du Fleuve céleste, la Voie lactée,
elles sont désignées dans la célèbre légende
d’abord sous la forme du buffle, l’animal des labours,
et de la déesse des travaux féminins, des mûriers et des cucurbitacées,
puis réunies en un couple emblématique du Bouvier et de la Tisserande,
qui président chacun aux tâches dévolues à leur genre
- car le tissage est tâche féminine, et les impôts se monnaient
dans la Chine ancienne en rouleaux de soie -.
C’est un couple qu’on dirait aujourd’hui économiquement viable
que le fleuve céleste sépare et rapproche une fois l’an et dont
l’étreinte est fêtée encore le 7ème jour du 7ème mois
du calendrier lunaire, comme fête des amoureux.
Aujourd’hui on sait que notre étoile, le Soleil,
tend à se rapprocher des étoiles qui composent la constellation
de la Lyre.
   
J’ai bien vu cette nuit-là
les deux urodèles enlacées
abdomen contre abdomen
préservant le plus vulnérable
- le plus inestimable aussi,
et se tenant à quoi ? -
étreinte verticale, tête en haut.
Cette couple inouïe suspendue dans la profusion
du feuillage, à hauteur de mon œil ébloui
c’était l’image d’une liaison, d’une naissance aussi.
Et moi aussi je me retins mais
à la peinture : naïvement je pensais Adam et Ève
le serpent sinuant autour de l’arbre
comme leur queue à présent réciproquement
enserrait leur corps - mais non, ce n’était pas là position coïtale -
lorsque les enfants brandissant leur portable
m’ont détrompée : Euproctes, ce sont des Euproctes !

lundi 28 octobre 2019

Souvenir d'Afrique 12


L'orage a fait déborder les chéneaux.


L’orage a fait déborder les chéneaux.

Et à minuit deux corps ont subitement chuté
( nous à cette heure nous chuchotions les noms de Triangle d’été,
Aigle et Lyre, Grand Carré de Pégase, Grande ourse, ou Petit renard  )

- fatale accolade d’urodèles -

Toute la bignone en a été ébranlée
ses crampons forcés

Euproctes, comme un fruit mou retrouve son assiette
à mi hauteur de sa chute
     
     - les corps poursuivent l’étreinte -

dans le fracas de feuilles. Et nous - vertige -
sous l’écheveau de lianes et de sarments
cherchant l’image

à la lampe torche nous tenant.

dimanche 27 octobre 2019

Souvenir d'Afrique 11



Une vision sous la liane


Une vision sous la liane qui sinue le long de la gouttière.

D’un coup - pas même de vent -
la nuit a rejeté deux nus enlacés
de ce côté-ci du monde - et par quel dégorgeoir
sont-ils de l’insu aussi brutalement venus
au monde des choses nommées ?

Je ne parle pas de couple ni d’éden mais des corps
rosâtres que le chéneau a dégorgés.
Mais des regards effarés sous la lampe torche,
les leurs, et les nôtres tout d’abord.

samedi 26 octobre 2019

Souvenir d'Afrique 10


On ne dénombre pas les pierres


On ne dénombre pas les pierres - pas plus que les insectes ces rotatives

questions de temps et d’éblouissement
au sortir de la nuit

que troue un oiseau.
Un pan de feuilles s’ébroue
dans le halo

soudain pulvérisé

vendredi 25 octobre 2019

Souvenir d' Afrique 9


Qu'est ce que je dis ?


Qu'est ce que je dis ? Maintenant nous courons tu vois
dans la pente. Des pierres roulent, des coquilles
fermées sur le mystère de la nacre

et nous avec et l'écume du chemin jusqu’aux chevilles

sentiment d’appartenir au chemin comme à la lune
quand nous déboulons sur la route pour naître à la lumière
sur la grève dans le halo des lampadaires une
ronde d'insectes tournoie. Le chien aboie.

jeudi 24 octobre 2019

Souvenir d'Afrique 8


Attends !


Attends ! une jument nocturne hennit dans le pré des cirses.
Éméchés. Non pas mauves ou pourpres mais noirs
et laineux comme des torches éteintes.
Noirs c’est ce que nous sommes aussi. Mais elle voit la nuit.

Comme doit être repue la Belle Dame aux cinq paires de faux pieds
arpentant le pré où neige le pappus
c’est tout ce qui me vient à l’esprit.

Ivresse de Vanesse fait bonne mine, Madame, tandis
que la vôtre, parlons-en ! Seule répond la jument astreinte
à cette nuit épineuse quand je m’accroupis

et je fais une pisseuse heureuse, crois-moi mon ami
sur les petites nitrophiles et les fourmis du chemin
observant que luit le filet qui les noie comme fétus

mercredi 23 octobre 2019

Souvenir d'Afrique 7


Le grain du mur est visible


Le grain du mur est visible.
L’ombre des branches comme le fléau
sur l’aire bat le crépi.
Oh le vent par projections régulières refait l’opus.

Cette phrase cet air est une intrigue

diurne son cri saisissant l’envide autour des arbres.

Le sol reprend possession de la phrase la nuit par les masses
et les massifs en montant le long des murs.

mardi 22 octobre 2019

Souvenir d'Afrique 6


Comme nous il erre


Comme nous il erre tout autour
sans doute
et prospecte
quand nous ne faisons souvent que survoler
sans but
natifs de rien d’autre que de l’œil noir
qui nous entoura avec amour - ou sans -.
Mais c’est à travers cet amour que la conscience ordinaire
parfois touche terre. Lumière scellée.

Lui ses orbes lents, des airs concentriques
et détachés.
Rien ne l’arrête, il ne se pose pas
son œil pique et repique
c’est l’air qu’il décèle


Je dis lumière scellée en pensant à celle
qui fut accumulée dans la journée par la lampe solaire
pour être restituée en sentinelle bleutée.
Les épillets désarticulés toujours plus noirs
sous elle hameçonnent ma jambe
de leurs triades.

La phrase perd sa lumière irréfragable.
Une seule phrase à l’univocité compromise, se dit-il
mais pas indéchiffrable non plus. De grandes ombres montent le long des murs
en un décor imbriqué dans un opus crédible.
La tête couronnée de buissons éclairée
en contre plongée.

lundi 21 octobre 2019

Souvenir d'Afrique 5


Ça coule encore.


Ça coule encore.
Je suis le chemin dérouté par les eaux
déroutée
déboutée dans la boue

je suis des yeux le vigile lent
l’archer et la mouche       le milan

des poupées dans les arbres côtoient
les urodèles
- et même elles leur ressemblent -
Qui va-là ?
( car c’est l’heure de la naissance )
Enfin qui va là ?

Je visualise d’autres boues. Debout
dans le miroir j’entends qu’on dit Poussez
Madame ! comme si j’y étais.
Vous m’en direz tant.

Comment nommerez-vous l’enfant ?
Cette crue - un exercice de patience avant tout pronom -
qui enfle incompressible en elle

comme en ce courtil détrempé
où il a trop plu


tout se dérobe
le sol en premier lieu

dimanche 20 octobre 2019

Souvenir d'Afrique 4


Qui vient déjà retournant le feuillage


Qui vient déjà retournant le feuillage
appuyer sa lumière fracturant la crête

dans l'odeur d'entrailles des éboulis
d'orage en orage glisse jusqu'au canale
tout ce qui n'a pas d'attache

…je rends ses glissements, son instabilité,
ses défauts, à notre sol silencieux et apparemment immobile ;
et c'est ce même sol qui une fois de plus remue sous nos pieds.

se refléter dans la robe noir pangaré du païen
dont les ars frissonnent

des flammèches

dans l'air parcouru d'aile sombre ce porteur d'eau
flirte avec l'éclair
traîne un ciel énorme derrière lui et le sol
plus clair qui bée

refoule dans un bruit de succion - de vulve mouillée - le clapotis
de bêtes jadis inaperçues pourtant que nous reconnaissons
comme nôtres
et c’est un empiètement jusque sur le pas
de porte la terre gorgée d'eau de charognes et de chair palpitant
molle comme de la pulpe

où le chat effaré crachote devant cet inconnu rampant

samedi 19 octobre 2019

Souvenir d'Afrique 3


Pas une prophétie.


Pas une prophétie.
Tout ce qui se trouve dans les zones monoculaires
manque de détail.
( Mais il perçoit très bien le mouvement. )
Sa vue est orientée vers le bas, précise dans le champ de vision binoculaire
c'est-à-dire - loin - devant lui.

Il voit très bien ce qu’il s’apprête à parcourir
et par où il peut fuir. L’opportunité est au sol
et dans le sabot.

Fils de Poséidon l’ébranleur du sol, Dieu des tremblements de terre
et des sources, embrasseur de terre tout comme Antée,
Pégase fait jaillir l’eau des souterrains d’un coup sonore comme l’éclair
de son sabot.

D’un coup rétrospectif et aveugle.

Moi j’attendais l’orage qui vient parfaire cette source.