vendredi 30 avril 2021
Je l’écoute
Je l’écoute, sa façon absolument singulière
de le laisser faire entre les valves parcheminées
disjointes, découvrant au centre la monnaie luisante, la
frappant
de son empreinte, suscite ma spéculation la plus - non
pas boursière, je ne m’y entends pas - la plus sensuelle,
en fait, c’est un petit miroir que nous tenons là,
au lustre sans âge bien que séculaire : que chaque
printemps
le vent vient dans la lunaire déloger la graine, qu’il
déchire l’âme pour la faire vivre étrangère
et toute pareille à elle.
jeudi 29 avril 2021
sauf la lunaire
sauf la lunaire,
je tourne autour d’elle comme autour d’un astre
et elle tremble un peu,
les siliques cliquètent et clignent au soleil, ne va pas
voir un printemps dans ces breloques résiduaires
- vieilles et obscènes - n’y
va pas !
c’est un leurre
(non, c’est une fleur
au vécu délicat, non,
c’est une fleur,
le murmure de ses valves en dit long sur le vent,
son monde familier).
mercredi 28 avril 2021
Voix unanime
Voix unanime : tous les vouloirs vont dans ce sens,
printemps pourtant n’y
est pas.
On ne sait où ni quand il viendra.
On ne sait pour quel lecteur et pourquoi on écrit ceci.
Est-ce pour que le printemps s’avère
ou pour avérer - regarde
mieux ! - notre désir ?
Tout a un air d’attente et de décence,
mardi 27 avril 2021
et l’autre
et l’autre - la mal fichue - la reçoit comme un artifice
nouveau, donné pour efficace. Moi j’attrape le fou rire
devant
la déhiscence explosive, comme ça, sa crédulité jaculatoire,
que tout fait feu, et dans le mille, non bien sûr, ça ne
marche pas ainsi
mais on peut toujours essayer. Le coq et l’âne aussi.
lundi 26 avril 2021
C’est exactement
C’est exactement ce dont j’ai besoin.
Vulnéraire qui s’ignore enfin sort de sa réserve,
l’accès de sève ouvertement - ou vertement -
sert le bleu lamentable, et l’empourpré lamier
flageole sur sa tige grêle et quadrangulaire
de timoré qui part en goguette, la couleur apicale
en bannière, comme s’il portait écu ou armes,
il fait signe et vite à l’œil falot. Ou bien la
cardamine hérissée qui abrite l’aurore,
cette hirsute dégaine à tout va,
dimanche 25 avril 2021
Et c’est là
Et c’est là que - non,
vraiment ! Aussi
facétieux qu’un nuage chantourné vague
derrière tes paupières orange,
il surgit de bourgeons rosissant,
dévore l’entre-deux, s’agrège l’axe, altère les
yeux.
samedi 24 avril 2021
Ne le sais-tu pas encore ?
Ne le sais-tu pas
encore ? Ne sais-tu pas que la
force qui les fait soulever le sol et lever de concert
les fait aussi chuter ? Que ce mouvement perpétuel
et variable requiert une oreille différente, chaque fois, et
une invocation à l'équivalence - et non une interprétation -
?
Grandes ombres justifiées par les masses, fatales
tourterelles
au plain-chant,
germinations, bourgeonnements,
je vous cherche sachant
qui vous êtes, (ou plutôt qui vous
fûtes,
car vous n'y êtes pas, contrairement à moi) :
je vous cherche à la saison désamorcée,
au cœur des miroirs ou au creux des…
des chemins où le désarroi s'organise
et j'écoute flûter le vent. L'herbe mûrit
sa patience
et l'arbre t'instruit
à sa stratégie : le retard à l'accord.
vendredi 23 avril 2021
On ne peut pas tout expliquer
On ne peut pas tout expliquer, à quoi cela
servirait-il ? Mais
on peut regarder ailleurs, où on met les pieds par exemple.
(Notons bien que nous ne prêtons pas sur nantissement, ça,
c’est une affaire
exclusivement humaine, et nous ne sommes pas les créanciers
de la nature, non,
donc, ne cherchons pas d’explication, y compris
rétrospective. Observons.)
Attendons. Regardons le sol, la levée ténue des asters.
Ce n’est pas une antichrèse, me dis-je, respire : ne
t’attends à rien.
Attends ce rien qui vient gracieusement, exactement
comme tu es venue au monde, comme tu survis aux questions
les plus sombres :
il n’y a pas de
fraction sinon molaire, le monde est intégration,
dont chaque fragment requiert ton attention. Il
exige de toi le geste décisif - que je ne me connais
pas, a priori, non - l'évaluation et la mesure à l'aune
des matins brouillons et des nuits lucides mais
avec l'amour dévolu à l'élucidation des espaces.
jeudi 22 avril 2021
Voilà, pensé-je
Voilà, pensé-je, comme avril entraîne par le fond
ce qu’il a juste propulsé, voilà ! et les mésanges, aucune consolation,
et les tourterelles où sont-elles ? On pensait
percevoir un sens
à l’entreprise, erreur !
Du vent, rien que du vent !
Distraits par la fleur à
son resplendir, on en oubliait la fin incertaine,
pris au piège des trente-six chandelles au
diapason du printemps.
mercredi 21 avril 2021
Du gel
Du gel, au magnolia de Soulange, à la cerisaie, aux
Dicentra spectabilis
entre les dalles, la contraction lamentable.
Épargne-moi la séquence du Cœur-Saignant trop précoce,
flageolant
sous la glace. Forcément, je pense à la Piéta,
socle évidé et corps
dérobé sans l’être, hélas, avril ! (c’est toujours une élégie)
mardi 20 avril 2021
Dans un registre primitif
Dans un registre primitif ta peur s’étend. La tessiture
vernale tue : d’abord
la cerisaie, trop vraie pour n’importe qui,
dont l’énorme candeur te renverse, et à tes pieds, parce
qu’il fait six,
le grésil s’émie sur la terre crue. Qu’as-tu vu,
entendu ?
Tu ne sais plus si c’est la rumeur ou le répit.
Avec la métrique qui se désajuste comme une vague,
- au-dessus d’elle les oiseaux grappillent les miettes de
soleil -
les bêtes ingénieuses la voient comme un flux, moi, comme un
surcroît
d’intensité,
une trop vive lumière au sortir d’un tunnel
exacerbe la fleur, nerveuse, en la désagrégeant
déjà.
lundi 19 avril 2021
Peut-être est-ce l’esprit triomphal
Peut-être est-ce l’esprit triomphal et bruyant qui t’effraie ?
Ferme les yeux : l’accrue de rumeur, la superbe
vigueur, tu la sens
jusque dans les muscles courbatus. Par défaut ta peur
justifie
ta réserve. Retenue, la joie fait mal. Ne cours pas, demeure !
Ne meure pas,
écris !
Le printemps, la chambre : sont pleins de
cette joie ; toi seule la retient.
dimanche 18 avril 2021
Éblouissements, vertiges.
Éblouissements, vertiges. La cerisaie abonde, à la criée
par-dessus nos siestes dilettantes. À genoux nos émois vers
quelques thyrses blancs, déjà aliénés. À genoux. Déjà ! je me suis dis,
que vivre
étrange ! Croître est le credo de cette alacrité
à corps et à cri, mais au fond la perspective
chute.
samedi 17 avril 2021
Péril, tu le sais montant.
Péril, tu le sais montant. D’abord il y a l’herbe
différente,
plus profonde. Que les genoux marquent. Et cette alacrité
générale, vigueur et clameur, euphorie tragique des débuts :
même l’œil germe, subjugué par l’esprit d’attaquant, bien
malgré lui - est-ce que je me fais comprendre -
l’esprit vernal.
vendredi 16 avril 2021
Oui, je pense tutoyer
Oui, je pense tutoyer
cette fois encore : ainsi je prends
mes larmes pour des lentilles. Ainsi je recommence
à compter avec la fraîcheur de l’ortie ou la gracilité
des stellaires, à me confier à la douceur, et
-
terre, je te remets mon corps.
jeudi 15 avril 2021
Une seule idée
Une seule idée ; et le verger entre avec toi
dans le poème, ou sa force de persuasion te confond
telle que tu es, au sortir de l’hypnose, te réveille et te
secoue.
La densité t’impose son sens dessus dessous rayonnant,
peu importe, c’est la profondeur du réveil qui
compte.
mercredi 14 avril 2021
Il y a bien la guerrière
Il y a bien la guerrière du Livre des échecs amoureux moralisés
elle se tient debout en armure avec sa lance et à son flanc le
bouclier à tête d’oiseau.
Est-elle souveraine ou Demoiselle ? Sa têtière à plume
est couronnée
d’un houppier verdoyant où vient se poser un corbeau -
presque un jardin -.
Contre toute attente elle semble jouer en
défense.
mardi 13 avril 2021
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