vendredi 31 mars 2023

Déclinaisons 11


 

Dans l’ordre de nos idées

Dans l’ordre de nos idées à nous c’est une farce.
L’indécence - non l’innocence - d’une farce.
Dons cumulés, gutturaux - miraculeux tant ils détonnent -
de glossolales
juste revenues de la longue nuit.
Données à chaque aube.

jeudi 30 mars 2023

Déclinaisons 10


 

Sans rien formuler que l’air

Sans rien formuler que l’air
(un rien libertaire qui n’est pas l’insouci
mais une modulation de la liberté)
 
qui compose avec le vent
qui compose avec l’eau, la lumière, le temps.
Le motif de sa vie c’est l’air.

mercredi 29 mars 2023

Déclinaisons 9


 

À perdre haleine.

À perdre haleine. Prenons ça pour une farce.
C’est que nous voudrions nous aussi voler dans le vide
animés de la seule ardeur
excentrique
qui aille. Naïvement arborés nos vœux de printemps
alors que c’est un massacre nous le savons.
Alors - nos espérances de paix à l’âme ? Errances,
et pieuses encore, à perdre haleine -
alors que c’est notre musique qui joue.
 
Que la mésange maintenant accueille le vent
qui la débraille
plus petite encore au creux de l’arbre qui plie
qui plie
que
- nous -
nous ne pouvons vivre sans l’idée que nous nous faisons d’elle
 
(hors d’elle, à perdre haleine
vie).

mardi 28 mars 2023

Déclinaisons 8


 

Je ne sais pas trop.

Je ne sais pas trop.
Rien n’oblige à pontifier.
Mais participer, oui !
Je respire, je prends acte n’est ce pas du cours du bulbe de la tulipe à l’hiver 1637
(ou des taux d’intérêt d’une assurance-vie, a dit sa bouche
tandis que la naïveté le protégeait de l’effroi : il pouvait en faire quelque chose, un poème,
une idée légère qui se dissipait aussitôt*),
je témoigne de cela.
 
D’où vient une idée légère.
Où se posèrent les mésanges, indices de l’aube. Où
et comment j’ai cru - cette crudité qui m’obligeait - à la venue d’une ère
- mais voyons ! -
 
j’insiste, je dis tulipe tu fleuriras dans la semaine, innombrable
et abordable, sans rien formuler.
Je dis mésange tu dis l’ici tu dis tu dis tu dis
mieux que latitude et longitude, tu dis
frivole, ta musique dilue la question, tu dilacères l’ambition, la prétendue,
tu tu tu
délibérément, éperdument
es ici.
 
 
*Raphaël Dormoy, poème du 14.04.2022 déposé le 04.02.2023

lundi 27 mars 2023

Déclinaisons 7


 

Et le clou de l’histoire

Et le clou de l’histoire :
tête la première nous nous donnons
(notre tête, notre position d’orante mais en bête aptère)
à ausculter un ciel, outside, d’où
- effraction soudaine - le jour vient
et les mésanges (mais librement, c’est ce qu’il nous paraît).
 
C’est ici c’est ici c’est ici recommence-t-elle
(didascalie minimale et notation indicielle, mais sur le ton de l’alerte).
J’apprends de toi où je suis
j’apprends de toi mes excès ma perplexité
ou suis-je insuffisante et ta minimité respiratoire
m’insuffle ? Me comble ?

dimanche 26 mars 2023

Déclinaisons 6


 

Cloués au sol.

Cloués au sol.
En sujets filiformes, ternes phanères (presque incolores)
et cloués au sol par la gravitation.
Sans beaucoup de choix sauf placements horizontaux,
voués à la perpendicularité sur terre :
voici donc pourquoi l’équerre est préalable à tous nos bâtis !

samedi 25 mars 2023

Déclinaisons 5


 

Là c’est le verger qui vole en éclats.

Là c’est le verger qui vole en éclats.
Éjecté.
Un fagot de broutilles s’affranchit de nos bras.
(Bras, des mots qui renoueraient des nids.)
(Des nids s’émancipent.)
Brandi, leur vol nous assujettit.

vendredi 24 mars 2023

Déclinaisons 4


 

Les voici qui s’évasent

Les voici qui s’évasent
à grands frais
retombent en vol dans un flou sismique.
 
Si près, à l'endroit précis de celui qui dit ici ici ici
(et pourtant étranger)
 
l’arbre les relance aussitôt.
Et relance le matin débonnaire
vif de leurs traits.

jeudi 23 mars 2023

Déclinaisons 3


 

Du printemps, de prime-saut,

Du printemps, de prime-saut,
les indices aigus de sauterie.
De six signaux indiciels (ici ici ici)
(nuptiaux signifient, et oiseaux nidifient)
qui révolutionnent le son
je fais mon leurre.
 
Aux cui-cui l’acuité
à nous la leçon de sagacité et d’entrain.

mercredi 22 mars 2023

Déclinaisons 2


 

Des portières claquent.

Des portières claquent. Autant de place
- dans l’arbre - pour la délicate
- grâce et prime-saut en prime -
affluence de mésanges
en affaire éparse et sonore avec lui, et avec acuité.

mardi 21 mars 2023

Déclinaisons


 

Tout ce tapage

Tout ce tapage d’oiseaux à l’aube
- à l’aube d’une nouvelle ère,
jouons des errements : des volets grincent -
désert (et vain ?) tertre venteux
où s’étoilent leurs vols cométaires.

vendredi 17 mars 2023

À fragmentation 727


 

Dans l’obscurité

Dans l’obscurité - c’est à tâtons qu’on s’en vient -
on se souvient des points obscurs, on devance l’objet mobilier,
le mur,
l’ombre de l’ombre perceptible au fond
- ou bien son souffle, l’infime déplacement d’air -.
Écoute le tremblement de la raison,
totalement instable dans ce substrat meuble,
- écoute, c’est par pure prévoyance -.

jeudi 16 mars 2023

À fragmentation 726


 

Au cœur de l’anticlinal

Au cœur de l’anticlinal les faits les plus anciens
puis en plis déversés jusqu’à nous
comme une succession de vagues solides,
le paysage recouvre la conscience oculaire
la volonté d’ordonner les plans.
La chambre tangue avec les corps.

mercredi 15 mars 2023

À fragmentation 725


 

Insolés cœurs de primevères

Insolés cœurs de primevères clignent,
ou rumeur de pillage près des buissons
(ici c’est l’œil qui s’envole avec un jet d’oiseaux
disjonctifs, entre dans le champ du soleil,
retombe en masse
mais rien ne se rompt : je fais le pont,
note les cumuls, déclinaisons légères et inflexions).
 
L’air pensif - sans savoir si tout ceci peut se prévaloir
d’un sens, oui ou non, oui ? - j’étudie l’aberrance,
l’outrage dans le foisonnement continu.
Mais rien n’est irréparable à l’échelle de la permanence
 
rien qui ne finisse homogénéisé
en strate ou plié dans la mémoire sédimentaire
et paré de clartés locales
non, rien n’échappe à la redondance
(voilà : ce n’est pas un pas de danse,
mais combien, ô combien !
remous de matières et de lumières)
et aux mots.

mardi 14 mars 2023

À fragmentation 724


 

Car c’est le pont qui bouge

Car c’est le pont qui bouge, on s’en aperçoit,
et la forêt avance vers nous,
et le verger danse.
La pluie fine fait bouger les lignes.
La brise légère soumet l’œil trop prompt, 
Proche et lointain se pénètrent, vois
le fer croiser l’argile des mottes.

lundi 13 mars 2023

À fragmentation 723


 

L’ombre qu’on empruntait étant petits

L’ombre qu’on empruntait étant petits,
l’ombre aussi pouvait faire un pont honorable.
Marcher sur ce fil ténu jusqu’à toi
c’était le début d’une histoire
dans laquelle j’étais nouvelle recrue
presque sans peur. Entre nous,
un intervalle irrespirable
qu’il nous fallait épuiser.

Et nous l’épuisions
dans le lit promis
de quelle eau agités ?
Des linéaments de vie,
d’œuvre, des gestes.
Amants sur le pont d’amour
flottant exposé au remous.

dimanche 12 mars 2023

À fragmentation 722


 

C’est le gars qui brave le fil de l’épée

C’est le gars qui brave le fil de l’épée
et l’eau furieuse en dessous - c’est Lancelot -
pour libérer son amour ?
L’amour guérit ses plaies.
C’est lui.
 
Voilà le pont qui soutient le paysage,
qui soutient la phrase affilée qui
lui permet de reconquérir son amour.
La fidélité est dans la quête.
Traversa-t-il ou en pensée visualisait-il le filin
de leur salut, à tous deux,
et des plaies déjà anciennes ?
 
Notre parole, une frange
effilée autant
qu’affilée
continue d’une rive à l’autre
où nous attendent d’autres illusions.
Comme un pont (l’effigie seulement)
au-dessus de la tourmente.

samedi 11 mars 2023

À fragmentation 721


 

Mais on suit le fil de la phrase

Mais on suit le fil de la phrase,
on file la métaphore.
Observe cette filature - on opère la torsion nécessaire pour allonger le fleuret,
cette bourre (la schappe) qui devient soierie.
Une aune de fleuret fera le pont
 
nous conduira hors de nous-même (le labyrinthe).

vendredi 10 mars 2023

À fragmentation 720


 

Relater la forêt

Relater la forêt : fonçage d’abord nécessaire puis boisage
(comme à la mine).
Soutènement marchant s’il le faut.
Décompter les laies. Traverses et travers-bancs.
Très vite nous quittons le jour de surface.
Jamais nous ne sommes assurés du retour.

jeudi 9 mars 2023

À fragmentation 719

 


Je pensais que cette forêt

Je pensais que cette forêt est à la fois comme les rives que relie le pont et ce pont,
une phrase dans laquelle on s’engage nous transporte aussi loin à travers elle,
nous mène au cœur du temps continu et muet,
pourtant lié au temps bref de nos vies éminemment littérales.
Tous les langages s’y enchevêtrent et s’étayent jusqu’à former
l’espace combre suffisant pour interdire le passage,
l’autoriser ou le protéger.

lundi 6 mars 2023

À fragmentation 718


 

Précisément

Précisément, le pont de l’expérience enjambe le temps
et lie les réalités. Pas besoin de boire l’eau des deux sources,
l’eau de l’Oubli, puis l’eau de Mémoire ; ni de descendre dans le Gouffre.
Le pont te change, la parole te compose,
une image à chacun de tes pas personnifie les sons.
Chaque pierre de l’édifice résonne de tous les êtres passés là.
 
À la façon dont - vaine, folle audace - parfois certain s’enfonçant dans le passage (la phrase)
y perd la capacité de rire et l’insouciance
- c’est la connaissance dit-il - on redouterait de jouer,
de jouir de l’inconnu et du connu. Babiller, flûter comme le vent
entre les fûts ou la lumière à travers le taillis. Le mur pâle de la première
maison, le verger attenant…
 
Ce pont est si propre à l’instant, on dirait personnel, qu’il fait un avec le passant.
(Un espace outré, extension de sa présence. La seconde est là non mesurée,
impondérable.) Pure appréhension animale (mais la bête est tenue à sa plus modique modalité)
lorsque nous passons.
 
Terrifiante (démultipliée) est cette présence.
Si bien qu’à chaque passage on peut demander : quel pont ? 
et qui va là ?

samedi 4 mars 2023

À fragmentation 717


 

« Pour faire le pont »

« Pour faire le pont » : le vieux refrain qui de lui-même ne dira rien ?
Entre toi et moi, un pont.
Passer signifie changer le pont, unique à chaque passage,
ou immuable, emprunter la voie déjà dite,
fidèle à l’histoire ?

vendredi 3 mars 2023

À fragmentation 716


 

Pas besoin d’être futé

Pas besoin d’être futé, gnangnan non, pour entrer là.
Ce n’est pas parce qu’on n’en voit pas le sens qu’il n’y est pas, aussi certain qu’on est là.
Confus, obscur ? Efforce-toi.
L’enlierrement avancé des troncs, l’enchevêtrement haut des têtes,
poutrage de fortune juste assez pour tolérer le tors
(au sol les ronciers et cornouillers encombrés de branchages)
à petits pas disputés, tâtonnés,
qui font craquer des souches dont on cherche l’assise,
et l’eau,
encore qu’on voie bien les glands de l’an passé.
 
Qui sait depuis combien de temps. Qui sait quoi.
Suivons l’essaim pour voir.
 
La vérité ? L’esprit tardif on est comme ce rejet
instable et grêle
poussant ses racines autonomes dans ce cratère désastreux.
(Attention autonome ne signifie pas adventice.)

Et cette fraîcheur nous sied.

jeudi 2 mars 2023

À fragmentation 715


 

On y est

On y est, aussi déjetés que ces hêtres et ces chênes,
propulsés dans un fourmillement fermentaire.
L’esprit torse s’acharne à vivre quand même, en sa mémémoire
qui vacille et flamboie.
Où sont la pure pureté ou la douce élégie ? Où sont les clairières ?
D’aucune garantie celles-ci.
 
Au premier regard animal elle vient à nous.
La forêt comme le langage permet de vivre caché : parle, pontifie
pour dérober l’essence ! Ou pour faire le pont ?
Enjambe le tronc de parole, suis la diffraction de silence comme lumière,
survole le taillis sous la futaie où malgré tout
(à fragmentation) s’élabore un bois,
et c’est le bois de l’histoire.

mercredi 1 mars 2023

À fragmentation 714


 

Ce geste de la main

Ce geste de la main devant mon visage
comme on le fait aux yeux des morts
mais devant la bouche,
que signifie-t-il ?
Tais-toi, sûrement, ou bien retiens pour nous l’émotif 
qui confine à l’analphabète, c'est-à-dire à la bête ?