samedi 31 août 2019

Semblant de toilette 7


J'étais assise des heures durant


J’étais assise des heures durant
sous le auvent qui assombrit.
Aux sarments d’une vigne s’accroche le regard.
Deux étais redoublent le cadre. J’étais

à voir - ni vague si ce n’est les nuages crêpelés ni vent
avant midi - les mouches sur la table du déjeuner.
La mouche occupe l’espace aussi grande que le milan
précisément qui arrive, là où je l’attends.

Ah le milan ! Une seule phrase non déchiffrée
infiniment ligneuse au contre jour de ce jour
long de stase involontaire à lier assise les sarments
pour les feux. La page de verre en est.

C’est bien un feu qui souffle. Je ne sais pas s’il s’écrit.
La voix de milan se décochait entrant dans la chair
sans ménagement abrupte et obturante. La fissilité était
la variable inconnue de la page.

J’y restais plongée. Lui incessamment comme en nage
- milan - comme lui nageant s’éloignant revenant
dans l’air pâle ses frasques glissés à revers ses
revirements j’en suis la captive

C’est une vigne à laquelle indocile
le vent se range. Depuis cet auvent on voit les arbres
cyprès changeants brossés avec les nuages. Le vent
les lève ce sont figures en quête de foyer

vendredi 30 août 2019

Semblant de toilette 6


Ce n'est pas un dieu égyptien


Ce n’est pas un dieu égyptien, ce n’est pas Horus bien que lointain.
L’asymptote non plus que décrit mon regard - longue-vue -
qui infiniment côtoie ses courbes et ses épicycles

Mon œil se perd à sa suite dans l’interstice des cimes non cartographiées puis soudain
dans l’orbe du soleil - jusqu’à la nuque se ressent la brûlure - ou de la lune concomitants

Ses deux yeux de milan - s’en ressent la vue aveuglée - prends possession de l’héritage
de ton père Geb en présence du corps de l’Ennéade en tant que semblable à lui
ses yeux de milan aux iris verts versent la distance de lui en nous je le sais bien

De lui à nous poursuit sa course en marge de l’arpent épousant la courbure terrestre
de loin en loin le vol méridien

jeudi 29 août 2019

Semblant de toilette 5



Un oiseau troue mon ciel


Un oiseau - un milan - troue mon ciel
une parcelle de lui inexplorée - recluse - quitte
les familières longitudes

pour l’instant

pour que je le suive ?    - Où vas-tu maintenant ?
Je reviens à moi.           - Je reviens.

Valeur angulaire à lui seul
- partance et immobilité -
le cri précède la figure qui s'en vient

son ombre migre sur le pailler
alors que la vie s’époumone à redouter l’aile

l’ombre dans l’ombre molle - comme une montre veule -
il y a de l’or tout autour
ardent cercle
et lui tisonne

qui ne me laisse pas souffler

mercredi 28 août 2019

Semblant de toilette 4


Ce lac dur où je vois


Ce lac dur où je vois
                 y sont des nuages à redan
qui sondent à toute profondeur le courage et la vue

lui n’est pas pris ni mépris

louvoie
évitant les écueils

c’est lui
qui ploie l’aile indubitable - la sienne -
en moi

quand l’ombre reflue
le milan ricoche

- Mais que fais-tu plantée là depuis des heures le cou tendu ?
- J’essaie la longue-vue.

La tête suspendue au clou - ce milan cardinal -
décapitée
par l’effort
par l’outil je

fus visage

l’usage tient lieu de courbure au corps
au corps comme à la terre




mardi 27 août 2019

Semblant de toilette 3


À t’expliquer.


À t’expliquer. Avec ma perplexité pour science vitale.
La longitude est une coordonnée géographique représentée par une valeur angulaire,
expression du positionnement est-ouest d'un point sur Terre (ou sur une autre sphère).

L’angle est celui du mur
et de son ombre méridienne
une proue aiguë dans la torpeur

l’oiseau cardinal
au-dessus de la saillie abrupte qui s’élève
élève mon observation longitudinale
( mais nous nous enfonçons )

Tous les points de même longitude appartiennent à une ligne épousant la courbure terrestre

lundi 26 août 2019

Semblant de toilette 2


Milan cardinal


Milan cardinal
- et nous si jeunes
ignares en tout ( notre ignarerie n’est pas même risible ) -

sorti des longitudes et sorti du temps.

Un épicentre commun aux crêtes
et aux vallons qu’il propage en ces cercles ondoyants

ou : au centre du déférent où je suis - il me voit comme un leurre - je regarde
le milan décrire ses épicycles
( et, je pense, avec le rictus navrant du béat )

dimanche 25 août 2019

Semblant de toilette



Enraciné mais


Enraciné mais
sous le vent vétilleur
il coule

prestement effacé
entre les flammèches
des cyprès. Il s’agit - non
tout est calme soudain
après la rafale de bifides illusoires
tout est calme et plus un souffle pourtant
un seul aurait suffi pour comprendre le leurre -
et reprendre pied non à la physique amusante - choir
dit-on - mais aux griffes du vent prestigiateur

Il s’agit d’escamotage en règle.

La gravité fut défiée
le boniment - en long sifflet intermittent -
m’a tout ravi.
J’entends ces mots-ci : science qu’avive le vent

samedi 24 août 2019

Rêve de pierre 36


    

Il cherche des batraciens, des reptiles, des rongeurs


Il cherche des batraciens, des reptiles, des rongeurs
- ou des charognes - il se nourrit de charognes aussi

Ce que je vois je le dis
sans rien négliger
ni omettre

pourtant je n’ai rien vu mais lui lentement

depuis des cercles
cerne

et voit les rameaux de l’apophyse zygomatique
du poulain et de sa mère
voit l’étoile du panicaut champêtre éryngion blanc
aux cent-têtes et le globulaire cirse commun

enfin la mouche à l’abreuvoir de l’œil.


Milan qui n’est
l’augure de rien pourtant
- que d’un présent
si ordinaire -
je lève vers lui
des yeux mythologiques

vendredi 23 août 2019

Rêve de pierre 35


Parce qu'il y a partout des morts


Parce qu’il y a partout des morts
et des maisons des morts. Élevées aux
meilleurs emplacements qui soient, haut                            
sous la protection des cyprès, séparées
de la vie par de grands portails ajourés
aux piliers maçonnés plus ouvragés
que ceux des vivants. Parfois
près des glacières sous les châtaigniers.

Le milan passe et relie tout ceci
maison des morts maison des vivants
maison des morts, un œil invisible
raccommode l’ensemble en un territoire
qui est le sien et auquel nous appartenons,
comme impartis

jeudi 22 août 2019

Rêve de pierre 34


Comme l’imbécile est une buse


Comme l’imbécile est une buse, le stupide fut un huet,
et le maladroit - ou  bras cassé comme on dit aujourd’hui -
un écoufle. L’élargissement sémantique par analogie aurait paraît-il
conduit ensuite à désigner par ce terme - le milan sachant planer haut longtemps
sans battre des ailes, coudées affranchies, comme immobile dans l’air - le cerf-volant.

Et voici la filette à sa patte repassée !
Impénétrable est le chemin lexicologique !
Le cerf-volant que je vis planer au-dessus de nous, sur ce pré vert
de bruyères pâles et bordé d’aulnes et de fougères ( a filetta ), le revoilà !

Mais qui est dupe ? Le milan n’est pas faucon.
Si l’écoufle l’est, le milan n’est pas faucon ni cerveau lent !



Quand vient la nuit ici aussi pleurent des chiens ce sont
des corsinos tremblants sous le vent

dans l’ombre des cyprès
- ombre lamentable -

un long aboiement et qui répond
aux discoglosses

                                                  … le crapaud dans la boue,
Le chien pleurant toute la nuit derrière la maison des morts.

mercredi 21 août 2019

Rêve de pierre 33


Escoufle est aussi nieble en franc-comtois, nibbio en italien.


Escoufle est aussi nieble en franc-comtois, nibbio en italien.
Voici que le milan revient au Nebbio(u) !
( tous les chemins lexicologiques sont à suivre
ainsi celui d’involarer à embler
qui plus est pour un ravisseur d’épave. )

Et niebla est la brume en espagnol celle-là même
qui flotte après la pluie sur les dépôts
diluviens qui s’amoncellent tout en bas
engorgeant le chemin, laissant les urodèles à nu.

Lui tourne toujours. Lentement. Sa ronde
plus réservée - se faire oublier tout en balisant -.
Ses coudées rares.

Alors que je le cherche et le hue.

mardi 20 août 2019

Rêve de pierre 32


Seulle suivi d'une étoile, en lettres gothiques


Seulle suivi d'une étoile, en lettres gothiques
Seule étoile - en pensant à sa dame Guigone -
Nicolas Rolin Chancelier de Bourgogne
a fait tisser cette devise sur une vaste tapisserie
- dite de Saint Antoine - pour la chapelle
de la Salle des Pôvres des Hospices de Beaune.
Seule dame de ses pensées, astre unique de son salut fallait-il le répéter
autant de fois que nécessaire, sur fond framboise
- soit dix-sept fois - et un semis de trente-trois tourterelles.

Et non loin au-dessus de l’autel le polyptyque
du Jugement dernier de Rogier van der Weyden
dont les volets fermés portent les donateurs.
C’était pour soulager les pauvres.

Mais moi j’y vois Scufle, forme apocopée d’escufle
- oh c’est vraisemblable -
et l’étoile, et un milan sur la branche au lieu de tourterelle ! 
Quelle insidieuse ruse d’escufle, quel leurre se glisse ainsi sous la plus innocente devise !
dans l’intérêt de mon salut, désireux d’échanger contre des biens célestes, les biens temporels
que je dois à la divine bonté, et de périssables les rendre éternels…
L’affaire du Chancelier Rolin fut ainsi rondement menée : se soulager de ces deniers, 
assurer son salut, 
s’aliéner sa dame, 
soulager les pauvres.

lundi 19 août 2019

Rêve de pierre 31


Lui comme un soc soulevant


Lui comme un soc soulevant

ce qui est fait d’air
et d’espace

dans le poème

me retourne. Pressentiment d’espace

c’est un pressentiment seulement
( l’acuité du mauvais côté de la relation du poème
au motif ou peut-être n’y a-t-il de côté mais des cercles
intriqués formant une sphère d’angles variables )

qu’il survole
soulevant le témoin oculaire
que je suis d’un de ces cris aigu
et tranchant aussi

c’est un rapt.

Depuis tout ce temps il vole
le ravissant escoufle*, celui qui saisit
s’empare



*Guillaume de Saluste Du Bartas, dans La Sepmaine, V, 661 : « Le ravissant Escoufle, à qui la queue sert / De gouvernal fidele »

dimanche 18 août 2019

Rêve de pierre 30


Ça n’est pas dit.


Ça n’est pas dit. Rien au sujet de ce milan,
hypothétique sujet sans cesse échappé - détourné -
de ce non moins certain poème que je tourne
et retourne. De mot dans le mille aucun.

( flagrante impéritie - et long feu - )

M’éblouit la vision de l’oiseau dans le ralenti là-haut
de sa déflagration solaire.

Le nonchaloir danse devant l’obsession.
L’œil brûle.

Lentement il a repris son vol circulaire.

( des prouesses d’insouciance, semble t’il, mais avec l’acuité
du chasseur )