mercredi 31 janvier 2024
J’élargis le périmètre.
J’élargis le périmètre.
Cinq, six kilomètres. À vol d’oiseau deux.
(Difficile pratique du vol d’oiseau
mais quand même.)
La forêt incommensurable, tout comme le manque.
J’impose à tous une équation irrésolue.
L’énigme de son regard perdu.
Qu’est-ce qui est aussi vide et encombrant que cette version de l’absence
qu’est la disparition ?
mardi 30 janvier 2024
Quand je prends la précaution
Quand je prends la précaution de ne rien déranger
(mes pas sur la pointe)
ces trois brocards, grand’erre dans les ronciers, brisent ma réserve.
Ils m’ont vu
(intruse bien avant que je ne les vois)
ma présence incongrûment explétive dans cette forêt
où je cherche à résoudre l’énigme, sans savoir où je cherche.
Les prunelliers la gardent.
L’énigme préservée, la quête est préservée.
(Ce n’est pas un jeu d’esprit et ma sagacité s’émousse en forêt.)
Voici ma chasse gardée à jamais : j’aurai toujours un chat manquant en tête.
lundi 29 janvier 2024
Vuj-‘yh-
Vuj-‘yh- (facétie claviéristique, chatterie incongrue : en vérifier la grammaire
c’est ce que me suggère le correcteur à l’instant)
Ce manque répétitif m’appauvrit. Me lèse.
L’esprit lésé dans l’encéphale en attendant. Quoi ?
Dans la forêt je divague,
désorientée.
Bois chablis entrecroisé, souches massives,
cratères, ce que je cherche ?
Ronciers, prunelliers (épines noires) acérés
(la Belle-au-bois dort peut-être à l’arrière)
dont j’essaie de passer la barrière :
trois brocards fuient dans mes enjambées prudentes.
dimanche 28 janvier 2024
C’est l’écho qui réalise
C’est l’écho qui réalise dans la nuit
le point de mire.
C’est le bruit dans la couronne invisible
- un craquement d’os
sec et sonore lorsque j’ai foulé l’un des cors du pommier tombés au sol -
son cri remonte jusqu’aux branches
croise le halo descendant de la torche.
Où donner des yeux ? De la tête ?
samedi 27 janvier 2024
Mais c’est une image spectrale
Mais c’est une image spectrale qui une fois encore perdure
dans mon encéphale éprouvé,
obstiné.
Mon obsession m’impose sa présence incoerciblement.
Dans un vieux pommier elle place la cible que je veux,
en vue de laquelle j’affûte ma parole. J’appelle.
vendredi 26 janvier 2024
Des figures excentriques
Des figures excentriques de pommiers
à la posture desquelles je prends part, encore,
courbée vers les degrés de l’échelle qui serpente
à travers la couronne exaltée, se perd
dans une profondeur telle qu’aucune torche ne l’atteint,
une profondeur où danse aussi, évanescente,
l’image du chat espéré.
jeudi 25 janvier 2024
silhouette inquiète
silhouette inquiète passée
par les barbelés en premier lieu
puis par ces marées hirsutes
au fond d’un verger chorégraphique
mariant linéarité et chahut.
mercredi 24 janvier 2024
Cette défection
Cette défection, cette absence qui dure
cause l’inflammation, l’hyperémie cérébrale
et viscérale qui maintient ma pression.
J’insiste. L’œil injecté colore la cause :
je visualise des ronciers comme des océans malmenés
violets rougis sous les taillis réversibles. Je m’y vois
mardi 23 janvier 2024
De ma volonté, rien.
De ma volonté, rien. De ma dignité ?
Rampante rétine par le halo subjuguée,
par la fin, qui est de voir l’invisible,
par l’indéchiffrable hallier, par les armes de l’obstruction
- soir enchevêtré - réduite à sujétion.
Nyctalope de l’humeur noire, endolorie.
lundi 22 janvier 2024
avec des égards pour l’ombre
avec des égards pour l’ombre
l’extension de mon œil - la lampe
projetée vers le bruit - jeté à perte
de vue le halo troue le buisson.
J’égare jusqu’à la lumière.
(je n’éclaire bientôt que l’absence,
et surtout sa répétition)
qu’est-ce qui réside dans ma volonté ?
dimanche 21 janvier 2024
Erres forcées (jusqu’à rompre)
Erres forcées (jusqu’à rompre)
aires vaines (mises à jour)
mon errance va de mise avec mon amour
sans même l’idée de clairière où
chercher cet amour
j’égare jusqu’à la lisière
je la soumets dans mes pas, à mes pas,
chaque pas un vœu : chercher.
avec des égards pour l’ombre
samedi 20 janvier 2024
Pluie lourde.
Pluie lourde. Je deviens hallier
- fol hallier -
à scruter rampant
cherchant le sentier
aggravé d’arches surbaissées
à exacerber le poème buissonnant
sa capacité de recel
(n’est-il pas failli quelque part ? Perséphone !)
Lever le poème sans le lièvre (ici le chat).
J’ai l’haleine mouillée
manches épaillées
bredouille mais lourde de pensées.
vendredi 19 janvier 2024
Parfois je désespère.
Parfois je désespère.
Puis
- maintenant cette sensation de perte, la
plaie de chair et de mots,
expansive sur ses bords, intempérante
(d’un bord à l’autre du pré) -
je cherche la main tendue vers lui.
Lumière brandie.
L’espoir est ma dépendance - ad diction
(la prétendue prétendument dite à)
cette quête -. J’espère un revirement,
un avivement des bords.
Je ne sèche pas.
Je confonds les distances.
Je voue ma langue au chat.
jeudi 18 janvier 2024
J’affûte mes perspectives
J’affûte mes perspectives, diamétralement opposables :
le pas ne pas.
Un rien m’agite, hautes erres dans lesquelles je poursuis
des portées ancestrales, des couvées,
des chemins de traverse.
À l’herbe cespiteuse
planifiée pour la multiplication des distances
le tallage,
la brûlure du gel assure l’unité,
mais moi je perds dépitée mon motif.
Une perte sèche. Avec la nuit j’attends sa paire
d’yeux inquisiteurs
sans présager sa défection.
Je le cherche dans cette sècheresse.
Je reviens sur mes pas.
Je reviens sur mes pas pour repères (et repartir).
mercredi 17 janvier 2024
Frayement des chimères à l’aplomb des buissons
Frayement des chimères à l’aplomb des buissons
que l’œil alerte prompt à
s’acérer, perçant, perce
outrepassant, passe.
Non, non.
L’ombre vient des halliers. On cherche des yeux la nuit.
Un son nouveau
(la réponse à nos appels)
(notre désir de réponse, notre leurre)
leurre les tympans
avilis par trop de crédulité, d’espoir
- vils mais vifs, aigus -.
J’entends les vers, les fanes, les fils de fer
des clôtures, la voie frayée du pré.
mardi 16 janvier 2024
Le même récit de disparition
Le même récit de disparition. Ici
le pré obnubilé par la quête,
chimères bien visibles dans l’air,
mon application vespérale dans l’espoir de son retour
(chat) sans prémonition (ou avec)
l’évanescence des bois dans la forme-soir,
la perte tautologique de la vision.
lundi 15 janvier 2024
dans la liaison des airs :
dans la liaison des airs :
à ras de terre l’écoulement des filets d’air
laminaires,
au-dessus la masse de cristaux de glace mêlée d’aérosols.
Un froid soleil concrétise l’atmosphère qui le contre.
Tout est si visible de loin.
Laisses comme les filets d’air
qui réitèrent le récit, le même,
de ruine en ruine
(de ruines secrètes en possibles retrouvailles
si on cherche)
faisant communiquer les halliers givrés
la forêt
la cavale du chat
en écharpe dans l’air.
dimanche 14 janvier 2024
Le voici le but sans fin
Le voici le but sans fin, le présent continu : chercher le chat (non le chas)
pré borné par le ciel d’un côté
la forêt de l’autre, son flanc sombre avant la nuit
dévers dont j’admire la solution
et encore, que la pioche des questions n’entame pas
ou guère,
que la pioche travaille sans induire de rupture
(solution de continuité)
terre interminable
interminablement à former
arpenter
cette pioche plutôt à ponctuer - un accent -
à mener délicatement
dans la liaison des mottes
qu’habitent tous les oiseaux
samedi 13 janvier 2024
Une réalisation
Une réalisation dont la modicité est acceptée
- à l’image de ces motifs ses mobiles -
(il n’y a pas de grandes choses)
mais devrais-je dire modestie ? Allez va !
Va pour ce rien -, mais un rien qui annule le reste.*
Car seul ce présent est encore possible.
(sinon chercher son chat)
*André du Bouchet, Carnets 1952-1956, Plon, 1989, page 61
vendredi 12 janvier 2024
et jusqu’à moi,
et jusqu’à moi, ici, partie de ce monde-ci
(minuscule et grandie par sa capacité
de variation, sa capacité de combinaison
des inépuisables états de la matière),
partie amenée à composer le monde en se composant :
collée à la terre, élevée par la terre
ainsi par ces itérations et ces variations
éprouvées dans les moindres détails et en tous temps,
ainsi par l’épreuve du poème
se forme un monde réel et vivant.
C’est une réalisation.
jeudi 11 janvier 2024
Indécelable symétrie
Indécelable symétrie à l’œil nu
(indécelée mais connue)
tout le contraire de l’effet
- pourtant déployant un luxe très circonstanciel -
cisèle jusqu’à la fane
mercredi 10 janvier 2024
Il n’y a pas de petite chose
Il n’y a pas de petite chose
le givre géométrise
l’attente, la rigueur
autant que le capitule
formules infinitésimales
qu’il soumet au vent dans un effort de visibilité.
mardi 9 janvier 2024
Suivant la prescription
Suivant la prescription je retourne à la fleur :
elle resplendit encore simplement
refusant de capituler.
J’attends parmi les pierres, je suis pierre,
je progresse espérant me confondre.
Au-dessus de moi je suis l’achillée courbe
dans la réverbération de la lumière
atteignant les ramifications des particules
de glace cristallisées.
lundi 8 janvier 2024
Voici les merles
Voici les merles
leur phrase imperceptible dans le silence
une poussée d’amertume
un défi de bouquet
voici les jeunes poètes
leur perspicacité assone
sur la mer gelée
leur vie - et la nôtre - rejaillit.
dimanche 7 janvier 2024
l’écrivant trouvent la force
l’écrivant trouvent la force
de ne pas (ne pas trop)
donner dans l’inarticulé
(l’inarticurlé devrais-je dire)
élaborent leur alphabet
vert immature
sur aigre cire, certes
et à la mesure de leur tablettes
mais alors ?
versifient l’âcreté comme elles peuvent
la perplexité enjambant hop !
(le pivot restant l’œil magistral qui contemple l’anxiété
qui contemple l’amour)
et resplendissent du désordre ainsi
orchestré
orfèvres diadémées de cris et d’éclairs
poinçons terribles désirés autant que redoutés