vendredi 31 mai 2024
Solennelles,
Solennelles, peut-être est-ce le mot
qu’il faut pour elles, choses vivantes
et vives sans prétentions
partageant solennellement (et gracieusement) le mobile
et le vertige.
jeudi 30 mai 2024
néanmoins éclatantes, fleurs
néanmoins éclatantes, fleurs
raisons manifestes
raison d’étendard hissé haut
(haut les couleurs immobiles
mais prêtes à disséminer,
la conquête de l’espace par la floraison étant l’objet
de ces îlots de visibilité)
mercredi 29 mai 2024
(et pas non plus avec l’augure
(et pas non plus avec l’augure
le bon heur, ou le présage favorable
tiré du vol des souchets, non, je ne lis pas les signes)
le même bonheur qu’à observer l’iris éclore
ou l’ancolie, versions brèves et labiles
de l’univers
néanmoins éclatantes
mardi 28 mai 2024
Cette hauteur me rassure.
Cette hauteur me rassure.
Entre moi et les souchets est une force invisible
mon œil distancé
l’espace d’un instant
jouit pourtant de sa visualisation :
je vois l’intrication heureuse
à laquelle je prends part heureuse
(si la félicité n’a pas à voir avec le confort
mais avec la conscience)
lundi 27 mai 2024
l’espace d’un instant
l’espace d’un instant
ces souchets me donnent l’intuition d’une force incoercible
d’une nécessité,
sûre de son faîte
je suis des yeux l’entrain
la hauteur gouailleuse
la coulée limpide.
vendredi 24 mai 2024
Ou obstinée - innocente -
Ou obstinée - innocente -
je fais pénétrer ma vue jusqu’au plus profond
du collet - le nœud vital -
comme si allait m’être révélé (comme si)
là, dans ce renflement dissimulé sous les feuilles basales,
(un vertige), le secret de la passation.
c’est une volée de souchets qui
me fait relever la tête
(pensée verte en sustentation)
jeudi 23 mai 2024
Le soleil dans l’œil
Le soleil dans l’œil
et la mésange dans l’oreille
(pauvre petite chose inerte
dans la gueule du chat
que j’ai vue panteler avant d’abandonner la partie
je pense que c’est ce que nous devrions faire
et cependant je dépaille)
mercredi 22 mai 2024
Le vent fait plier les jacinthes d’Espagne.
Le vent fait plier les jacinthes d’Espagne.
Le printemps vraiment,
et que trouve-t-on ?
Une force, périlleuse,
celle de tout regarder en face
et une fragilité : voir ne sauve pas.
J’ai le soleil dans l’œil lorsque je peigne l’iris des marais,
le faux acore.
mardi 21 mai 2024
Bête revenue entre les fleurs
Bête revenue entre les fleurs,
l’enthousiasme ne fait pourtant pas le printemps,
mais la verdeur, oui.
La verdeur, l’assimilation, la raison fruitive à chaque nouveauté
le rayon sur une feuille d’acanthe,
la remontée des ancolies,
chats dans les feuilles d’hémérocalles (les nouveaux
et les manquants)
(comme cette raison est impitoyable).
Mais l’illusion ? Oui, délectable.
lundi 20 mai 2024
Était-ce l’amnésie ?
Était-ce l’amnésie ? Pas plus qu’une mésange ne l’est,
amnésique, néanmoins la nouveauté fait partie de ce retour.
L’herbier fait trembler la terre, le feuillage frissonner l’air.
Arrivée à sa charge maximale,
soudain hautement explosible,
la fleur me fait sursauter.
J’enjambe les distances,
je m’éparpille comme syrphes et hyménoptères.
Je me surprends à fureter.
dimanche 19 mai 2024
Acanthe
Acanthe : une supposition dans le temps.
La gradation de l’humeur qui,
insensiblement, me revient, surprise et enjouée.
Troublante sensation de retrouvailles. L'épi,
un opulent topos dont il est dit que rien ne nous sépare,
échelle les jours
gradation vernale de tout retour
éprouvée en chacun
(motif concentrant douleur et beauté, d’où
émerge la forme de notre amour souvenu).
samedi 18 mai 2024
J’échafaude un monde de fleurs
J’échafaude un monde de fleurs
(est-ce l’espoir, est-ce l’interprétation, vraiment ?)
vraiment ?
Ce bouquet, d’abord, des mots dans la neige
qui attentent à la blancheur, trop violente,
et au silence
puis l’espoir, puis tous les gestes d’amour :
parler, humer, caresser,
(l’éternel recommencement).
vendredi 17 mai 2024
sa fleur pas à pas
sa fleur pas à pas
(sera-ce surprenant, je le voudrais)
comme sur une haute échelle dressée
conduira en tête l’étendard
simple hampe
(un dispositif dans un système de visée dirait
Gertrude Stein)
(à la guerre comme à la guerre)
prononcera le temps du ressaisissement
de l’ajustement des images,
le rappel.
jeudi 16 mai 2024
Là j’adjoindrai une acanthe
Là j’adjoindrai une acanthe
pour étayer la légende de Callimaque
même si elle est douteuse. J’espère
ce panier d’offrandes
ce rien-ne-pourra-nous-séparer
parce que c’est là vers sa profondeur de haie
que j’ai vu s’éloigner celui qui me manque
mercredi 15 mai 2024
À l’aube terrifiée je sais
À l’aube terrifiée je sais
prostrée dans l’attente et le vide qui se fait
- j’éprouve enfin -
ce que haie n’est autre
(je sais ce que haie)
le lien puissant, intensif
de la mort et de la vie - l’une à l’autre ressortie -
ce lien à haut rendement
et ce courant qui la fait crépiter.
mardi 14 mai 2024
où j’ai la tête plutôt qu’à mon chevet
où j’ai la tête plutôt qu’à mon chevet
le dit permanent
la puissance vocative
(plus que la forme), sa mobilité
le son (le chant)
l’aiguillon
échelle variable
foison (préfiguration de) désordre
chevêtre improvisé dans le gros temps
avec quoi j’échelle toute la nuit.
lundi 13 mai 2024
mes paroles sempervirentes
mes paroles sempervirentes
(et je lui sais gré pour la diversité,
pour la sensation de robustesse
et l’aiguillon
pour la sollicitude, pour l’abri.
Rien n’a d’égal. L’épineuse attention au détail,
la prévenance interespèce confortent à cet instant
mon esprit éventé)
(déboussolé)
dimanche 12 mai 2024
(des lectures
(des lectures
toutes passibles - houssière
ne rebute que nos idées d’ordre préconçu -)
viens dans mon ombre hérissée,
mes perles à portée d’émerveillement
(quand le vent réfute, le houx apporte ses preuves rutilantes,
aux merles et aux grives cenelles offertes ainsi qu’à moi)
samedi 11 mai 2024
(houe s’abattant sur terre
(houe s’abattant sur terre
en un éclair elle
fend la motte agrégée
pour dire une seconde plus claire
de défection
voire de désaffection)
toutes ses pointes houspillent le vent
par là même l’œil et la phrase pourfendue
tapis dans l’obscur étonnement
le fourré des sensations mêlées
vendredi 10 mai 2024
un houx élancé
un houx élancé - un fer
de lance -
fustige l’air violet
à la violence duquel répond
ce geste ardent
(houe s’abattant sur terre
jeudi 9 mai 2024
la haie est le refuge de la phrase
la haie est le refuge de la phrase
pont, bandeau
ponton
embarcadère
elle change le sens du vent
rafale, véhément raffut, crépitements osseux
branches et fûts soudés
de masse armée indomptable
rompant en visière le treillis miraculeux
s’emballe
d’un seul tenant
et avance
essouffle le vent
dans sa longueur, dans sa largeur
mercredi 8 mai 2024
mais voilà que ce pont
mais voilà que ce pont même connaît des remous
le vent n’en a pas fini
change de sens à chaque averse
ce pont, cette haie brimbalant sans repli possible
autre que ses nœuds indéfectibles
se referme sur ses nids,
m’agglomère
(à giboulée novice et demi
à peine extirpée de l’ornière)
mardi 7 mai 2024
à l’ensorcelée
à l’ensorcelée
par l’illusion de calme après le tourment
ou à l’innocente
trompée par un quelconque signe, un pont
pour le passage à l’ombre,
pour l’heure d’été, cette autrement claire, un pont
pour toucher terre dans les arbres
par une configuration heureusement indéchiffrable
lundi 6 mai 2024
Vent subit, topos secoué en tous sens
Vent subit, topos secoué en tous sens
(comme un vieux prunier rompt
rompent ces liens - clematis vitalba -)
la cohésion de l’ensemble non plus
donnée par ses enjambements cursifs
mais par leur chute amortie,
pertes sèches en traverses longitudinales
font le pont hérissé érigé
d’un bout à l’autre - à qui ? -
un pont suspens dans la nuit
dimanche 5 mai 2024
agitée de troubles
agitée de troubles.
Je m’apprête à chevaucher le bois,
prise des mêmes grelottements
portée par le clapot limpide des feuillages
j’anime des liens buissonnants
des gouttes invitent au jeu d’optique
sur chaque limbe exaspéré
(des loupes) chatoient
(si la haie a quelque chose à voir avec la sorcellerie
ou simplement la clairvoyance, le pouvoir
d’orienter le monde
alors elle l’oriente
le décentre
orgueil dompté en soi !* (à l’heure du disciple*))
j’écoute sa voix démultipliée
je divague dans son ombre
m’enfonce dans sa réflexion
*Marina Tsvetaeva, « Leonardo », in Mon dernier livre, 1940
traduit du russe par Véronique Lossky