vendredi 31 mai 2024

À la boîte blanche, vues 369


 

Solennelles,

 

Solennelles, peut-être est-ce le mot

qu’il faut pour elles, choses vivantes

et vives sans prétentions

partageant solennellement (et gracieusement) le mobile

et le vertige.

 

jeudi 30 mai 2024

À la boîte blanche, vues 368


 

néanmoins éclatantes, fleurs

 

néanmoins éclatantes, fleurs

raisons manifestes

raison d’étendard hissé haut

(haut les couleurs immobiles

mais prêtes à disséminer,

la conquête de l’espace par la floraison étant l’objet

de ces îlots de visibilité)

 

mercredi 29 mai 2024

À la boîte blanche, vues 367


 

(et pas non plus avec l’augure

 

(et pas non plus avec l’augure

le bon heur, ou le présage favorable

tiré du vol des souchets, non, je ne lis pas les signes)

 

le même bonheur qu’à observer l’iris éclore

ou l’ancolie, versions brèves et labiles

de l’univers

 

néanmoins éclatantes

 

mardi 28 mai 2024

À la boîte blanche, vues 366


 

Cette hauteur me rassure.

 

Cette hauteur me rassure.

Entre moi et les souchets est une force invisible

 

mon œil distancé

l’espace d’un instant

jouit pourtant de sa visualisation :

 

je vois l’intrication heureuse

à laquelle je prends part heureuse

(si la félicité n’a pas à voir avec le confort

mais avec la conscience)

 

lundi 27 mai 2024

À la boîte blanche, vues 365


 

l’espace d’un instant

 

l’espace d’un instant

ces souchets me donnent l’intuition d’une force incoercible

d’une nécessité,

 

sûre de son faîte


je suis des yeux l’entrain

la hauteur gouailleuse

la coulée limpide.

 

vendredi 24 mai 2024

À la boîte blanche, vues 364


 

Ou obstinée - innocente -

 

Ou obstinée - innocente -

je fais pénétrer ma vue jusqu’au plus profond

du collet - le nœud vital -

comme si allait m’être révélé (comme si)

là, dans ce renflement dissimulé sous les feuilles basales,

(un vertige), le secret de la passation.

 

c’est une volée de souchets qui

me fait relever la tête

 

(pensée verte en sustentation)

 

jeudi 23 mai 2024

À la boîte blanche, vues 363


 

Le soleil dans l’œil

 

Le soleil dans l’œil

et la mésange dans l’oreille

 

(pauvre petite chose inerte 

dans la gueule du chat

que j’ai vue panteler avant d’abandonner la partie

je pense que c’est ce que nous devrions faire

et cependant je dépaille)

 

mercredi 22 mai 2024

À la boîte blanche, vues 362

 

Le vent fait plier les jacinthes d’Espagne.

 

Le vent fait plier les jacinthes d’Espagne.

 

Le printemps vraiment,

et que trouve-t-on ?

Une force, périlleuse,

celle de tout regarder en face

et une fragilité : voir ne sauve pas.

 

J’ai le soleil dans l’œil lorsque je peigne l’iris des marais,

le faux acore.

 

mardi 21 mai 2024

À la boîte blanche, vues 361


 

Bête revenue entre les fleurs

 

Bête revenue entre les fleurs,

l’enthousiasme ne fait pourtant pas le printemps,

mais la verdeur, oui.

La verdeur, l’assimilation, la raison fruitive à chaque nouveauté 

 

le rayon sur une feuille d’acanthe,

la remontée des ancolies,

chats dans les feuilles d’hémérocalles (les nouveaux

et les manquants)

 

(comme cette raison est impitoyable).

 

Mais l’illusion ? Oui, délectable.

 

lundi 20 mai 2024

À la boîte blanche, vues 360


 

Était-ce l’amnésie ?

 

Était-ce l’amnésie ? Pas plus qu’une mésange ne l’est,

amnésique, néanmoins la nouveauté fait partie de ce retour.

L’herbier fait trembler la terre, le feuillage frissonner l’air.

Arrivée à sa charge maximale,

soudain hautement explosible,

la fleur me fait sursauter.

J’enjambe les distances,

je m’éparpille comme syrphes et hyménoptères.

Je me surprends à fureter.

 

dimanche 19 mai 2024

À la boîte blanche, vues 359


 

Acanthe

 

Acanthe : une supposition dans le temps.

La gradation de l’humeur qui,

insensiblement, me revient, surprise et enjouée.

 

Troublante sensation de retrouvailles. L'épi,

un opulent topos dont il est dit que rien ne nous sépare, 

                                                                                  échelle les jours

gradation vernale de tout retour

éprouvée en chacun

(motif concentrant douleur et beauté, d’où

émerge la forme de notre amour souvenu).

 

samedi 18 mai 2024

À la boîte blanche, vues 358


 

J’échafaude un monde de fleurs

 

J’échafaude un monde de fleurs

(est-ce l’espoir, est-ce l’interprétation, vraiment ?)

vraiment ?

Ce bouquet, d’abord, des mots dans la neige

qui attentent à la blancheur, trop violente,

et au silence

puis l’espoir, puis tous les gestes d’amour :

parler, humer, caresser,

(l’éternel recommencement).


vendredi 17 mai 2024

À la boîte blanche, vues 357


 

sa fleur pas à pas

 

sa fleur pas à pas

(sera-ce surprenant, je le voudrais)

comme sur une haute échelle dressée

conduira en tête l’étendard

 

simple hampe

(un dispositif dans un système de visée dirait

Gertrude Stein)

(à la guerre comme à la guerre)

prononcera le temps du ressaisissement 

de l’ajustement des images,

le rappel.

 

jeudi 16 mai 2024

À la boîte blanche, vues 356


 

Là j’adjoindrai une acanthe

 

Là j’adjoindrai une acanthe

pour étayer la légende de Callimaque

même si elle est douteuse. J’espère

ce panier d’offrandes

ce rien-ne-pourra-nous-séparer

parce que c’est là vers sa profondeur de haie

que j’ai vu s’éloigner celui qui me manque

 

mercredi 15 mai 2024

À la boîte blanche, vues 355


 

À l’aube terrifiée je sais

 

À l’aube terrifiée je sais

prostrée dans l’attente et le vide qui se fait

 

- j’éprouve enfin -

ce que haie n’est autre

 

(je sais ce que haie)

 

le lien puissant, intensif

de la mort et de la vie - l’une à l’autre ressortie -

 

ce lien à haut rendement

et ce courant qui la fait crépiter.

 

mardi 14 mai 2024

À la boîte blanche, vues 354


 

où j’ai la tête plutôt qu’à mon chevet

 

où j’ai la tête plutôt qu’à mon chevet

 

le dit permanent

la puissance vocative

(plus que la forme), sa mobilité

 

le son (le chant)

l’aiguillon

 

échelle variable

foison (préfiguration de) désordre

 

chevêtre improvisé dans le gros temps

 

avec quoi j’échelle toute la nuit.

 

lundi 13 mai 2024

À la boîte blanche, vues 353


 

mes paroles sempervirentes

 

mes paroles sempervirentes

 

(et je lui sais gré pour la diversité,

pour la sensation de robustesse

et l’aiguillon

pour la sollicitude, pour l’abri.

 

Rien n’a d’égal. L’épineuse attention au détail,

la prévenance interespèce confortent à cet instant

mon esprit éventé)

 

(déboussolé)


dimanche 12 mai 2024

À la boîte blanche, vues 352


 

(des lectures

 

(des lectures

toutes passibles - houssière

ne rebute que nos idées d’ordre préconçu -)

viens dans mon ombre hérissée,

mes perles à portée d’émerveillement

 

(quand le vent réfute, le houx apporte ses preuves rutilantes,

aux merles et aux grives cenelles offertes ainsi qu’à moi)

 

samedi 11 mai 2024

À la boîte blanche, vues 351


 

(houe s’abattant sur terre

 

(houe s’abattant sur terre

en un éclair elle

fend la motte agrégée

pour dire une seconde plus claire

 

de défection 

voire de désaffection)

 

toutes ses pointes houspillent le vent

 

par là même l’œil et la phrase pourfendue

tapis dans l’obscur étonnement

 

le fourré des sensations mêlées

 

jeudi 9 mai 2024

À la boîte blanche, vues 349


 

la haie est le refuge de la phrase

 

la haie est le refuge de la phrase

pont, bandeau

ponton

embarcadère

elle change le sens du vent

 

rafale, véhément raffut, crépitements osseux

branches et fûts soudés

de masse armée indomptable

 

rompant en visière le treillis miraculeux

s’emballe

d’un seul tenant

et avance

 

essouffle le vent

dans sa longueur, dans sa largeur

 

mercredi 8 mai 2024

À la boîte blanche, vues 348


 

mais voilà que ce pont

 

mais voilà que ce pont même connaît des remous

le vent n’en a pas fini

change de sens à chaque averse

 

ce pont, cette haie brimbalant sans repli possible

autre que ses nœuds indéfectibles

se referme sur ses nids,

m’agglomère

(à giboulée novice et demi

à peine extirpée de l’ornière)


mardi 7 mai 2024

À la boîte blanche, vues 347


 

à l’ensorcelée

 

à l’ensorcelée

par l’illusion de calme après le tourment

 

ou à l’innocente

trompée par un quelconque signe, un pont

pour le passage à l’ombre,

pour l’heure d’été, cette autrement claire, un pont

 

pour toucher terre dans les arbres

par une configuration heureusement indéchiffrable

 

lundi 6 mai 2024

À la boîte blanche, vues 346


 

Vent subit, topos secoué en tous sens

 

Vent subit, topos secoué en tous sens

(comme un vieux prunier rompt

rompent ces liens - clematis vitalba -)

 

la cohésion de l’ensemble non plus

donnée par ses enjambements cursifs

mais par leur chute amortie,

pertes sèches en traverses longitudinales

font le pont hérissé érigé

d’un bout à l’autre - à qui ? -

 

un pont suspens dans la nuit


dimanche 5 mai 2024

À la boîte blanche, vues 345


 

agitée de troubles

 

agitée de troubles.

 

Je m’apprête à chevaucher le bois,

prise des mêmes grelottements

portée par le clapot limpide des feuillages

 

j’anime des liens buissonnants   

 

des gouttes invitent au jeu d’optique


 

sur chaque limbe exaspéré

(des loupes) chatoient

(si la haie a quelque chose à voir avec la sorcellerie

ou simplement la clairvoyance, le pouvoir

d’orienter le monde


 

alors elle l’oriente

le décentre

orgueil dompté en soi !* l’heure du disciple*))

 

j’écoute sa voix démultipliée

je divague dans son ombre

m’enfonce dans sa réflexion

 

*Marina Tsvetaeva, « Leonardo », in Mon dernier livre, 1940 

traduit du russe par Véronique Lossky