dimanche 31 mars 2024
(je désapprends son nom de chiendent rampant
(je désapprends son nom de chiendent rampant
trop domestique, trop bon
qui ne dit pas son inclémence)
je traque sa mesure, son inflexible assiduité
c’est pour mon feu, cet autre fanal
samedi 30 mars 2024
soutien de terre et soutien de rêve
soutien de terre et soutien de rêve
et je noue (je renoue) avec le geste
je relie le geste et l’action
j’observe le chiendent tisser son territoire
mon domaine est sous-tendu comme le sien
d’actions simples,
exactement inverses
je remonte ses rhizomes de nœud en nœud : la souche traçante
qui agglutine la terre
conduit aux rudes feuilles
linéaires toujours vertes
(aux ombres mesurées je le trouve
en dur gnomon, en monstre flagellateur,
en tremblement de fanion)
le ralliement en est certes facilité
vendredi 29 mars 2024
Chiendent petit rampant
Chiendent petit rampant
(ta figure topologique)
comment ton armure est-elle passée
de la terre à mon rêve ?
Nouage
(en sous-main) tient
comme les fers le béton d’une terrasse
jeudi 28 mars 2024
Connecte tes quêtes
Connecte tes quêtes (toutes tes quêtes),
force ta vision (je m’ordonne)
une fourche trident à la main pour recentrer la flamme
l’œil et le mufle jouent ensemble au bout du champ de mon rêve
juste dans ma paume
juste devant moi
lequel appellerai-je, lequel attendrai-je dorénavant ?
mercredi 27 mars 2024
À l’échelle de ce rat
Était-ce un tertre, une fortification ?
À l’échelle de ce rat, oui, ce bûcher
avait ses pentes, sa face nord et noire
d’humidité, sa casemate et son sommet crénelé,
et pour son intrépide curiosité ses soupiraux.
À mon échelle l’épouvantable amas
des coupes et des tailles, des ratissages
de deux ou trois années de prolifération et de fanes,
de génération et de putréfaction
(les racines si blanches du chiendent en surfilage,
un maillage serré de la surface,
à toute épreuve l’herbe à deux bouts quadrille
le foyer, donne l’échelle de l’histoire
que je fais avec le feu, le chat et le rat,
notre cohabitation vue à l’instant dans l’optique de la veduta,
cette fenêtre qui permit aux voyants de ne pas trop s’approcher du monde,
s’y brûler ?
La fenêtre à partir de laquelle l’histoire pourra être considérée ?)
mardi 26 mars 2024
Rien, donc
Rien, donc
obsessivement rien
(que les images).
Cet air seul qui étouffe le poème
(qui se nourrit d’air et suffoque trop aéré)
Rien que la cendre volatile que dévêt
le vent,
un lai mollement se laisse glisser
en vol
relève le cercle d’argile crue
dévoile plusieurs entrées de galeries.
L’œil limpide qui reposait sur moi.
lundi 25 mars 2024
Me voici à l’abandon
Me voici à l’abandon (il faudra t’y faire, mignonne,
cultive-le comme la vigne
le vin de l’abandon (te rend l’ivresse),
que tu distilles à feu nu, savamment attentive
à maintenir - la main tendue pour rassembler les brandons,
la main qui fait le pont -
le visage rougeoie dans le prolongement
puis disparaît happé par la chaleur,
décollé)
Puis plus rien : foyer tient lieu de cercle obsessif
avide d’air,
et cendre n’a de raison que volatile
alors que je donne prise à ce rien
j’admets la perte
et le feu,
bien sûr
j’admets aussi la mort lente du rat
dans sa galerie traversière sous l’amas
des branches sèches, corps indemne
qu’il me faudra incinérer avec l’âme d’un fagot.
dimanche 24 mars 2024
Cette montagne rouge expose
Cette montagne rouge expose
son cône ardant non comme un insurmontable
un infranchissable
la rutilante résolution des affaires pendantes, non
- définitivement, non -
et puis après tout
observer ce passage des sarments au feu
à la question
observer la disparition ambiguë des choses
comme cet énorme rat brun pris au piège de la combustion
lente, ne pourra pas ressusciter
(ce coudoiement donne chaud, excessivement)
samedi 23 mars 2024
La fumée me hante
La fumée me hante
je suis sa captive
son hypnotisée, sa patiente que les volutes émèchent,
j’ai des visions j’en conviens
ainsi
dans un de ses interstices on voit la braise de l’air
des sarments rougis forment des parenthèses
(où des virgules pausent
ou apposent) dramatisent le dessaisissement
je suis un fantôme âcre
j’abonde en causes perdues
(les sarments cabrent leur définition,
parenthèses arses soudain prises de tremblements)
des plans et des résolutions brasillent
à la surface du monde.
vendredi 22 mars 2024
La fumée enlace le guetteur
La fumée enlace le guetteur
comme les mots
blanche quand il recharge en vert, et opaque
(le souffle troublé par ce courant mortel
mais si beau) âcreté
dont les volutes font tourner la terre,
le ciel et le pré eux-mêmes enlacés
refluent vers la haie.
Je tourne autour du cercle indigné
(cercle qui brave le cercle)
la flamme embrase l’esprit
la fumée l’envenime
elle suit en une ronde létale
(je recule) :
appel d’air qu’elle talonne sans répit.
Elle harcèle l’encéphale suffoqué.
Elle scelle l’oubli (de tout ce qui n’est pas elle).
jeudi 21 mars 2024
Je crains de m’en remettre au feu.
Je crains de m’en remettre au feu.
Foyer où j’entends des appels
où je vois des figures accomplir la résolution
je crains qu’il ne désamorce
- je crains ou j’espère -
ma quête hors de laquelle c’est l’ennui.
Comment a-t-elle pu remplacer l’amour ?
Comment le geste sans fin - chercher pour chercher -
a-t-il pu remplacer la confiance ?
mercredi 20 mars 2024
Faire le pari de la reprise,
Faire le pari de la reprise,
à quoi penses-tu ?
À quoi penser
en guettant le rai dévers qui changera tout ?
Consentante, qu’est-ce que ça change ?
(mais c’est le musequin néanmoins qui partout s’affiche)
Cette légèreté soulève
- faiblesse émouvante - le corps entier.
Vibrisses vibrionnent :
raison de tout mufle qui s’adonne à l’air
(et ce rai comme une écharde
entre dans les chairs)
mardi 19 mars 2024
(Elle qui est présente à tout moment
(Elle qui est présente à tout moment
par les gouffres tenté,
lui qui requiert qu’on lâche prise
et consente.)
L’armoise artémise,
rabattue
va s’étoffer simplement
parce que c’est la vie des simples
et fourmillera à mes yeux, stellaire
toujours nombreuse et
grise
plus significativement légère.
dimanche 17 mars 2024
Ma mémoire amplexicore
Ma mémoire amplexicore
revient
avec ce roux, panser l’absence (mais pas l’amour
jamais atteint)
élaborer le récit de la vie
l’enveloppement par les images
leur intégration au cœur impulsif du désir
- la désolation grandiose et le désarroi magnifique -
impulser
dans l’ampleur des sensations
le Repartir, sans dénier toutefois l’inéluctable faillite,
ni le fatidique, le pesant inaccompli.
samedi 16 mars 2024
Maintenant j’instruis ma perte
Maintenant j’instruis ma perte
je dresse des bilans.
Échaudée, que dis-je, je n’apprends rien,
nulle résolution, l’inventaire général de la situation
est inépuisable, comme la vie,
que ces Heures incoerciblement retournent.
J’attends un chat (un autre encore) à la porte du jardin.
vendredi 15 mars 2024
Si l’arc de ces foulées m’émouvait
Si l’arc de ces foulées m’émouvait,
j’étais comblée par la réponse rapide
l’agile randonnée dans les airs.
L’iris détaché venant de loin dansait.
Des électrons libres
aimantaient ma patience de nyctalope.
Je faisais des calculs à géométrie variables
je scrutais ces élans impétueux
ces révolutions
ces Heures platoniques.
jeudi 14 mars 2024
je parle d’un temps révolu
je parle d’un temps révolu (l’attente
lampe à la main que leurs iris se signalent
aériens
prédécesseurs de leur présence portée.
Avec diligence, mes amours
faisaient de moi dans la nuit une reine aux bras blancs
la nuit d’été alors
je la croyais inaltérable)
un temps de foulées légères
et d’herbes
d’épillets dans les fourrures d’or
d’épis)
mercredi 13 mars 2024
leur iris clair
leur iris clair fleurissait la nuit dilatée
réfléchissant le halo
et le jour comme les onagres ils concentraient
leur vision infléchie
enroulés sur eux-mêmes
(je parle de l’été mémorable où
je les ai attendus tous deux au bord du pré
toutes les nuits
et les voyais accourir à mon signal
mardi 12 mars 2024
(pour l’atout)
(pour l’atout)
leur couleur maîtresse visible partout
revient pour le vaste reverdir,
leur couleur que nous pensions feu
embrasait le printemps comme
maintenant ma pensée embrase la haie
un chat est un feu pensé-je
pour peu que roux
flambe haut
puis leur iris clair ardait la nuit
(que le feu s’éteigne et c’est l’hiver)
lundi 11 mars 2024
car je suis pleine de son image
car je suis pleine de son image
que fidèlement
je cultive, j’entretiens,
je multiplie
lui flambant haut
- enseigne prairiale
(à plusieurs cycles) -
icône chevauchant mémoire d’avril
roux complémentaire
des mais
des juins
des juillets, aoûts,
des mois
des mois
dans le doute
(laissée
pour le compte,
et le mécompte ?)
dimanche 10 mars 2024
Le bourbier de la disparition.
Le bourbier de la disparition.
Le bourbier de l’absence.
D’où sortira herbe
(herbes, vulpins, trèfles blancs, séneçons
oseilles)
d’où
j’entends monter, discrète
sa présence
comme elle s’accorde à mon rêve
samedi 9 mars 2024
Y a-t-il une différence ?
Y a-t-il une différence ?
Cela fait-il une différence ?
La différence est dans l’herbe
quantité discrète
force de poussée innombrable
s’exposant (exponentielle)
au-dessus du bourbier
où piète un merle
(c’est le bourbier de sa disparition)