dimanche 31 mars 2024

À la boîte blanche, vues 311

 

(je désapprends son nom de chiendent rampant

 

(je désapprends son nom de chiendent rampant

trop domestique, trop bon

qui ne dit pas son inclémence)

 

je traque sa mesure, son inflexible assiduité

 

c’est pour mon feu, cet autre fanal

 

samedi 30 mars 2024

À la boîte blanche, vues 310

 

soutien de terre et soutien de rêve

 

soutien de terre et soutien de rêve

et je noue (je renoue) avec le geste

 

je relie le geste et l’action

j’observe le chiendent tisser son territoire

 

mon domaine est sous-tendu comme le sien

d’actions simples,

exactement inverses

 

je remonte ses rhizomes de nœud en nœud : la souche traçante

qui agglutine la terre

conduit aux rudes feuilles


linéaires toujours vertes

(aux ombres mesurées je le trouve

en dur gnomon, en monstre flagellateur,

en tremblement de fanion)

 

le ralliement en est certes facilité

 

vendredi 29 mars 2024

À la boîte blanche, vues 309


 

Chiendent petit rampant

 

Chiendent petit rampant

(ta figure topologique)

comment ton armure est-elle passée

de la terre à mon rêve ?

 

Nouage

(en sous-main) tient

comme les fers le béton d’une terrasse 

 

jeudi 28 mars 2024

À la boîte blanche, vues 308


 

Connecte tes quêtes

 

Connecte tes quêtes (toutes tes quêtes),

force ta vision (je m’ordonne)

une fourche trident à la main pour recentrer la flamme

 

l’œil et le mufle jouent ensemble au bout du champ de mon rêve

juste dans ma paume

 

juste devant moi

 

lequel appellerai-je, lequel attendrai-je dorénavant ?

 

mercredi 27 mars 2024

À la boîte blanche, vues 307


 

À l’échelle de ce rat

 

Était-ce un tertre, une fortification ?

À l’échelle de ce rat, oui, ce bûcher

avait ses pentes, sa face nord et noire

d’humidité, sa casemate et son sommet crénelé,

et pour son intrépide curiosité ses soupiraux.


À mon échelle l’épouvantable amas

des coupes et des tailles, des ratissages

de deux ou trois années de prolifération et de fanes,

de génération et de putréfaction

(les racines si blanches du chiendent en surfilage,


un maillage serré de la surface,

à toute épreuve l’herbe à deux bouts quadrille

le foyer, donne l’échelle de l’histoire

que je fais avec le feu, le chat et le rat,

notre cohabitation vue à l’instant dans l’optique de la veduta,

cette fenêtre qui permit aux voyants de ne pas trop s’approcher du monde,

s’y brûler ?

La fenêtre à partir de laquelle l’histoire pourra être considérée ?)

 

mardi 26 mars 2024

À la boîte blanche, vues 306


 

Rien, donc

 

Rien, donc

obsessivement rien

(que les images).

 

Cet air seul qui étouffe le poème

(qui se nourrit d’air et suffoque trop aéré)

 

Rien que la cendre volatile que dévêt

le vent,

un lai mollement se laisse glisser

en vol

relève le cercle d’argile crue

dévoile plusieurs entrées de galeries.

 

L’œil limpide qui reposait sur moi.

 

lundi 25 mars 2024

À la boîte blanche, vues 305

 


Me voici à l’abandon

 

Me voici à l’abandon (il faudra t’y faire, mignonne,

cultive-le comme la vigne

le vin de l’abandon (te rend l’ivresse),

que tu distilles à feu nu, savamment attentive

à maintenir - la main tendue pour rassembler les brandons,

la main qui fait le pont -

le visage rougeoie dans le prolongement

puis disparaît happé par la chaleur,

décollé)

 

Puis plus rien : foyer tient lieu de cercle obsessif 

avide d’air,

et cendre n’a de raison que volatile

 

alors que je donne prise à ce rien

j’admets la perte

et le feu,

 

bien sûr

 

j’admets aussi la mort lente du rat

dans sa galerie traversière sous l’amas

des branches sèches, corps indemne

qu’il me faudra incinérer avec l’âme d’un fagot.

 

dimanche 24 mars 2024

À la boîte blanche, vues 304


 

Cette montagne rouge expose

 

Cette montagne rouge expose

son cône ardant non comme un insurmontable

un infranchissable

la rutilante résolution des affaires pendantes, non

 

- définitivement, non -

et puis après tout

 

observer ce passage des sarments au feu

à la question

observer la disparition ambiguë des choses

comme cet énorme rat brun pris au piège de la combustion

lente, ne pourra pas ressusciter

(ce coudoiement donne chaud, excessivement)

 

samedi 23 mars 2024

À la boîte blanche, vues 303


 

La fumée me hante

 

La fumée me hante

je suis sa captive

son hypnotisée, sa patiente que les volutes émèchent,

                                                           j’ai des visions j’en conviens

ainsi

dans un de ses interstices on voit la braise de l’air

des sarments rougis forment des parenthèses

(où des virgules pausent

ou apposent) dramatisent le dessaisissement

 

je suis un fantôme âcre

j’abonde en causes perdues

(les sarments cabrent leur définition,

parenthèses arses soudain prises de tremblements)

 

des plans et des résolutions brasillent

à la surface du monde.

 

vendredi 22 mars 2024

À la boîte blanche, vues 302


 

La fumée enlace le guetteur

 

La fumée enlace le guetteur

comme les mots

blanche quand il recharge en vert, et opaque

(le souffle troublé par ce courant mortel

mais si beau) âcreté

dont les volutes font tourner la terre,

 

le ciel et le pré eux-mêmes enlacés

refluent vers la haie.

 

Je tourne autour du cercle indigné

(cercle qui brave le cercle)

 

la flamme embrase l’esprit

la fumée l’envenime

 

elle suit en une ronde létale

(je recule) :

appel d’air qu’elle talonne sans répit.

 

Elle harcèle l’encéphale suffoqué.

 

Elle scelle l’oubli (de tout ce qui n’est pas elle).

 

jeudi 21 mars 2024

À la boîte blanche, vues 301


 

Je crains de m’en remettre au feu.

 

Je crains de m’en remettre au feu.

Foyer où j’entends des appels

où je vois des figures accomplir la résolution

je crains qu’il ne désamorce

- je crains ou j’espère -

ma quête hors de laquelle c’est l’ennui.

 

Comment a-t-elle pu remplacer l’amour ?

Comment le geste sans fin - chercher pour chercher -

a-t-il pu remplacer la confiance ?

 

mercredi 20 mars 2024

À la boîte blanche, vues 300


 

Faire le pari de la reprise,

 

Faire le pari de la reprise,

à quoi penses-tu ?

 

À quoi penser

en guettant le rai dévers qui changera tout ?

 

Consentante, qu’est-ce que ça change ?

(mais c’est le musequin néanmoins qui partout s’affiche)

 

Cette légèreté soulève

- faiblesse émouvante - le corps entier.

Vibrisses vibrionnent :

raison de tout mufle qui s’adonne à l’air

 

(et ce rai comme une écharde

entre dans les chairs)

 

mardi 19 mars 2024

À la boîte blanche, vues 299


 

(Elle qui est présente à tout moment

 

(Elle qui est présente à tout moment

par les gouffres tenté,

lui qui requiert qu’on lâche prise

et consente.)


L’armoise artémise,

rabattue

va s’étoffer simplement

parce que c’est la vie des simples

 

et fourmillera à mes yeux, stellaire

toujours nombreuse et

grise

plus significativement légère.

 

dimanche 17 mars 2024

À la boîte blanche, vues 298


 

Ma mémoire amplexicore

 

Ma mémoire amplexicore

revient

avec ce roux, panser l’absence (mais pas l’amour

jamais atteint)

 

élaborer le récit de la vie

l’enveloppement par les images

leur intégration au cœur impulsif du désir

- la désolation grandiose et le désarroi magnifique -

 

impulser

dans l’ampleur des sensations

le Repartir, sans dénier toutefois l’inéluctable faillite,

ni le fatidique, le pesant inaccompli.

 

samedi 16 mars 2024

À la boîte blanche, vues 297


 

Maintenant j’instruis ma perte

 

Maintenant j’instruis ma perte

je dresse des bilans.

Échaudée, que dis-je, je n’apprends rien,

nulle résolution, l’inventaire général de la situation

est inépuisable, comme la vie,

que ces Heures incoerciblement retournent.

J’attends un chat (un autre encore) à la porte du jardin.

 

vendredi 15 mars 2024

À la boîte blanche, vues 296


 

Si l’arc de ces foulées m’émouvait

 

Si l’arc de ces foulées m’émouvait,

j’étais comblée par la réponse rapide

l’agile randonnée dans les airs. 

L’iris détaché venant de loin dansait.

 

Des électrons libres

aimantaient ma patience de nyctalope.

Je faisais des calculs à géométrie variables

je scrutais ces élans impétueux

ces révolutions

ces Heures platoniques.

 

jeudi 14 mars 2024

À la boîte blanche, vues 295


 

je parle d’un temps révolu

 

je parle d’un temps révolu (l’attente

lampe à la main que leurs iris se signalent

aériens

prédécesseurs de leur présence portée.

Avec diligence, mes amours

faisaient de moi dans la nuit une reine aux bras blancs

la nuit d’été alors

je la croyais inaltérable)

 

un temps de foulées légères

et d’herbes

d’épillets dans les fourrures d’or

d’épis)

 

mercredi 13 mars 2024

À la boîte blanche, vues 294


 

leur iris clair

 

leur iris clair fleurissait la nuit dilatée

réfléchissant le halo

et le jour comme les onagres ils concentraient

leur vision infléchie

 

enroulés sur eux-mêmes

 

(je parle de l’été mémorable où

je les ai attendus tous deux au bord du pré

toutes les nuits

et les voyais accourir à mon signal

 

mardi 12 mars 2024

À la boîte blanche, vues 293


 

(pour l’atout)

 

(pour l’atout)

leur couleur maîtresse visible partout

revient pour le vaste reverdir,

 

leur couleur que nous pensions feu

embrasait le printemps comme

maintenant ma pensée embrase la haie

un chat est un feu pensé-je

pour peu que roux

flambe haut

puis leur iris clair ardait la nuit

 

(que le feu s’éteigne et c’est l’hiver)

 

lundi 11 mars 2024

À la boîte blanche, vues 292


 

car je suis pleine de son image

 

car je suis pleine de son image

que fidèlement

je cultive, j’entretiens,

je multiplie

 

lui flambant haut

- enseigne prairiale

(à plusieurs cycles) -

icône chevauchant mémoire d’avril

roux complémentaire

des mais

des juins

des juillets, aoûts,

des mois

des mois

 

dans le doute

(laissée

pour le compte,

et le mécompte ?)

 

dimanche 10 mars 2024

À la boîte blanche, vues 291


 

Le bourbier de la disparition.

 

Le bourbier de la disparition.

Le bourbier de l’absence.

 

D’où sortira herbe

(herbes, vulpins, trèfles blancs, séneçons

oseilles)

d’où

j’entends monter, discrète

sa présence

 

comme elle s’accorde à mon rêve

 

samedi 9 mars 2024

À la boîte blanche, vues 290


 

Y a-t-il une différence ?

 

Y a-t-il une différence ?

Cela fait-il une différence ?

 

La différence est dans l’herbe

quantité discrète

force de poussée innombrable

 

s’exposant (exponentielle)

au-dessus du bourbier

où piète un merle

 

(c’est le bourbier de sa disparition)