mercredi 22 mars 2023

Déclinaisons 2


 

Des portières claquent.

Des portières claquent. Autant de place
- dans l’arbre - pour la délicate
- grâce et prime-saut en prime -
affluence de mésanges
en affaire éparse et sonore avec lui, et avec acuité.

mardi 21 mars 2023

Déclinaisons


 

Tout ce tapage

Tout ce tapage d’oiseaux à l’aube
- à l’aube d’une nouvelle ère,
jouons des errements : des volets grincent -
désert (et vain ?) tertre venteux
où s’étoilent leurs vols cométaires.

vendredi 17 mars 2023

À fragmentation 727


 

Dans l’obscurité

Dans l’obscurité - c’est à tâtons qu’on s’en vient -
on se souvient des points obscurs, on devance l’objet mobilier,
le mur,
l’ombre de l’ombre perceptible au fond
- ou bien son souffle, l’infime déplacement d’air -.
Écoute le tremblement de la raison,
totalement instable dans ce substrat meuble,
- écoute, c’est par pure prévoyance -.

jeudi 16 mars 2023

À fragmentation 726


 

Au cœur de l’anticlinal

Au cœur de l’anticlinal les faits les plus anciens
puis en plis déversés jusqu’à nous
comme une succession de vagues solides,
le paysage recouvre la conscience oculaire
la volonté d’ordonner les plans.
La chambre tangue avec les corps.

mercredi 15 mars 2023

À fragmentation 725


 

Insolés cœurs de primevères

Insolés cœurs de primevères clignent,
ou rumeur de pillage près des buissons
(ici c’est l’œil qui s’envole avec un jet d’oiseaux
disjonctifs, entre dans le champ du soleil,
retombe en masse
mais rien ne se rompt : je fais le pont,
note les cumuls, déclinaisons légères et inflexions).
 
L’air pensif - sans savoir si tout ceci peut se prévaloir
d’un sens, oui ou non, oui ? - j’étudie l’aberrance,
l’outrage dans le foisonnement continu.
Mais rien n’est irréparable à l’échelle de la permanence
 
rien qui ne finisse homogénéisé
en strate ou plié dans la mémoire sédimentaire
et paré de clartés locales
non, rien n’échappe à la redondance
(voilà : ce n’est pas un pas de danse,
mais combien, ô combien !
remous de matières et de lumières)
et aux mots.

mardi 14 mars 2023

À fragmentation 724


 

Car c’est le pont qui bouge

Car c’est le pont qui bouge, on s’en aperçoit,
et la forêt avance vers nous,
et le verger danse.
La pluie fine fait bouger les lignes.
La brise légère soumet l’œil trop prompt, 
Proche et lointain se pénètrent, vois
le fer croiser l’argile des mottes.

lundi 13 mars 2023

À fragmentation 723


 

L’ombre qu’on empruntait étant petits

L’ombre qu’on empruntait étant petits,
l’ombre aussi pouvait faire un pont honorable.
Marcher sur ce fil ténu jusqu’à toi
c’était le début d’une histoire
dans laquelle j’étais nouvelle recrue
presque sans peur. Entre nous,
un intervalle irrespirable
qu’il nous fallait épuiser.

Et nous l’épuisions
dans le lit promis
de quelle eau agités ?
Des linéaments de vie,
d’œuvre, des gestes.
Amants sur le pont d’amour
flottant exposé au remous.

dimanche 12 mars 2023

À fragmentation 722


 

C’est le gars qui brave le fil de l’épée

C’est le gars qui brave le fil de l’épée
et l’eau furieuse en dessous - c’est Lancelot -
pour libérer son amour ?
L’amour guérit ses plaies.
C’est lui.
 
Voilà le pont qui soutient le paysage,
qui soutient la phrase affilée qui
lui permet de reconquérir son amour.
La fidélité est dans la quête.
Traversa-t-il ou en pensée visualisait-il le filin
de leur salut, à tous deux,
et des plaies déjà anciennes ?
 
Notre parole, une frange
effilée autant
qu’affilée
continue d’une rive à l’autre
où nous attendent d’autres illusions.
Comme un pont (l’effigie seulement)
au-dessus de la tourmente.

samedi 11 mars 2023

À fragmentation 721


 

Mais on suit le fil de la phrase

Mais on suit le fil de la phrase,
on file la métaphore.
Observe cette filature - on opère la torsion nécessaire pour allonger le fleuret,
cette bourre (la schappe) qui devient soierie.
Une aune de fleuret fera le pont
 
nous conduira hors de nous-même (le labyrinthe).

vendredi 10 mars 2023

À fragmentation 720


 

Relater la forêt

Relater la forêt : fonçage d’abord nécessaire puis boisage
(comme à la mine).
Soutènement marchant s’il le faut.
Décompter les laies. Traverses et travers-bancs.
Très vite nous quittons le jour de surface.
Jamais nous ne sommes assurés du retour.

jeudi 9 mars 2023

À fragmentation 719

 


Je pensais que cette forêt

Je pensais que cette forêt est à la fois comme les rives que relie le pont et ce pont,
une phrase dans laquelle on s’engage nous transporte aussi loin à travers elle,
nous mène au cœur du temps continu et muet,
pourtant lié au temps bref de nos vies éminemment littérales.
Tous les langages s’y enchevêtrent et s’étayent jusqu’à former
l’espace combre suffisant pour interdire le passage,
l’autoriser ou le protéger.

lundi 6 mars 2023

À fragmentation 718


 

Précisément

Précisément, le pont de l’expérience enjambe le temps
et lie les réalités. Pas besoin de boire l’eau des deux sources,
l’eau de l’Oubli, puis l’eau de Mémoire ; ni de descendre dans le Gouffre.
Le pont te change, la parole te compose,
une image à chacun de tes pas personnifie les sons.
Chaque pierre de l’édifice résonne de tous les êtres passés là.
 
À la façon dont - vaine, folle audace - parfois certain s’enfonçant dans le passage (la phrase)
y perd la capacité de rire et l’insouciance
- c’est la connaissance dit-il - on redouterait de jouer,
de jouir de l’inconnu et du connu. Babiller, flûter comme le vent
entre les fûts ou la lumière à travers le taillis. Le mur pâle de la première
maison, le verger attenant…
 
Ce pont est si propre à l’instant, on dirait personnel, qu’il fait un avec le passant.
(Un espace outré, extension de sa présence. La seconde est là non mesurée,
impondérable.) Pure appréhension animale (mais la bête est tenue à sa plus modique modalité)
lorsque nous passons.
 
Terrifiante (démultipliée) est cette présence.
Si bien qu’à chaque passage on peut demander : quel pont ? 
et qui va là ?

samedi 4 mars 2023

À fragmentation 717


 

« Pour faire le pont »

« Pour faire le pont » : le vieux refrain qui de lui-même ne dira rien ?
Entre toi et moi, un pont.
Passer signifie changer le pont, unique à chaque passage,
ou immuable, emprunter la voie déjà dite,
fidèle à l’histoire ?

vendredi 3 mars 2023

À fragmentation 716


 

Pas besoin d’être futé

Pas besoin d’être futé, gnangnan non, pour entrer là.
Ce n’est pas parce qu’on n’en voit pas le sens qu’il n’y est pas, aussi certain qu’on est là.
Confus, obscur ? Efforce-toi.
L’enlierrement avancé des troncs, l’enchevêtrement haut des têtes,
poutrage de fortune juste assez pour tolérer le tors
(au sol les ronciers et cornouillers encombrés de branchages)
à petits pas disputés, tâtonnés,
qui font craquer des souches dont on cherche l’assise,
et l’eau,
encore qu’on voie bien les glands de l’an passé.
 
Qui sait depuis combien de temps. Qui sait quoi.
Suivons l’essaim pour voir.
 
La vérité ? L’esprit tardif on est comme ce rejet
instable et grêle
poussant ses racines autonomes dans ce cratère désastreux.
(Attention autonome ne signifie pas adventice.)

Et cette fraîcheur nous sied.

jeudi 2 mars 2023

À fragmentation 715


 

On y est

On y est, aussi déjetés que ces hêtres et ces chênes,
propulsés dans un fourmillement fermentaire.
L’esprit torse s’acharne à vivre quand même, en sa mémémoire
qui vacille et flamboie.
Où sont la pure pureté ou la douce élégie ? Où sont les clairières ?
D’aucune garantie celles-ci.
 
Au premier regard animal elle vient à nous.
La forêt comme le langage permet de vivre caché : parle, pontifie
pour dérober l’essence ! Ou pour faire le pont ?
Enjambe le tronc de parole, suis la diffraction de silence comme lumière,
survole le taillis sous la futaie où malgré tout
(à fragmentation) s’élabore un bois,
et c’est le bois de l’histoire.

mercredi 1 mars 2023

À fragmentation 714


 

Ce geste de la main

Ce geste de la main devant mon visage
comme on le fait aux yeux des morts
mais devant la bouche,
que signifie-t-il ?
Tais-toi, sûrement, ou bien retiens pour nous l’émotif 
qui confine à l’analphabète, c'est-à-dire à la bête ?

mardi 28 février 2023

À fragmentation 713


 

Forêt, qu’est-ce que tu nous veux ?

Forêt, qu’est-ce que tu nous veux ? 
Ta réserve nous convie.
Fertile obscurité ta réserve est une garantie contre la tentation de pureté :
croisements spontanés,
promiscuité, désordre, anabolisme.
J’entre dans ce bourbier grouillant de vie, de cris, de jets et rejets.
Dans un mouvement ascendant elle souvient, en mémoire qui va de l’avant.
 
On ne voit rien.
Mais aujourd’hui entre elle et nous des branchages amoncelés oblitèrent le talus.
On éclaircit.
On expurge, on squelettique on cataclysme.
Mais d’autant pourraient s’éclaircir nos yeux,
elle se dérobe derrière son sédiment.

lundi 27 février 2023

À fragmentation 712


 

Humilité/intimité.

Humilité/intimité. Reprends à boire,
reprends de cet air sec
- cul sec -
viens abreuver ta soif de déraisons
de
- le non-sens c’est l’intention
non l’insensé désir
qui est sans objet
et d’une force imparable -
 
Ah ! dirons-nous, l’intention délibérée !
(Elle, toujours elle)
Qui veut faire un beau poème le fait, c’est tout !
(Moi, je préfère croquer une pomme).
D’une force impérative il perturbe le bel équilibre,
te fait marcher. Marche !
Suis ta seule logique !
(Celle de ton transport.)
Un seul pas suffit ! 
(Sois tout à fait sans ambition.)

dimanche 26 février 2023

À fragmentation 711


 

En entendant "rien n’est établi"

En entendant rien n’est établi et
ne deviens rien je repensais à cet instant.
En pleine nuit sur la route glaciale,
face à l’armure trop nette de la forêt
et invoquant toutes sortes de bêtes
- et plus houleuse humilité -
c’est là qu’on s’étendrait pour n’en plus bouger.

samedi 25 février 2023

À fragmentation 710


 

Mots gelés

Mots gelés dans l’ornière
nos semelles dissonantes les réveillent.
Au bord de la déroute l’écœurement tient chaud.
Tiens nos râles pour notre musique.

vendredi 24 février 2023

À fragmentation 709


 

On s’attend à des brocards

On s’attend à des brocards, une harde
rapide traverserait en trois bonds, ou
je ne sais pas quoi de sauvage, imprévu,
fulgurant.
Plus sombre que la nuit. Croupes 
où les miroirs comme une attraction hypnotique
nous pétrifient.
Mais non, l’obstacle dans la nuit c’est nous,
nos soubresauts de saoulards.

jeudi 23 février 2023

À fragmentation 708


 

Arrêter l’auto.

Arrêter l’auto. Debout sur l’accotement
humer l’air incolore.
Herbe plus claire encore,
et cassante sous le pas, elle crépite. Bois noirs
et bosquets déboutés, champs figés jusqu’à la barre.
Oublier la soif. Se sentir des privautés soudain,
avec cette compression hiémale.
 
Tout ce qu’il y a au ventre. Au cœur de.
Il y va de cette platitude. Une réserve certaine,
un moutonnement restrictif
mais une vitalité d’accumulation.
On souhaiterait même la débâcle (plus sûrement
la rupture des embâcles).

mercredi 22 février 2023

À fragmentation 707


 

Prétexte, prétexte.

Prétexte, prétexte. Lenteur du réveil,
l’air est sec, durci par la nuit très claire.
La faune s’émancipe furtivement,
imprudemment dans les phares.
Il faut guetter les bermes et les talus.
Des émissaires muets, pensé-je, ou messagers,
dépêchés pour endosser la vie.
 
Vite dérobés, à parcourir, vivre, reproduire,
c'est-à-dire pour l’espèce. Et nous alors ?

mardi 21 février 2023

À fragmentation 706


 

Ainsi commence la remontée probatoire

Ainsi commence la remontée probatoire :
avec les arbres.
Reprends la couleur où elle vient - à l’extrémité
des branches comme si elle perçait,
perçait la trompeuse fluidité de l’air.
C’est ainsi que tout repart,
dans un mouvement d’abord imperceptible, inexpert,

de formes dissoutes en elles-mêmes, soudain timidement à l’essor.

lundi 20 février 2023

À fragmentation 705


 

Il y a bien peu de raison

Il y a bien peu de raison. Nous radotons en fait,
nous ratiocinons et ronronnons, mieux vaut-il le savoir
et noter en passant la vision lénifiante d’arbres noirs de part et d’autre de la route,
touts à leur poussée,
l’intensité liminaire de leurs racines rougit déjà les faîtes
ainsi que dans nos phares l’œillade vigilante 
d’une laie.

dimanche 19 février 2023

À fragmentation 704


 

Ici le ferment de vie

Ici le ferment de vie
est le ferment d’amour,
et celui du témoignage. Ici
(et non ailleurs) quelque part au cœur de
- et entre - l’action et la contemplation.
Je suis déjà la nuit (je te cherche en moi
dans la profondeur du langage). Action.
 
Je réponds à l’appel de l’herbe - ce serait
presque un rêve de noyée (un rêve de fleur) - ce serait
l’allitération, n’est ce pas, minimale
pour invoquer l’esprit sobre, ton esprit de bête
éprise du brin le plus grêle, de la gemme
disséminée dans la poussière,
de la lumière sèche à la crête des murets.

samedi 18 février 2023

À fragmentation 703


 

Ta présence couvre la distance

Ta présence couvre la distance entre le motif
et le motif.
Entre le prétexte et le sujet.
Au cœur est le foyer, central point chaud, milieu
de cet espace isotrope.
Avec ton insigne en étendard
je remonte la pente douce de ce que nous appelions : Enfers.

vendredi 17 février 2023

À fragmentation 702


 

comme sa présence

comme sa présence dans l’intimité
du foyer qu’elle reconstitue,
une présence focale, où convergent
nos images, où elles s’alimentent.
Ainsi nos vues auront agencé un espace
acceptable
au lieu froid de l’intolérable.

jeudi 16 février 2023

À fragmentation 701


 

Je te voue les moments de mon imagination

Je te voue les moments de mon imagination
te ressuscite au gré de mes images,
ainsi j’apprends à faire avec ton signe.
La mèche que tu portes, chatte céphalophore,
dans ma hâte je la brandis haut devant
(bien trop pugnace)
comme une bannière flottante.
 
De ton sceau (tu viens aussi en porteuse d’eau abonder mon moulin
tu viens avec l’eau pour le feu au lieu que tu animas
tout comme la salamandre),
je revendique ton être - fugitive, que faire d’autre ? -
je cherche ton accomplissement dans un objet
qui innerve le langage et
me rend ta mort familière

mardi 14 février 2023

À fragmentation 700


 

On allume les lampes

On allume les lampes - et aussitôt tu passes
dedans, le fauteuil éculé que tu n’occupes plus
me sert de socle, je m’appuie sur un rien pour te
trouver en moi, j’invoque l’image (ès qualités) de toi - personne -
par laquelle j’aspire à protéger tes prérogatives,
mais rien n’y fait, évidemment.
Il faudra me prémunir.

lundi 13 février 2023

À fragmentation 699


 

Comme un goudron

Comme un goudron fige,
la vision m’englue, noir où je te peux trouver
où te voir me conforte
(je lutterai pour te voir encore)
j’accepte celle qui te porte,
l’image alourdie de toi.
Je te - désormais - te veux prendre en charge.

dimanche 12 février 2023

À fragmentation 698


 

Tu impressionnes mon paysage

Tu impressionnes mon paysage, tu me
sur impressionnes,
en noces étranges - étranglées -
(par exemple lorsque je vois la rangée
de bouleaux argentés, tu es là
ès branches et broutilles - allongements,
étirements effilés
 
lascifs dans la lumière de janvier
par exemple
lorsque j’embrasse l’ensemble),
à la sorgue il n’y a plus que toi
ta robe écaille de tortue foncée
et ta flamme rousse, sur le vitrage glacé
où s’aggrave la nuit.