samedi 30 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 220


 

et voici le bouquet

 

et voici le bouquet, ta version vétérante sûrement

du nom d’Achille invulnérable, herbe aux militaires,

poignait dans la nuit précisément

au lieu de mon point sensible

mais de tes rayons courts - subtile efficacité -

inversant ma pensée

qui défère à ta simple beauté.

 

vendredi 29 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 219


 

pauvre héritage !

 

pauvre héritage !

Pourtant je suis riche

de cette symbiose, de tous les bons procédés

dont nous échangeons les termes :

je nomme et tu prends soin

comme je te convie en bouquet bien réel de mes touchers intuitifs, achillée,

 

jeudi 28 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 218


 

celle précisément

 

celle précisément

où sont ses rhizomes traçants

mon savoir erroné quand vient la nuit

les suit

voici nos deux mondes erratiques, errants

et mal nommés

erronément là plutôt qu’ailleurs - quoique sans pourquoi -

résolutions-schèmes aberrants

mais solidairement.

 

Voici la fleur

gracile

 

mercredi 27 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 217


 

Ses vestiges hautement festonnent

 

Ses vestiges hautement festonnent

verts et blancs sacrilèges

encore vifs sous le grésil

lacrymogène

                      mais la vie n’a pas de saison

ni le passé de lieu

en dehors du champ mental

 

ses capitules en l’occurrence

propices à mon salut font une voie

 

mardi 26 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 216


 

Légers légers

 

Légers légers

blancs capitules

d’un récent prairial 

 

achillée

tient tête

à nuit légifère

 

sa vétérance étonne

et jalonne la retraite


éclaire la recognition :

là encore

contact direct avec le passé en son lieu*.

Elle remémore doucement 

en éclairant le chemin à rebours de la nuit.

 

*Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, 1945, p. 473

 

dimanche 24 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 214


 

J’écoute les bruits.

 

J’écoute les bruits.

Goutte à goutte dans les feuilles, feuille

à feuille mollement la nuit amortie

sombre

plus avant dans l’herbe mouillée

et désamorce tout dialogue. 

 

Et sombre en elle-même, nuit de la nuit-des-temps déjà

reverse son son - non comptable innombrable goutte à goutte - au

mystère de la pérennité du monde*

où pleut l’eau sans âge aussi

 

et je ne parle pas d’indifférence, non,

mais de pluie, de vents, de nuages, d’amour et de mort :

questions de tous temps posées à tous, de la même unique façon.

Questions de fleur, de croissance,

parole, ce puissant outil à tout faire dont l’usage est si dur,

le lourd levier à manier

pour forger la nuance dans l’esprit chauffé à blanc, sur la page chauffée à blanc**.

 

*Eschyle, Prométhée enchaîné

**Francis Ponge, « Le lézard », in Pièces, in Le Grand Recueil : I. "Méthodes", 1961 ; II. "Lyres", 1961 ; III. "Pièces", 1961

Page par un violent désir d’observation à y inscrire éclairée et chauffée à blanc

 

samedi 23 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 213


 

Puis la nuit

 

Puis la nuit

portant l’espace - portant le temps -

 

on ne sait pas où se situer ni quand

mon pied soudain moins chevillé à la terre

 

moi dans mes vêtements saisie par le froid

et son transi

dans le même indéfini.

 

Les oiseaux de ma bouche apaisés

quand je racle ma gorge, s’ébrouent.

 

Rangée d’épines luisante de pluie, de fusains

grelottant

(un lot de compensation linéaire)

(rouge arille pendulant aléatoirement)

 

et cornouillers discutés

s’étalant par le bas s’étayant,

cytise évasif,

coudrier - l’entreprenant - érigé.

 

vendredi 22 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 212


 

Violette reprend tutélaire

 

Violette reprend tutélaire

sa marche noueuse

vaguement brève (se sachant)

(vaguement fleur)

ou manque d’aile

 

On ne quitte pas la réalité : le manque.

On ne quitte pas le manque.

 

jeudi 21 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 211


 

J’appelle.

 

J’appelle.

La voix me revient

faisant ruisseler les oiseaux de la haie.

Puis la tonnelle envolée

revient elle aussi s’arrimer sous les yeux.

 

En gloriette, en dais, en haie

d’honneur, en rumeur solennelle, ru,

humeur liquide et providentielle.

 

mercredi 20 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 210


 

Mais elle, elle le tient par la racine

 

Mais elle, elle le tient par la racine (je pense)

 

Sors-le pour moi de son humilité !

Cordée encordée

Tire tire sur la corde, en core !

 

Son éperon (ce caillou ardu à gravir, dans ma chaussure) à mon pied

ergote

tergiverse, acerbe, assez ! (c’est qu’il n’y a plus de saison)

(cependant elle endure la nuit

va plutôt décroître)

 

Appelle plutôt Perséphone !

 

mardi 19 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 209


 

mais non à la coul eur

 

mais non à la coul eur - pourquoi fait-elle ça ? -

(pour le tourment et l’algie pour l’anesthésie pour le bourbier ?)

Viola odorata taiseuse honore le temps violent,

             (belle petite ver tueuse)

  le vent étoi lant ses ver

                                        tes cordées ramp

                                                                    antes ma nuit houleuse

 

cours fangeuse !

Salue pour moi et révère

mon amour !

 

(qui hante mes nuits à la fin des temps

s’ouvre sans voix

et s’en retourne.)

 

lundi 18 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 208


 

Encore plus ténue la violette

 

Encore plus ténue la violette

- l’unique, éperdue -

éperdument violette bien que chaotique, et si chétive

- l’éperon incarné se sait connivent, flanqué dans les réniformes

atours disloqués, stolons épars -

elle surnage

 

ébrouée à peine issue des glèbes qui l’ont coulée

(parce que ce fut - totalement - pertes et fracas)

 

sa fleur solitaire se dérobe à la forme,

mais non à la couleur

 

dimanche 17 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 207


 

Le voici ce pur espace

 

Le voici ce pur espace où sans fin

s’ouvrent et se fanent les fleurs, sans fin

vont et viennent les bêtes - Misu, il était

l’une d’elles - et sans dommage et sans âge pressenti

(c'est-à-dire sans défection, mais ne serait-ce pas plutôt le temps ?)

sont.

 

Lui n’a rien vu de cela, comme il n’a pas vu la voiture.

Simplement il allait et venait. Il revenait vers la maison.

 

Et nous : spectateurs, toujours, partout,

Tournés vers tout cela et jamais au-delà !

En sommes submergés. L’agençons. Sa ruine survient.

L’agençons de nouveau et périclitons nous-mêmes.*

 

*Rainer Maria Rilke, « Huitième élégie de Duino », traduite par Jean-Pierre Lefebvre et Maurice Regnaut

 

samedi 16 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 206


 

Mais moi je détiens mon amour

 

Mais moi je détiens mon amour - chaud -

à une profondeur où les images

non seulement prennent mais se maintiennent.

Contraint par l’absence et magnifié par l’absence.

 

Je consens à l’obsidionale image qui tient lieu de sujet,

reprends de cette la ferveur qui incendie la page.

 

Page - ce désir - que le trèfle enlumine

par un violet présent en marge de mes vœux 

(l’obole est apaisante et dépurative),

peut-on vraiment parler palingénésie ?

 

vendredi 15 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 205


 

On voit venir le crépuscule

 

On voit venir le crépuscule de l’année

ses Saturnales et leur magnificence

- fêtes et munificence, plus exactement -

pendant lesquelles la paix règne dit-on

et la communication avec les morts est établie.

 

Je prends aux mots.

Je prends date.

 

jeudi 14 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 204


 

se faufilant

 

se faufilant - sa science du pré lui fait connaître raison

mieux vaut bâtir discrètement

que pas - pas à pas

soustrait aux rafales. Et les folioles,

sans un faux pas leur elliptique modestie

les fait tenir encore dans ce désastre

 

trois paumes conjuguées auxquelles il ne manque pourtant rien

entre la stipule et le globule

 

je les chéris pour la leçon d’excentricité

et la constance des distances focales

 

je les chéris de me divertir,

 

j’accepte le violet présent

(moins nectarifère qu’à mon enfance

- mais j’étais insouciante alors -

disons : présent un peu acerbe)

 

Rien n’est gravé sur ces pierres.

Entends ceci :

que c’est le dernier trèfle

qui fleurit la parole consentie

 

(à peine parole, dit-il) un goût

proche de la parole des mondes, tenant du monde.

 

(je pense : à lui aussi, sa douceur était une tempête.

Le trèfle maintenant le ravit, ténu entre les herbes exténuées.)

 

mercredi 13 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 203


 

Le trèfle lui

 

Le trèfle lui contre le vent

amenuise sa pensée ternaire

au ras de l’herbier moins assujetti

fatalement moins fleur aussi - mais quand même -

relief d’un âge florissant

auquel seul il survit

 

mardi 12 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 202


 

J’en suis l’asymptote

 

J’en suis l’asymptote (de la raison) - sans la toucher -

pensive (et poussive)

mon esprit indécent perçoit

ce que le corps sens (a senti)

 

sympathie, encore sympathie !

J’entretiens et je ressasse une question chaude (fermentative)

profonde (impénétrable)

la réfléchis irrésolue dans le plan du poème

qui seul la comprend (la lysant)

 

espérant de cette dissolution qu’elle rénove la vision

 

lundi 11 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 201


 

Cultive donc les pierres !

 

Cultive donc les pierres !

Cultive la mémoire à l’emplacement des fleurs,

attends-toi à te voir repartir.

Attends ! N’attends pas !

Retourne à la fleur !

 

Je retourne au chat, sa version

                                                  toute aussi souterraine que                 - là, l’hypocentre -

la source                                               - à l’endroit du concours de failles -

 

ou la racine qui s’étend.

 

Qui sait ce qu’un obituaire ardent trouvera de raison 

et ce qui en ressortira ?

 

dimanche 10 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 200


 

Que faire ?

 

Que faire ? Accepter la déficience 

ou habiter la prolongation

(de la sensation)

?

Ai-je besoin de recette pour le renoncement ?

Non !

Ai-je besoin ? Non !

 

Je l’entends (je vois les pierres, blanches sur l’amas noueux)

conjurer la ruine, abjurer la décence.

 

samedi 9 décembre 2023

À la boîte blanche, vues 199


 

Il n’est plus là,

 

Il n’est plus là,

mais je le suis, moi !

Que faire de sa chair souvenue

(à la fois présence massive

épaisseur vécue

et absence

- sous mes doigts

horriblement amputés -) ?

 

Toute ma sympathie nerveuse est à l’œuvre

- non pour faire le mort avec lui,

non pour le ressusciter, opération impossible -

mais pour recouvrer ma sensibilité digitale

et mon toucher.

 

Impuissante, et face au retrait hivernal,

je forme l’amalgame le plus délirant :

me prends à penser qu’il est en charge, ressource souterraine,

réservée dans un organe spécialisé, comme les vivaces,

l’est-il ?