mardi 30 juin 2020

Reprendre ( 2016 ) - 46






D'un peu de temps 52


Majestueuse humilité.


Majestueuse humilité.
Mais la principale question
il semble l’avoir avalée ou même ravalée.

Le cou ne rompt pas, non plus
à regarder ainsi noué
- siphon sur ses pattes cassantes
et l’éventail de ses ailes escamoté -
l’eau ainsi qu’un dérivatif
à l’endroit où la branche caduque renoue
avec elle - sa tempérance et son acuité -

lundi 29 juin 2020

Reprendre ( 2016 ) - 45


D'un peu de temps 51


On dirait un héron


On dirait un héron
( mais nous n’en dirons rien )

À demeure en contrebas du chemin
où son humilité l’astreint
droit et rond comme un point d’interrogation.
C’est qu’il n’y a pas de témoin innocent.

la poésie est conscience de son bon droit

dimanche 28 juin 2020

Reprendre ( 2016 ) - 44





D'un peu de temps 50


Constance du temps


Constance du temps : l’été revient
mais rien ne revient.
Dans mes articulations dévergondées
éprouvées tout à l’heure quand
nous jouions dans les graviers
sont des cartilages dont j’attends
dans la sphère subjonctive le lien
- l’élasticité de mes genoux, disons la résilience -

samedi 27 juin 2020

Reprendre ( 2016 ) - 43





D'un peu de temps 49


Lignes ondées


Lignes ondées alors qu’un feu roule
sur l’horizon rapproché. Le tonnerre
ne peut être plus près, son répercuté
dans la nervure longitudinale de chaque
pétale flammé des fleurs d’hémérocalle.
Des gorges ignées jusqu’à leur cœur l’œil
découle sur les cailloux de l’allée. Là où
l’œil pierreux éclate s’est incliné un arc

là, j’attendais que fulminent

les éclats de calcaire lavés

vendredi 26 juin 2020

Reprendre ( 2016 ) - 42



D'un peu de temps 48


" Mais aux rudes lois de l'air, de l'eau, du sol..."


Mais aux rudes lois de l’air, de l’eau, du sol cherchant critère incorruptible pour mon âme profonde   
Walt Whitman, Leaves of Grass, Feuilles d’herbe, Chanson des joies, traduit de l’américain par Jacques Darras

Critère incorruptible
pour vivre, mon esprit profond
- cette perplexité qui entrave l’œil parfois -
mais cherchant là - où est l’âpre réalité -
la source de tous les motifs.
L’onde contractile spontanée conduit l’excitation initiale
faisant d’un alignement d’hémérocalles
- une allée bordée sous le vent -
un champ électrique hâtif 
qui modifie les propriétés locales de l’espace.

jeudi 25 juin 2020

Reprendre ( 2016 ) - 41





D'un peu de temps 47


"Sous l’aliment de vos pluies"


Sous l’aliment de vos pluies*. 
l’alignement des têtes toutes inclinées dans l’allée
déployée sous des gorges lessivées
où coule la flamme abricot. Nodale excitabilité
des tissus, l’épée de ma vue dans l’eau de vos
muscles plonge, entraînant l’onde de ces troubles
déplacements, des langues de foudre agitent
de vagues consécutions d’hémérocalles


 *Walt Whitman, Leaves of Grass, Feuilles d’herbe, En soi seul ce sont feuilles et racines,
traduction de Jacques Darras

mercredi 24 juin 2020

Reprendre ( 2016 ) - 40







D'un peu de temps 46


Lignées - Sur les rails


Sur les rails stationnent les longs convois
de wagons-couverts, tombereaux et wagon-trémie
en fer rouge-sang enfouis dans les buddleias.
Il y a des gravois sous les ponts meurtris
et là une chaise trône comme un belvédère
au-dessus des décombres. À Pantin, le millepertuis
perforé reprend ses droits entre les profilés d'acier laminé
Double champignon et les traverses quadrillent 
le chemin de roulement inusité.

Pourtant le périple commence là. L'âne en moi
regarde toujours plus vite défiler le rail rouge que
le regard polit, je tiens sans effort les rênes tendues,
je suis pour voir dans un glissement poli
fascinée par ces files écartelées et ininterrompues,
- bordée d’orgies foncières aux rampes et aux talus -.


Puis on dépasse Chaumont, la pluie surpique la toile d’eau du canal
que coupent à intervalles réguliers les écluses, bleu
électrique, les millepertuis - myriades en margelles -
éclipses épileptiques à l'œil ravi, puis tout doucement la flouve penchée,
puis de nouveau plus vite le filon jaune entrecoupé de bleu.

mardi 23 juin 2020

Reprendre ( 2016 ) - 39




d'un peu de temps 45


Lignées


8 juin 2019

Coquille formée par une main humaine. Je lis une voix humaine.
( Jean Arp, 1935 )
Qu’un enfant seul devisant haut dise si c’est une vraie dent
- Est-ce une vraie dent, dis ? Dévoration de l’instant. Voix
préhistorique de l’instant présent.
Commotion et dent pour dent.
Comme un écho.
Le Souffle en terre cuite de Giuseppe Penone Soffio 6
qui est exposé plus bas je le sais
a pris forme de palais. Figure exhibée
de la voix intérieure : évocation outrée - grandeur nature -
de ce qui ne se voit pas.
Sur laquelle l’empreinte du corps de Penone est seulement visible
en creux. Autre figure humaine.


9 juin 2019

Tous les visages. Infinis visages du vivant ou
infini visage des vivants, cette voix continue
ici un brouhaha tel, difficile à différencier
- joie et douleur des retours, nouvelles recrues -
auquel je ne comprends rien.
J’entends tout.


18 juin 2020

Qu'est ce que tu dis de ce réseau-pierre
le beau nom qui inonda la place qui -
son parfum de jasmin le faisait dire faux -
donnait l'assaut véritablement à la lice et aux palis ?  

Que peux-tu dire du combat qu'il fallut mener,
pour le poème, au nom des sons, au nom du rythme ?


19 juin 2020

Corrodée la question, corrodé le désir,
mais l'impatience est dans la jambe :
le diable remonte ! ( c'est ironiquement
l'explication que donne mon père au syndrome
des jambes sans repos qu'éprouve J. ). Donc, cette paresthésie
des membres inférieurs, au rythme étrangement
circadien, reprend chaque soir la jambe
comme à une bête pressée de courre.

Une dysfonction des voies métaboliques de la dopamine,
ce neurotransmetteur - qui joue un rôle dans la motivation,
la sensation de plaisir ( qui active le système hédonique )
et la prise de risque chez le mammifère,
et un rôle modulateur final essentiel des sorties motrices et psychiques -,
et précurseur de la noradrénaline et de l'adrénaline, cette dysfonction
entraîne ainsi les symptômes associés au SJSR.

D'où part le diable me demandé-je, monte t'il à la tombée de la nuit,
ainsi que la petite bête, tracasser le cerveau depuis le plancher
en redoutable corps étranger, ou diffuse t'il l'urgence insidieusement,
de l'intérieur, comme le renard est dans le poulailler,
engageant tout l'être à s'encourir ? Où se sauver ? Qui course qui ?
Quel danger et comment l'affronter ? 
Quelle urgence ravive soudain ses jambes ?

lundi 22 juin 2020

Reprendre ( 2016 ) - 38



D'un peu de temps 44


Lignées - art ferroviaire -


Art ferroviaire au cœur de Paris. La note aiguë du métro
accroche à mon oreille ses anthracites luisants.
À la gare de l’Est des resserrements crissent encore
et des gris variés, toute une gamme. Un rétrécissement du champ
accompagne le rétrécissement de l’attention, constriction aux
tempes. Des cris, des ocres, la verrière d’exact cristal sur l’ordre
gris des quais, éblouissant.
Réfraction et dureté insurpassée. Le carbone y est incolore.

Diamant : Minéral généralement incolore fait de carbone pur cristallisé, d'une grande dureté et d'un indice de réfraction élevé :
1. La dureté d'un minéral reflète la cohésion de sa structure atomique; celle du diamant, insurpassable, lui a valu son nom qui signifie en grec « indomptable ». Metta, Les Pierres précieuses,1960, p. 39.

*

Est cette clarté impervertie
à travers la verrière blanc argent
qui m’éblouit.
Qui percute l’œil et répercute le jour sans
soleil d’atonie non perçue auparavant.
Comme annulation totale du spectre coloré
cette gare soudain abrasée.

*

Longtemps reste le son de freinage de ces rames.
Longtemps les ardoises luisantes en descendant,
les abrasives verrières et les ciels blancs
quand inoxydable et spéculaire le mobilier nous avale
par le brutal portillon. L’automate
accapare toute notre attention. Et il y a l’oracle.

Égale vigueur de l’acier et des dires tous entourloupés
par le bruit le tangage et le frein. Faux départ.
D’énormes portes décapitent la voix. L’obstacle
s’étire indéfiniment et voracement.
De sinistre débit il rugit y compris dans les rares
courbes du réseau.

dimanche 21 juin 2020

Reprendre ( 2016 ) - 37






D'un peu de temps 43


Lignées

17 juin 2020

Le train passe à proximité du canal argenté
avec ses collatérales pistes cyclables -
un surlignage noir redoublé, comme un khôl
délinée la fente palpébrale -,
des remblais clairs et lisses, d'un brun diffus,
comme peint. Vite peint.
Quand le train ralentit vers Chaumont
je vois les vipérines, les millepertuis perforés,
les eupatoires et les marjolaines, les salicaires -
déjà, qui sont des cils -, des ronciers en fleurs sur les talus.



7 juin 2019

On dirait un héron.

Les jaunes sédums sur les remblais exigus.
Le vent dans la haie de peupliers retournée.
Des arbres sont tombés sur la voie. Une baie
de lumière entre deux pluies
le jour recommence à tout bout de champs
un champ lumineux recommencé argenté et flexible.
Je me suis vue - je me suis vue perdue -
perdante dans chaque échauffourée.
Mon bagage - une pierre -
comme elle, roule

sur le feuillage chaviré d’un seul coup. Des bouleaux blancs,
quelque code sémaphorique visible de loin.