dimanche 31 juillet 2022
Fillette qui aime, déjà,
Fillette qui aime, déjà, le bleu des chicorées
mêlées à la carotte sauvage et au
millepertuis sur les bermes desséchées,
tu me talonnes, tu me serres de près.
Ce n’est pas qu’une question de pieds nus dans le pré
non, sans doute tu me trouves trop timorée.
L'histoire de cet âne qui te regarde venir
tu en as mille exemples, et le souvenir des vertiges
encourus au jeu du cercle aussi.
Ce que tu fixes c’est une prédisposition.
samedi 30 juillet 2022
Les peintures noires de la Quinta del Sordo
Les peintures noires de la Quinta del Sordo
offrent la vision satirique et tragique d’un monde humain
terriblement noir -
la défaite, la vraie défaite
c’est celle de l’inanité, à laquelle on ne peut mais,
et l’amère grimace des corps solitaires,
même liés dans la lumière jaune du combat,
de la conspiration ou de la communion - et Goya
tient presque tout son programme dans le soir tombant,
soir de vieux qui attendent leur heure, soir
de femmes implacables et de foules insanes.
Où voudrions-nous aller après tout ça ?
À la Quinta
del Sordo résonne le glas assourdissant
de l’idéal. Tu en finis avec les arrangements - les
accommodements
prescrits avec ton sujet, impeccablement centré dans un
décor
inaltérable - le sujet festonne dans le soir de sa vie,
la lumière terreuse lui fait des scènes ou des
cernes et le sourire ébrieux. Toi pendant ce temps-là
tu trébuches et vacilles, ton couteau resplendit
un instant dans
la lumière.
Qu’est-ce que tu peux faire de cette
éclaircie ?
vendredi 29 juillet 2022
Et d’un pied sur l’autre
Et d’un pied sur l’autre
(sans même savoir sur lequel danser)
tu poursuis comme au champ miné l’opération,
avec circonspection, le couteau entre les dents,
aux tempes le calcul étroit et lentement, alors que perle la
sueur.
Soledar, son nom d’été aride t’accompagne, et
provisoirement occupe l’étendue sèche du pré
où sans possibilité d’armistice
s’embusque le chardon aux ânes sous les commodités - nids
d’oiseau
ou leurres - de la carotte sauvage,
va-nu-pieds dans le sentier stérile du lérot
entre les failles et au-dessus de chambres qui ne sont pas
de sel,
et de galeries,
(et de galeries toujours plus longues)
tu les entends ces déflagrations.
Aucun de tes cercles, Goya,
n’a cerné quoi que ce soit, de tes ellipses
je n’ai vu que du feu,
alors que, tu penses
c’était l’épreuve de la corde tenue
à l’intersection du bâton et du sol,
l’épreuve, pauvre idiote, de la carotte et du bâton,
mais sans coup porté et sans récompense.
(Maintenant j’entends les poings dressés dans le champ.
Le lérot s’est bien battu, toute la nuit,
veillée par la patience du chat.)
jeudi 28 juillet 2022
Idiote,
Idiote, vaine idiote !
Héroïne d’un trop beau
vouloir qui
ne se trompe pas de fin (ni
d’illusions,
incertaine qu’elle est de ses fins, justement)
mais quand finira
cette guerre ? entend-on
hein, quand ?
Toutes les armes auront parlé avant
qu’on ne s’aperçoive que c’était là
une forme d’amour fraternel et,
pour distraire les mains actives, fratricide.
mercredi 27 juillet 2022
À ce jeu
À ce jeu tu es ton propre appât.
De la pointe de ta lame trancher la rosette de l’année
- clouée au sol comme un trophée
sur une porte de grange - oui mais,
c’est pieds et mains nus que tu démines ce pré.
Gloire déflagrée dans l’alcôve de l’herbe
- pas de mais, à la
guerre comme à la guerre -
l’astre acaule attente à la plante du pied
et il arrive que tu sautes sur une mine.
L’âne d’un œil biais te reconnaît parmi les
siens.
mardi 26 juillet 2022
On ne peut pas se soustraire
On ne peut pas se soustraire
ni tempérer la rigueur de leur précision.
La trame de nos vies est étudiée de près,
au compte-fil exactement, du début à la fin,
le paysage incendié par leur extrême concentration.
Voilà ce que Goya nous lègue ! Vous êtes
au cœur incendiaire de la représentation.
Et le chardon aux
ânes, me diras-tu ? Et bien
c’est le moment, puisque les Moires filent pour toi,
d’assumer l’ânerie de la chasse au
chardon ! Va !
lundi 25 juillet 2022
J’y pense
J’y pense, ce n’est pas par-dessus
des scènes champêtres que Goya peignit
ses peintures noires, dont celle-ci, Átropos, sur l’un des murs
de la Quinta
del Sordo ? Les implacables trameuses
- mais dans quel but ? - d’un rehaut grossier bafouent
l’églogue.
Leur difformité - monstres d’inexorabilité
et de zèle exalté - affloue, et
ce n’est pas un vague fleuve mais
un torrent de lave
qui déferle sur notre idylle.
samedi 23 juillet 2022
À commencer par
À commencer par la carotte sauvage.
Des ombelles à gogo et la liesse de l’été débutant,
puis un frisson et une certaine appréhension
de la violence à la vue de la fleur centrale,
la tache prémonitrice
qui ne détourne pourtant de rien.
Petite je m’arrachais les mains sur la tige dure
comme la fille des contes à sa quenouille.
Moires qui m’aviez vu venir !
J’étais prête pour l’idiome naïf des amoureux.
(Fin prête) (et sans feinte).
Indices. Broutilles,
sang répandu sur l’herbe jaunie des bermes.
La carotte sauvage tu n’en feras pas un bouquet fatal
(pas un bouquet du tout).
Le chardon aux ânes.
vendredi 22 juillet 2022
Et tu découvres ?
Et tu découvres ?
Une respiration,
quand je suis parole dans le pré
encore hanté de ses erres
ses passages sous le grillage
les éboulis du mur enlierré.
Le ressaut des pierres,
franc sur la terre hâve de la haie
débroussaillée du printemps,
vaine encore, une tentative d’épines
seule l’illumine, avec un petit millepertuis.
Qui proteste ?
C’est une sorte de regain
que tu décris là ! Où un essaim d’idiomatiques
épineux - problème : qui s’y frotte verra,
la piqûre risque d’envenimer le signe - ravive Goya,
son nom de plaie.
Alors mutismes,
manèges débrayés d’un lyrisme exacerbé
roue libre de l’oubli, bouillonnement des signes indiciels,
indécence - je suis
désolée
c’est repartir en verte idiotie qu’il me faut.
jeudi 21 juillet 2022
Noms disparus
Noms disparus, noms des disparus, noms
réduits, pour certains, à d’autres fins
(ou au renom). Vain noms,
mais aussi noms
vibrants, mystérieux
refuges d’associations et de suggestions
prolifique gisement de vie possible - filon,
je te suis - ce mystère au cœur même
de l’effacement et du manque,
parole,
souffle mille fois justifié où tu apparais.
Qu’est-ce qui en rejaillit ? Goya
ou l’amour resurgit
immanquablement
jusqu’à rafraîchir la couleur atmosphérique,
je me rappelle, je reviens à moi - sait-on comment
ce que je suis me rappelle -.
mercredi 20 juillet 2022
Nous ne sommes pas si différents
Nous ne sommes pas si différents des vers.
Si ce n’est que c’est de l’air que nous humains, brassons en
surface.
Respirons. Nos paroles tremblent comme feuillage,
tout un rameau se détache, c’est un théâtre de plein air où se rejoue
sans cesse la vie elle-même, pauvre de ces répétitions
riches de ces respirations et variations. Il n’est pas sûr
que Goya
m’entende, que mes paroles résonnent jusque dans sa matière,
couchée au milieu du
pré, mais peut-être que oui,
par l’entremise du millepertuis perforé
qui pousse entre les moellons brûlants.
mardi 19 juillet 2022
Si discrètement
Si discrètement notre supporter, notre soutien
indéfectible, et sous-estimé.
(Le poids total des lombrics vivants sur terre est
vingt fois supérieur à celui des humains. Bon.)
Et toi tu te poses la question de savoir si ta parole est assez ?
Assez (non pas tassée)
bonne - juste (empreinte
de justesse non de justice), bienveillante, vivifiante -
c'est-à-dire par brassage, synthèse et dégradation
génératrice de
matière et d’énergie.
Oui.
lundi 18 juillet 2022
Qu’est-ce que parler trop
Qu’est-ce que parler trop, ou trop peu ?
Quel usage faire de la mesure, prononçant on ne sait quelle
parole,
formant telle phrase - laquelle de quelque façon agit plus
vite que mon ombre
transformant aussitôt tout le paysage -,
dans quelles proportions restituer la prodigalité du
monde ?
Comme le ver anécique sustentateur des sols,
qui poursuit lentement son activité métabolique - erratique métabolisme - avançant,
digérant l’entièreté du substrat sans se l’approprier ?
Le moins-du-monde - l’humble - c’est lui. Qui
ne connaît ni être ni dédain, qui par le fait est.
dimanche 17 juillet 2022
Car je suis prête
Car je suis prête pour le jeu et le feu,
pour chevaucher le rêve éveillé - fatigue, non épuisement -
pour ourdir des trames intimes dans des paysages
faits de toi, logos, faits de Goya absente, de fleurs
odorantes,
de rafales entendues sur des villes aux noms imprononçables,
- néanmoins déclarées, noms prononcés par missiles interjetés -,
pour
pourvoir - tâche harassante -
fournir à la profusion de ta nature perpétuelle
pourfendeuse des paix.
samedi 16 juillet 2022
anémones sur le fil
anémones sur le fil du balancier intenable
centranthes exténuées, coquelourdes,
bouleaux précaires, tilleul, d’un vert analogue. Un sphinx tête de mort
apparaît soudain hors de la cheminée, ivre de miel,
aux exhalaisons de chimère perpétuelle.
vendredi 15 juillet 2022
Le jeu
Le jeu commémore la chandelle
et la lumière naturelle autant que la nuit déserte.
Il insiste encore un peu.
Il ne cesse pas d’embrasser
de palpiter dans l’obscurité avec fleurs et bosquets
jeudi 14 juillet 2022
mais pas trop serrée
mais pas trop serrée, en sorte
qu’on puisse lire entre les lignes de ces sarments
qui feront le feu clair -
car elle raisonne et résonne par l’analogie
et le transport
- vision lente, écho de ses suggestions
déduction et induction, transfert de la métaphore -
oh ! parole
immensément inadéquate mais importante,
transport vivifiant, oh
partante, d’une note erronée et pourquoi pas,
appel d’air,
d’un rien prédisposée à l’alacrité et au jeu.
Reviens à la grêle, sa course sur le toit, son trot accélère.
Reviens à Goya qui ne dit mot.
Consens. Rentre chez toi.
On dirait : visiblement c’est un désert
(mais alors inépuisable et insistant).
mercredi 13 juillet 2022
je revoie Goya
je revoie Goya bâiller et s’étirer
caracoler ingambe
pareille à l’herbe et au vent
parmi les callimorphes.
En sa libéralité ta logique lui voua ce mot tagader,
qui aussitôt fit le son de la grêle sur le plancher.
Car prodigue elle l’est
car - fais-moi penser à recenser tes liaisons
car ta logique relie tout : ton art est celui du fagot
et de la respiration de son âme ficelée,
mardi 12 juillet 2022
parole immensément adéquate
parole immensément adéquate à
cette profusion quoique équivoque,
(le plus simple étant de te suivre,
te pister devrais-je dire, à la trace, pas
dans tes pas, dénégations, dépits - et crédits - compris,
ou pas même)
ta logique simule la vie
(sans idée de tromperie), et agit,
dis-moi ce qu’elle
anime pour qu’à sa place
ouvrant les yeux
lundi 11 juillet 2022
vous refleurissez
vous refleurissez la jonchée,
la nuit,
les jambes nues désirent la couverture ou la fouée
ou Goya de tout son long, soleil sombre aux yeux d’or
aux yeux d’or
soleil multiple. Virevoltez, que je
me fasse à vos légers ocellés, à
vos marbres passagers.
Qu’est-ce que l’impact d’un mouvement rapide
de votre aile comparé à celui d’une frappe de missile
sur un immeuble assoupi du côté d’Odessa, et pourtant !
Battez, battez, ventilez les ossuaires,
les cratères fumants, les carcasses noircies,
dissipez le cynisme d’Ouragan
à Lyssytchansk.
Éclaircissez la seconde - l’unique - de l’agonie,
ou celle de l’endormissement
(puisqu’il faut bien dormir ou sombrer)
sans qu’on puisse se prémunir jamais contre l’horreur,
ni même du fait de l’accepter
et de s’y contempler,
mais dis-moi quoi
faire ? De ce parfum
de sommeil mêlé d’herbe et de terreur,
de fourrure lustrée au fond d’un trou fraîchement creusé,
de lumière papillonnante en surface,
sur les légendaires brunelles, dis-moi
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