mercredi 31 mars 2021
On peut penser être quelque part
On peut penser être quelque part
et faire quelque chose de bien - disons ce qu’on a à faire -
le mieux que l’on puisse, comme ici se faufiler
et tenter d’ouvrir la portière sans accrocher celle d’à côté
ni tacher son manteau, on peut tenter d’échapper
aux corbeaux.
On a beau le savoir, s’évertuer, voilà ce qu’on fait sa vie
entière.
S’évertuer, épargner - soustraire - (en pensant faire),
prémunir (c’est toujours contre), en premier lieu contre
l’amertume :
c’est toujours contre qu’arc-bouté on se glisse dans l’auto
heureux d’avoir seulement épargné la peinture et
le manteau.
mardi 30 mars 2021
Les laies sont tracées grossièrement
Les laies sont tracées grossièrement au tracteur,
pour séparer les coupes. Même les bois sont réglés
à l’usage de l’homme. Un remblai de branches pilées ou
un hachis de tuiles comblent les ornières, ainsi les allées
font moins débâcle, moins peur la flânerie.
Or c’est toujours la ligne suivie, un tracé déjà là,
nous précédant de loin, sans fin, sauf quand on parvient
à un champ : même vieux champ
flagrant à cultiver,
aire vaste à ruminer, sans savoir ce qui nous arrive
vraiment,
sans bien saisir que le point de vue nous oblige.
(et on ne peut pas être oiseau, non, plutôt
même on peste contre cette hérésie nombreuse
qui nous survole, tenez les étourneaux par exemple,
ou encore les corbeaux dans les platanes de Chamars,
insensibles au génie urbanistique, et qui
conchient nos autos,
pourtant quoi de plus beau qu’un corbeau,
sinon la beauté au centuple d’un bouquet de corbeaux ?
Ô topiques impassibles, dieux forcenés du stationnement,
corps lancéolés que le vent chahute dans la charpente
plus loquace, cet œil fixe de sorcier hypnotique)
lundi 29 mars 2021
dimanche 28 mars 2021
Ah oui ! Ceci encore :
Ah oui ! Ceci encore : gibbeux cumulus, océan
mouvementé
de terres nues, ocreuses ou brunes, oiseaux infinitésimaux,
tout accuse la tectonique, la courbure de la terre.
On est soudain instruit à la distance, au sortir du bois,
et à la mesure.
samedi 27 mars 2021
Un autre jour
Un autre jour je lis un livre intitulé Sauf.
Y est écrit à la page 48 :
Nous avons franchi la
moitié du monde
nous connaissons
l’itinéraire depuis
le début, depuis que
nous sommes oiseaux :
martinets fidèles
continuons
à voler tout en
dormant.* Oui,
mais un vol continu n’épuise pas l’espace.
Même en nous attelant ainsi à décrire la façon dont
les choses nous arrivent, nous n’épuiserons pas le réel.
Depuis que nous sommes oiseaux nous brandissons
la lance. D’un trait affirmé, le désir décisif - le projet -
de tracer la vie. Tandis que dans ce frais sous-bois balise
seulement l’œil ciselé de la petite éternelle scille
à deux feuilles, l’étage collinéen.
vendredi 26 mars 2021
Car l’oiseau est lancier.
Car l’oiseau est lancier. Petite phrase assassine, extase
assassine.
Est-ce suffisamment audible de là où nous sommes,
c’est-à-dire
loin en aval du Puits, c’est-à-dire ignorants de nous-même,
au fond,
l’image habitant la mémoire à notre insu, comme une lance à
barbelure
fichée en plein corps ouvre la brèche par où
s’épanche l’humeur
- viscères ansées sans fin, en boucle - mais nous ne savons pas qu’elle
est la cause (d’ailleurs quelle est la cause de la mort, la
vie ?),
mais nous ne savons rien, hormis la musique qui est à l’intérieur,
qui confère la mesure au gabarit avec lequel nous envisageons
le monde : ainsi en sortant aujourd’hui pour la
première fois je vois
la floraison des corniers ou fuseliers, dont le bois
exceptionnellement dur
servait dans l’antiquité à fabriquer les lances. Je veux
dire que je n’avais
auparavant jamais remarqué leur floraison en lisière des taillis
d’ici. Pourtant
c’est un nuage de soufre qui vitriole la couleur mentale.
Pourtant
je passe devant ces multi centenaires
drageonnant depuis toujours.
jeudi 25 mars 2021
Il le ressuscite éternellement
Il le ressuscite éternellement, il l’excite. Sentiment de
fébrilité face
à la conjugaison des signes, à leur développement. Ils ont libre cours,
et commencent à donner la mesure
et s'acheminer vers leur épanouissement.
Dehors, l’œil à l’essor fait face
à l’érable. Essor de l’imagination en regard.
À défaut du dernier mot, le lancier aura eu le premier trille.
mercredi 24 mars 2021
Il a sondé le motif au fond du Puits
Il a sondé le motif au fond du Puits - la resserre -
là où ne gît pas seulement la Beauté, mais l’étymologie.
Au retour, c’est une
constellation mixte de figure(s) et d’affect(s)
émiettée, discontinue,
modifiée et déplacée, en somme réarticulée*
- disons un poème -
qui prend naissance ici, à même l’os pariétal, sur le site de
Lascaux.
La musique sort du Puits et sort du saxophone, progresse par
le pavillon
jusqu’à l’âme où s’enlace le thème aux arborescences
mentales et réelles,
- c’est un érable champêtre ou un platane soufflé par le vent - qu’un essor
de corbeaux ressuscite, car le motif hante aussi bien le
corps que les mots.
*Notes sur l’oiseau, l’extase et le fracas, Hors champ, novembre/décembre 2020,
Barbara Le Maître
mardi 23 mars 2021
Essaim comme une source dont je dépends
Essaim comme une source dont je dépends
- ligne directe d’évidence -. Revoilà la lignée ! Elle
danse !
Et lui demande encore : la psyché naît-elle du vide ?
(C’était, si j’entends bien, en lisant à même la roche du
fond du Puits,
la
renverse cataleptique de l’homme-oiseau face au bison).
lundi 22 mars 2021
Oui, peut importe ce qui peut arriver
Oui, peut importe ce qui peut arriver maintenant, il suffit
que je sache le reconnaître, et rendre l’essaim explicite,
je veux dire l’essaim printanier des choses et des idées,
ce son bien particulier qu’a l’air en ce moment, et d’avertir,
inspiration/respiration, il est évident que
chaque image y trouve sa place.
dimanche 21 mars 2021
Comme ils ont impulsé
Comme ils ont impulsé son rythme à la journée
scansion toute antiphonale de l’aube au coucher
- à peine contredite par l’intrus, c’est un chat qui pénètre
dans le champ,
ou parfois moi - ils ont impulsé son rythme à mon pas et ma
pensée
la voici portée jusqu’à la nuit.
samedi 20 mars 2021
Là j’entends Clayton Eshleman
Là j’entends Clayton Eshleman - qui est mort
dernièrement - poser la question :
Et c’est quoi, le
destin ? Cet érable qui se brise en hécatombe de feuilles ?
Un vautour qui dévale
par-derrière un groupe d’affamés ?
ou le destin gît-il à
l’intérieur de la lignée ?*
Je ne sais que penser, la question me plonge dans la
perplexité.
Et justement les voici pour incurver notre nuit - c'est-à-dire
lui donner forme et apparence terrestre - les oiseaux
qui traversaient l’après-midi à tire d’aile, les voici
venir-
agir à la volée, lignée en tête, et d’une seule traite.
*Stitt fin souffleur,
Clayton Eshleman, traduction de Auxeméry pour POEZIBAO
vendredi 19 mars 2021
Lui nidifie avec le détail et la précision
Lui nidifie avec le détail et la précision. Avec le sûr
instinct que nous voulons reconnaître aux animaux et
valorisons chez eux, mais dont nous nous défions
pour nous-mêmes. Je veux connaître les détails éminents
où ils trônent essentiels, c'est-à-dire à la
fourche de l’arbre.
jeudi 18 mars 2021
Moi je m’effraie de ne pas bouger
Moi je m’effraie de ne pas bouger,
je laisse passer bien des choses, incapable
de distinguer leurs singularités. Ce qui ne signifie pas
que je voie l’ensemble : les disparités font un chantier
aveuglant quelquefois pour l’assoiffé de
précisions, sans cesse insatiable.
mercredi 17 mars 2021
Je suis un son étrange
Je suis un son étrange, son objet étranger et aphone, celui dont
il n’a cure, comme il n’a cure de l’astreinte, comme il vit.
Regarde-le, peut-être juste à côté du nid mais là,
sa persévérance est une arme. Et j’ajoute, puisque je suis
là aussi, le silence transpercé de ses cris.
mardi 16 mars 2021
Dans un sens il reste un fil
Dans un sens il reste un fil, acéré il fend l’air léger,
un flou pénétrant dans mon dos qui produit une sensation
aiguë,
un courant d’air, ou bien posé à l’extrémité d’une branche
qui le balance,
ou encore en vol stationnaire. Dans un sens sur le fil
chantant et son chant comme un sabre expose
l’air.
lundi 15 mars 2021
Inscription à :
Articles (Atom)