mardi 30 avril 2019

Narcose 138


Il dit que ses chants


Il dit que ses chants tombent comme des graines.
Et longtemps après ils chutent encore
tous ces chants dans le silence du pré à nos oreilles par autochorie
ou même ballochorie qui est une brusque rupture des tissus. Encore et encore
à nos oreilles affûtées pourtant saisies comme confondues par le jet ces graines
qui chutent comme des poèmes.
Aujourd’hui la cardamine hirsute m’en a su faire la démonstration.

lundi 29 avril 2019

Narcose 137


Hall du conservatoire


Hall du conservatoire.
Dans son temps libre, le père lui inculque la table de trois.
Entre deux cours. Formation musicale, danse. La notion
de produit. Paquets de trois. Autant de fois. De trois quoi ?
Chorale. Formation de la voix. Des cercles de petits pas O passo ?
Des pourquoi jalonnent ce que l’on sait, jamais écoutés.
Trois fois riens. Petits cochons ampoulés. Empaillés.
Puis à son autre fille dans son temps libre : entre deux cours,
danse, découverte des instruments. Bouche préparatoire.
( cinq ans à peine ) On écrit ogre ? O ! Avec un O !
Puis cercles et rectangles. Le carré non.
Pas le carré. Les angles droits. Apprends à dessiner une fée !
La coiffe fera le triangle, bien joué !
Des fées formées à la baguette.
Nina, à juste trois ans, dit Éteins ta voix ! à sa maman
qui lui chuchote continûment dans l’oreille et Non
non - en anglais bien appris My name is Nina, no !

Et moi je suspends ces conversations je rêve de silence
de nonchalance de mort cérébrale - fin de la volonté -
sous la cerisaie, floraison psychopompe
je rêve d’incarnation, de chair, je suis mon enfant involontaire - celle que je fus
celui qui vient - à ce moment d’abandon
reléguer pour moi toutes les tables de multiplications.

De la blancheur nacrée des cerisiers monte le gris acier
absolument glacial, le ciel à la découpe très nette sur la haie reverdie
et la prairie terne où se profile la lune - rosacée - assez
j’oublie la compréhension pour entendre gravir les verts

dimanche 28 avril 2019

Narcose 136


Dans le vacarme de ces suggestions


Dans le vacarme de ces suggestions - l’énormité de la cerisaie
les phrases de la mésange charbonnière, l’entête rythmée au tempo printanier -
la chair se soulève. Je suspends toute activité pour me laisser emporter.
Je n’ai pas de mot pour ce non-sens qui me voit préférer
l’indigence, finalement, et la disparition non élucidée,
à la lutte. La reddition au seul sismographe qui m’importe : phrasé.
Pensée souriante au feu, aux fleurs, à la lumière. Le pic-vert immémorial a piétiné
le centre du carré. Les tourterelles turques lui ont succédé.
Et moi aussi je suis un nombre par défaut ou par excès.
Je n’entendrai rien de plus aujourd’hui, je retourne - je suis retournée -
à l’enfance puisque l’enfant de mon enfant naîtra cet automne

samedi 27 avril 2019

Narcose 135


Ainsi s'inversent les valeurs.


Ainsi s’inversent les valeurs. Il arrive un moment où
sous les cerisiers le sol est plus clair que le ciel.
Incursion des coucous Primula veris juste avant l’orage,
leur tête périscopique saute à la gorge des évidences
et des combinaisons logiques, des vérités comme
le blanc pourrissement de toute cette magnificence.
Coucous emphatiques qui gravissent la prairie
en comiques présomptueux mais c’est de rage
et jaune que je ris avec eux

vendredi 26 avril 2019

Narcose 134


Vertumne, dont le nom signifie


Vertumne, dont le nom signifie « tourner, changer ».
La floraison se dérobe dans les verts
parce qu’ils montent avec la sève parce qu’ils montent
et isolent l’immense îlot blanc puis par division et absorption l’annihilent.
Un verre tombé de table - Duralex à facettes, nous y voyions notre âge
( maintenant tu as quatorze ans et moi cinquante trois ) -
ne fait pas plus de bris - de bruit si - alors les éclats de pétales
annoncent la nuit des cerisiers mêlée à notre orage

jeudi 25 avril 2019

Narcose 133


Est-ce là qu'un clou


Est-ce là qu’un clou fut le premier fer à mon pied ?
- ferrée j’étais, et Vertumne et Pomone - ou bien plus tard
lorsque tout juste introduits en ce verger 
( avec le recul ) nous avons passé le licou au regard
au désir - d’une houe faire l’outil par excellence ( le fer où j’excellai ) -
fer, ni arme ni hameçon mais la caresse me le rappelle,
maintenant que durer nous rend confus,
que nous confond la floraison des cerisiers


* Isabelle Sancy 
http://en-paraison.hautetfort.com/

mercredi 24 avril 2019

Narcose 132


Comment peux-tu contradictoirement


Comment peux-tu contradictoirement
Faire et défaire des choses si belles ?*

Cerisiers à l’excès cerisiers surs ( d’autres grenades ) par-dessus
terre ( et tête ) il n’y a pas de scène seulement une image
presque obscène une image d’inflorescence
jusqu’à la conscience sexuelle excessive
univoque qui oblitère le temps.
C’est toujours en avril que reviennent l’enfance
et les images le rappel d’après-midi éblouies
- neige : je n’y voyais pas davantage - depuis l’arbre
le fleurissement des sandales jetées aux pâquerettes
- Bellis perennis quand j’ignorais tout du temps -


*Pétrarque, Canzoniere, (1470), Sonnet 231, Traduit de l’italien par René de Ceccaty, Poésie/Gallimard, 2018      

                                          


mardi 23 avril 2019

Narcose 131


Ce sourire indigne


Ce sourire indigne à la moindre violette
- cousue de près, un trop prégnant faufil -
au cyclamen, oh le lové, palet pour déterrer
l’oubli, à la toute fraîche venue,
la fragile cardamine, et pourquoi ?
À chacune l’humilité de rigueur, apparue
en son temps et forme. À moi la conscience
et le fiasco de sa parole.

lundi 22 avril 2019

Narcose 130


J'en ai besoin


J’en ai besoin. Veine en réseau
où coule - d’où découle devrai-je dire - la couleur.
Notre sourde révolution.
- La roue tourne, disait la vieille reine, quelle roue au juste ?
- Où en étais-je ? Ah ! Le printemps, en voici l’heure !
Avancée des coquelourdes, mes avancées.
Rouge coronaire, en juin, le sang
gouttera au palais des verts . On prédit l’attentat.
Chacune des gouttes un grenat
de la couronne implosera comme une eau lourde
en touchant le sol laissant
d’intimes cratères dans le cœur du massif.

dimanche 21 avril 2019

Narcose 129


( Dit c’est dit ! C’est celui qui le dit… )


( Dit c’est dit ! C’est celui qui le dit… D’anciennes solennelles
promesses faites à soi-même
au feu - devant le feu de l’émondage - sur les
terrasses de l’enfance.
Langue poivrée de poussières, vision exiguë des
angles, beauté des thyms phosphorescents et
des panicauts nacrés ).

Aujourd’hui ce sont des ajustages, les pas gagnés
en pratique, avec le rythme,
comme on dit se rendre à l’évidence - qui n’en est pas -
allonger la foulée. Trompeuse fluidité.
La fumée danse avec génie devant l’éblouissement.
Quelqu’un arrive avec des lychnis, ou silènes coronaria
- sûrement la veine qui courra en ce jardin -
soudain faisant
que s’offre une herbe à la vision du lendemain

mercredi 17 avril 2019

Narcose 128


On brûle des émondes


On brûle des émondes. Feu de printemps
qui crépite au fond du pré, sarments/serments vite dits
- ( Dit c’est dit ! C’est celui qui… ) feu de vertèbres ( ainsi des vieilles charpentières )
feues mes vieilles charpentières étreintes en une seule torche -
et ce n’est pas tant âcre prédominance de fumée blanche
que vision suspensive. Qui masque les cerisiers.

Floraison ajournée dans les gaz
- en une résolution hâtée -

mardi 16 avril 2019

Narcose 127


les vers / blancs de jets lacrymogènes


les vers
blancs de jets lacrymogènes
du poème de la page 41
ces faits et ces gestes solubilisés
tendus vers d’autres visages, de haine
dis-tu dans un autre, de haine,
comme je les comprends à cet instant !
Humble facilité aux larmes qu’ont ces
vers ou ces fleurs emmêlés ( p.83)
j’écris aussi les yeux brûlés
par les cerisiers incendiaires 
et l’impatience dans les os.
Ma vision est celle des fumées
des formes dissoutes et blanches
solubles silhouettes dans l’air frais
comme je suis soluble dans les mots

lundi 15 avril 2019

Narcose 126


L'excès en suspens


L’excès en suspens sur un malentendu
de ciel blanchi ? Il écume. Ciel équivoque enseveli
dont je ne sais plus s’il fulmine ou jubile.
Ou bien s’étiole, plus grêle. Existât-il
autrement qu’hallucination éparse d’agonie
existât-il autrement que dru
ce printemps ?
La couverture de fleurs ravive la sensation, le rut.
J’entends flûter chacune des ardeurs.

dimanche 14 avril 2019

Narcose 125


Floraison active


Floraison active jusque dans la bouche :
le goût du parler gaiement de ces fleurs - cinq pétales en cloche incessants -
tout le bruit, le bégaiement dans l’air bleu, le léger balancement
des branches. Elle frémit l’aile des piérides - le bégaiement, l’étonnement -
où ces fleurs éruptives béent donnant leur secret avec insistance, donnant donnant
bée l’énormité des cerisiers - l’excès c’est l’évènement
majeur -

samedi 13 avril 2019

Narcose 124


L'accomplissement de la distance


L’accomplissement de la distance  
quand je mesure - soupèse devrais-je dire -
- ne le voulant pas mais
contrainte et forcée - en chaque mot le temps
un abîme de temps s’entend - layette j’ai pu dire
repensant au petit meuble commode des horlogers
qui est partie intégrante de leur établi
là où sont rangées les fournitures
et pièces détachées mais comment ignorer
alors, le trousseau du nouveau-né
soigneusement assemblé dans l’attente, comment ? -
abîme n’est pas le mot puisque c’est une densité.
Quelque matière sombre augmente partiellement éclairée
par les tentatives de pratiques rythmiques
pour la transformer en composition sonore et
sensuellement active.

Des ruines intenses aussi bien que des joies des moments
de subtile précision et des approximations
pourvoient à cette composition expansive.

Accomplissement de la distance en tout état
aucunement sûre dans chaque interstice je m’avance
avec des fleurs.



jeudi 11 avril 2019

Narcose 122


Des jets de violettes


Des jets de violettes comme
est violet le frisson sur l’échine.
La réception de ces salves
dans le sang froid de l’attente provoque une forme
de surprise - ainsi des roquettes - bien que cet assaut soit reprise en fait.
Chaque fois qui me reprend comme une terre vierge.

Oh j’avais vu une prière : non, croisade !

mercredi 10 avril 2019

Narcose 121


Tout entier


Tout entier
dans la poignée de violettes
est le printemps : première fois
premiers pourquoi. Le siège en est
mars, l’audace des éperons la                  
solennité des violets.
Hardiesse solubilisée d’un suave chapelet.
La guerre menée à la surface, hasardée
à l’arme secrète. Viola odorata s’avance
en toute cordialité à la conquête de la place.
Violence intrinsèque. Le siège en est mars.
Et sa couleur : le fer croisé à la tensioactive saponine.

mardi 9 avril 2019

Narcose 120


Là où réside




Là où réside - rosette obtuse où réside -
le troublant solipsisme des violettes.
Rien que la résolution - enfin -
du manque en printemps avéré
- pour moi un bouquet de questions -

Malgré tout elles nous ouvrent les yeux
j’y gagne un bouquet de questions.
Dans la main cette fois ce sont
quelques violettes secondes attribuées
au concept - tout à fait vide - de l’instant