mardi 30 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 824


 

Encore et toujours l’ubiquiste

 

Encore et toujours l’ubiquiste, le millepertuis,

troue le vert compact du fossé asséché sous le roncier.

Grandi et certain de son faîte, il étaye la timorée, la verveine,

qui s’évertue en mauve, et la douce, très douce nitescence même,

aimée de l’Adèle métallique qu’elle sertit

au sein de son capitule rayonnant                                           [scabieuse « Knautie » des champs]

 

lundi 29 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 823


 

Tout reverdit

 

Tout reverdit sauf la jacée qui sonore

diffuse son rose gracieusement. Un rire

fait trembler le pré adjacent.

 

Elle forme le bouquet.

Tout juste refleurie, la juste centaurée jacée

la rose hirsute coiffe l’amour naissant

d’un simple état des lieux – talus reverdis aussi –

de sa simple je suis comme je suis

                                                         échevelle la main à cueillir

                                                         ses ombres digitées

(une écarquillée)

                                                         cent t’aurai mieux qu’une

 

dimanche 28 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 822


 

Le roncier fait le sorite

 

Le roncier fait le sorite, en somme

qui enserre dans ses sarments une sorte de vérité concernant l’attente

et la pérennité. Embrasse-moi pour toujours !  

 

C’est là qu’une belle galante sans souci ravive en rose,

apporte son capitule – son capital fraîcheur –

splendeur dans l’herbe, dut-elle passer,                                   [centaurée jacée]

elle persiste à vivre (jamais assez !)

 

samedi 27 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 821


 

Buissonnant vert

 

Buissonnant vert, impénétrable à la lumière

(lumière, à nos yeux dramatique), plutôt inextricable, le roncier

est la ronce érigée en système,

un système dont seuls les tout petits animaux viennent à bout.

 

Bout touchant marcottant à tout va, va vite vite, furtif, et drageonnant encore,

et encore ! imaginons que nous ne bougions pas nous serions cernés,

                                                                                                   cernée figure au bois dormant,

dormant parmi les nichées de la pie-grièche écorcheur, du troglodyte mignon, de l'accenteur mouchet, du merle et des fauvettes,

                                                          les nichées du hérisson et du muscardin nichant

(figure) elle aussi sous les sarments

                                  les serments, les serrements de cœur, les errements les enlacements

                                  ce mensonge de l’instant fruticuleux qui serait l’éternité

                                    

                                     éternité le baiser ? serre-moi ! embrasse-moi !

            embrasse-moi ! Buissonnant vert !

 

vendredi 26 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 820


 

Qui prend qui ?

 

Qui prend qui ? Les tiges préhensiles

jetées vers nos mains nues,

nos mains engluées (des appâts plein la bouche)

la mouche qui ne quitte plus la jambe ?

 

baies noires sur la courbe descendante

à point nommé

 

nos mains engluées dans la contradiction :

si le roncier augmente notre fortitude, les mûrons

percent déjà la défense


jeudi 25 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 819


 

Elle a son heure

 

Elle a son heure, son heur, elle claironne                                 [ronce des haies]

et bée jusqu’au sol

non que je la veuille facile,

arc-boutée elle résiste à la prise

à nos doigts où jus et sang se mêlent

 

le millepertuis perforé en sous-main valide cette alliance

et nos inclinaisons

la fluette chandelière étincelle                                                [verveine officinale]

 

mercredi 24 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 818


 

Encore la chicorée.

 

Encore la chicorée. Elle parsème la berme du bleu porcelaine

de tasses à toute épreuve. Non des tessons.

 

Les certitudes de la fonte. L’intégrité

d’une larme de lait.

Encore une dernière, pour la route ?

 

La vipérine, sur les carres, talonne les hautes herbes.

 

En vague pionnière sur la place nette après la coupe,

l’épilobe opulent ondoie déjà.

 

mardi 23 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 817


 

Le plantain comme un I

 

Le plantain comme un I face à l’indigence et déjà sur l’asphalte

il encense la rigueur.

 

La renouée est un napperon sur l’aride.

 

Au fossé, rose coulée de l’épanchement : lui n’est pas un happy end,

ni un épiphénomène.                                                             [épilobe en épi]

 

lundi 22 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 816


 

À ses côtés elle constelle la pierre

 

À ses côtés elle constelle la pierre concassée des bermes,

s’étoile et trace bien loin de son port, la petite fertile, chère

aux oiseaux. Qui ne conviendra qu’elle garde pourtant le contact sûr

avec la réalité rugueuse, et l’étreint ?                                      [renouée des oiseaux]

                                                                                           mais pas une main amie !

 

dimanche 21 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 815




 

Un indéboulonnable présent

 

[Juste là sur la berme, entre chien et caillou,

inflexible (et opportun) salut]

 

Un indéboulonnable présent, avec les meilleures intentions,

cramponné à sa pauvre place.                                                [grand plantain, plantain moyen]

Nous le piétinons sans qu’il s’émeuve

à nos pieds indifférent.

On ne cueillera pas sa tige aussi inflexible qu’un goupillon.

Il est là. Sa feuille froissée soulage nos vanités

 

samedi 20 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 814


 

Un frisson à la lisière

 

Un frisson à la lisière. L’ortie cligne

et lui sourit de toutes ses dents,

sa feuille tremble furtivement.

C’est le strict alignement avec l’épi de la salicaire

qui lui confère sa tenue.

 

Juste là sur la berme, entre chien et caillou,

inflexible (et opportun) salut

 

vendredi 19 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 813


 

Et dans la trame de cet autre

 
[et je suis prise dans sa lumière] 

Et dans la trame de cet autre compagne des fossés.

Une bonne compagne, zélée, bel habitus.

Elle folâtre dans le fond, hirsute à l’enjouement contagieux       [grande ortie]

grande bonne à tout faire, un atout dans la main non gantée la brûle

mais le calmant est là tout près aussi

à portée d’elle,

respire sa générosité, comme elle respire

 

jeudi 18 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 812


 

Elle raye quand je passe mon œil assoupi

 

Elle raye quand je passe mon œil assoupi

(il regarde le déroulement monotone de la route

les verts étagés des bois, au-delà des prés)

dans la conscience nonchalante

une goutte de sa pourpre au plus près

inocule le feu, le mal est fait, la salicaire

fait le bâton dans la roue mais le feu aux poudres

et l’éperon ensanglante le fatras dense et contourné

de celle qui ne berce rien tant que l’indolence                          [berce commune]


Elle s’y connaît en brûlure, elle aussi.

Mais l’une rutile tout près de l’œil quand l’autre rococo

s’entend avec le soleil dans mon dos,

me tend sa main rugueuse et son assise rocaille :

aie confiance d’un air angélique et mielleux

laisse-toi faire

cueille le jour

et je suis prise dans sa lumière

 

mercredi 17 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 811


 

Pense avec les mèches sanguinolentes

 

Pense avec les mèches sanguinolentes,

l’inflammation au fossé                                                          [salicaire]

la plus capable de transmuer l’eau en sang ? Insoluble

(quadrature du cercle), ou en feu ?

Allez ! réjouis-toi de tant ardeur !

 

mardi 16 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 805


 

Pense avec l’attachante

 

Pense avec l’attachante

le simple lancer d’un épi simple à l’arme facile

fluette et ténue, si fluette qu’on n’y prend garde                      [aigremoine eupatoire]

sa ténuité peut beaucoup :

n’y résistent pas les acrimonies

 

lundi 15 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 809






 

Celle-ci, grandeur discrète

 

Celle-ci, grandeur discrète,

feuillage de velours gris-vert

(une intrinsèque douceur tomenteuse et sans arrière-pensée)

petites fleurs blanc rosé

sa pâleur sourit aux égarés

aux désemparés en manque de suavité

apaise les quinteux et les rétifs                                               [guimauve officinale]

 

dimanche 14 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 808


 

Regarde sans toucher

 

Regarde sans toucher (celle-ci il faut l’écouter

et la voir pour croire à ce charme

le vert opérant comme appât, en arme bien acérée

ciselée pour tromper, non, plutôt pour te délester de tes illusions :

la ciguë te prend à ton jeu, ta survie ne tient plus qu’à ta présence d’esprit.

Seule ta finesse lui est opposable, pour une confrontation à armes égales.

Elle est sans compassion pour les indécis.

 

Si ton esprit est dans ton nez, tu pourras peut-être échapper à sa beauté

 

Mais celui qui y goûte : mal lui en prend.

Il ne faudra que quelques minutes à la conine

pour l’immobiliser là, définitivement,

au bord du chemin blanc

sans autre consolation que d’être là

et avec pour seule antidote les vibrations

des herbes sèches dans la lumière déclinante

 

elles regardent le cœur s’en aller

et il se pourrait que toutes l’envient

 

vendredi 12 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 807


 

On s’inquiète de sa semblable

 

On s’inquiète de sa semblable, fatale

d’autant plus frétillante

que délestée de la pesanteur du scrupule

on redoute sa voie inéluctable

de précieuse sémillante qui ne pardonne pas                            [grande ciguë]

 

jeudi 11 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 806


 

Entre chien et loup

 

Entre chien et loup c’est elle le fanal,

le falot qui te prend par la main et

son manchon incandescent irradie

sous tes pas sa serviabilité c’est par là

                                                               que la vie te va

 

sans lanterner t’emmène celle qui est là, en grand nombre,

pour frayer le sentier dans la nuit indifférente

 

mercredi 10 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 805


 

paradent sur le replat

 

[Cent têtes – c’est son cortège

côté soleil – assèchent les larmes]


paradent sur le replat mêlées à l’ombelle des ombelles

la blanche la falote

ses trémulations insensibles                                                   [carotte sauvage]

sa courbe révérencieuse salue le passant

en lui touchant les doigts

regarde-moi

ne me touche pas

 

prends-moi vite !

pars avec moi


mardi 9 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 804


 

Mais c’est l’autre

 

Mais c’est l’autre la fleur en tête, la meneuse

de cette curée sur l’ombre

elle a déjà traversé

et bêle de l’autre côté, belle et clarinée                                  [marjolaine]

entête le soleil

 

Cent têtes – c’est son cortège

côté soleil – assèchent les larmes

 

lundi 8 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 803


 

Là elle comble les fossés

 

Là elle comble les fossés

côté ombre en troupeau pressé

un trop plein de laines dégorge ses roses purpurins                  [eupatoire chanvrine, chanvre d’eau]

et moutonne vers l’orée du bois

 

dimanche 7 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 802


 

Le vent se prend les pieds

 

Le vent se prend les pieds dans les gnomons

gros comme des barreaux de chaise et trop nombreux

– tous porte-ombres de directions éparses –

ces styles centrifuges l’excitent

pendant qu’il ressasse la leçon des massettes

et s’essaie aux contraires

                                                   attrape-moi si tu peux

 

samedi 6 septembre 2025

À la boîte blanche, vues 801


 

Vers la gravière

 

Vers la gravière me vient une

(très douteuse) question :

jusqu’où fustigeront-elles le ciel caillebotté, 

et qui tient le manche ?                                                         [massette à feuilles larges]

 

Ou c’est le métronome qui

ponctue le temps

(la Parque n’est pas loin sa quenouille

tenue à l’envers comme un doigt levé)

comme un doigt cherche le vent

                                                   plutôt qu’intimer l’ordre, plutôt

                                                   que décompter l’instant