vendredi 28 février 2025
Voilà l’objectivité :
Voilà l’objectivité : les myriades de signes
dispensés par le monde nous engagent à
travailler la perception par et dans le langage.
Goniorhynchia boueti, êtes mes falaises et
mes rocs
les piliers de ma plaine froide,
où j’erre sans mémoire, mais avec des visions
- la frilosité fondant cette fois la phrase,
où les stratégies vitales du monde se manifestent et s’épanouissent
comme s’y épanouissent fleurs et coraux -
cette véhémence - cette persévérance
à errer sur place - me semble soudain digne et enviable
(une sorte de sensualité vague, évasive,
d’exaltation de la concrétion)
jeudi 27 février 2025
bien que cette écriture
bien que cette écriture - vos corps
concrétisés depuis tout ce temps, vos corps
empierrent un sol biogène que nous arpentons,
forons en quête d’éclats qui élucident
le motif profond de la fabrique du monde -
bien que cette écriture mène quelque part
- un caillou blanc marque le temps,
alors qu’une suite indique la direction -
ce corps comme la remontée objective
d’une sonde.
mercredi 26 février 2025
Mais personne ne passe avec ses mots
Mais personne ne passe avec ses mots
il faut y engager le corps.
Où repose l’utopie ?
Rien encore, à part votre blancheur éparse
- en sentinelle d’elle-même -
ne permet de prévoir l’issue
mardi 25 février 2025
Vos fastes dérives vos fastes
Vos fastes dérives vos fastes
depuis le lointain Jurassique - un sommet,
et aujourd’hui encore - face à
mon œil incrédule
mais sensible à la tragédie.
Vos faces disséminées, éclatantes
au yeux du rien - matutinal tintinnabulant très clair et très net
rien qui poursuit ma route indécise
ma phrase elle, vous suit
comme un chemin clarifié.
lundi 24 février 2025
Mais perdurer.
Mais perdurer.
Depuis le fond des mers à la crête des sillons,
puis à la noue régulièrement reversés
d’où extraits de nouveau,
ils sont cailloux à l’interminable semaison.
dimanche 23 février 2025
Ce bras rubané
Ce bras rubané au creux de la valve ventrale
dont seul subsiste le squelette.
Lové au cœur du plein hermétiquement obtus,
un devenu masse, et mutique,
endurant le temps et jalonnant le champ de l’issue
s’obtuse encore à mesure.
samedi 22 février 2025
La lumière miroitant ce matin-là
La lumière miroitant ce matin-là sur la surface givrée
d’éclats de calcaire disséminés au sommet des sillons
dans le guéret levé de la veille.
Calcaire que je sais fossilifère.
Que je sais, pour la multitude de brachiopodes (Goniorhynchia boueti)
en équilibre sur la bute comme sur la crête d’une vague,
(eux qui plutôt habitent les profondeurs)
dont j’imagine les lophophores enroulés sous la gangue
depuis des lustres, comme un chat attendant le réchauffement.
vendredi 21 février 2025
Un poème. Une impulsion.
Un poème. Une impulsion.
Une danse de l’autre pas. Au devant de guérets luisants
de friches hirsutes, de talus gelés.
On danse sous la brume, ou, plus tard
sous le clair soleil de janvier, à 2 degrés Celsius
avec un noyer, un chêne pour partenaires :
n’esquive pas la nuit
ni la profondeur, disent-ils
en proférant leur mystère.
Candeur des ramures.
Affronte la musique sans discrimination
ose une conciliation.
jeudi 20 février 2025
- une familière étrangeté pour qui habite intensément
[- une familière étrangeté pour qui habite intensément]
le langage et la brume si blanche
que rien n’y paraît
elle n’est que la matérialisation de la profondeur
et de la versatilité -
un étrange habitable
(cet état d’esprit : quelque chose de sobre, d’enviable
de crédible*).
L’issue est une impulsion en direction de l’étrangeté.
* Seamus Heaney, « XXXVII », in II Ajustages, in La lucarne, in La lucarne suivi de L’étrange et le connu, traduction de l’anglais (Irlande) de Patrick Hersant, nrf, Poésie / Gallimard, p. 117
mercredi 19 février 2025
dans un lien qui est aussi l'expression d'un détachement
dans un lien qui est aussi l'expression d'un détachement
- sans nourrir d'attachement particulier envers
les multiples possibilités offertes, mais qu'il maintient ouvertes
et efficientes - vouloir-jeu, approximations diffuses
du vivant qui ne s'engage pas en premier lieu mais se tient là
à disposition de qui s'approche
(non-lien et non-lieu)
- une familière étrangeté pour qui habite intensément
mardi 18 février 2025
Hanshan se révélait
Hanshan se révélait
dans le langage sur la paroi des falaises
qui l'entouraient,
qui faisaient corps avec lui.
Sa poésie s'incarna là, sur l'abrupt éprouvé,
et contourné, et gravi
- nulle part ailleurs -
lundi 17 février 2025
comme du sens, ce récif luxuriant
Tu trouves une issue satisfaisante dans le langage
comme du sens, ce récif luxuriant
ses arborisations entrevues au demi-jour de l'intuition,
éclairées ensuite par l'exaltation du langage. -
dimanche 16 février 2025
Tu trouves une issue satisfaisante
Tu trouves une issue satisfaisante dans le langage
- qui satisfait et ton besoin de clairvoyance
et ton entrain à jouer
et jouer des clairs-obscurs au besoin (ce ne sont pas Vérités Indicibles,
ou Vérités laborieusement issues des brumes du mystère
mais art de distribuer les nuances de la lumière
contrastant sur un fond sombre,
- l'obscurité des profondeurs -, non, ce ne sont pas Vérités
mais élucidations ponctuelles et relatives)
samedi 15 février 2025
Exfiltré par les brumes
Exfiltré par les brumes, nous te trouvons dans le langage ?
Par l’épreuve du langage et aussi par l’épreuve du paysage
et de la brume, en cette nuit-ci, lente indiciblement
et froide.
Une dissolution (au sens physico-chimique du terme)
du motif de notre imagination probablement élucidé en cette solution
ponctuellement satisfaisante, un poème, (tes poèmes, ces extraits)
c’est bien ce que signifient Heaney et Snyder lorsqu’ils parlent de « connaître l’esprit » ?
Je te retrouve à des années-lumière, comme on dit,
sur la route de Virey, surprise et émerveillée,
coudoyant un vieux noyer, ou un chêne,
qu’exultent le langage comme la brume et le frimas.
vendredi 14 février 2025
Et moi ici, près d’un siècle après
Et moi ici, près d’un siècle après encore.
Donner un corps à son ombre, y réussit-il ?
Finalement, trouver l’issue dans la sensation,
l’incarnation consentie ? Son être matériel
éprouvant le monde - et mortel -, pas si différent
d’un pin, d’un héron. Incorporé à la montagne froide.
Mais si comme le dit Seamus Heaney,
La montagne froide est aussi un état d’esprit.
Ou divers états d’esprit à des moments divers […]* ?
Montre ton esprit ! Montre ton corps Hanshan !
Montre moi l’issue dans le tout !
En parler ne suffit pas
Mais en citer quelques vers démontre au moins
La vertu d’un art qui connaît son esprit.**
Où est ton corps ? Où ta voix indolente,
(peut-être dans ces brumes résolument cachés,
pendant qu’on volait le monde sous tes pieds ?
Que les sbires du préfet s’essayaient à relever tes traces ?)
* Seamus Heaney, « XXXVII », in II Ajustages, in La lucarne, in La lucarne suivi de L’étrange et le connu, traduction de l’anglais (Irlande) de Patrick Hersant, nrf, Poésie / Gallimard, p. 117
**ibid.
jeudi 13 février 2025
D’ailleurs nulle trace pour se repérer
D’ailleurs nulle trace pour se repérer
la permanence même étant un rêve éculé,
il habite une montagne irréductible
où s’enchevêtrent êtres et signes.
Esprit insaisissable, c’est douze siècles plus tard
que Gary Snyder l’y trouve, indemne.
Sage sous le verrou des brumes.
mercredi 12 février 2025
Regardant autour de lui
Regardant autour de lui
il se demandait :
Ai-je un corps ou
n'ai-je pas de corps ?
Est-ce un moi ou n'est-ce pas un moi ?
tout comme la montagne froide
ou ce noyer oblitérés par le vide-même - la vérité par le vide -
cristallisé devant ses yeux
- amas de fines gouttelettes ou fins cristaux de glace en suspension
dans l’air - ah ! les leçons que nous enseignent les phénomènes physiques*
sa pensée consciencieuse ne peut distinguer
avec certitude sa propre existence.
Comme une autre fois, arpentant la montagne
il interroge l’ombre : non pas qui es-tu ? mais que suis-tu ?
n’étant lui-même plus rien que sa pérégrination incessante.
* W.S. Graham, cité dans l’introduction de Michael Snow, in Les Dialogues obscurs poèmes choisis, traduction de l’anglais (Écosse) de Anne-Sylvie Hommassel et Blandine Longre, Black Herald Press, 2013, p. 11
mardi 11 février 2025
Rien est un appel d’air.
Rien est un appel d’air.
Ce noyer invite, sous son âpre,
imagier trivial et
séculaire
à passer le pas.
Lui qui ose redonder
accordé au frimas,
ose la minutie du polypier dans la nuit d’hiver :
toi que ne rebute pas sa périssologie
ne crains pas de passer.
Aie la compréhension tacite de cette précision
qui n’est pas un péril.
Tu passeras avec ta sorcellerie de bande dessinée
et ton œil mythologique
- cette fois-ci, nulle noix nulle balise -
en pensant à Hanshan
l’ermite mangeur de brume
étayé d’un bâton de noyer
qui errait dans la montagne froide
dont les voies sont sans fin
sage sous le verrou des brumes - le seul -
Pas de voie / qui aille jusqu’au bout
lundi 10 février 2025
Et sois littérale, oui.
Et sois littérale, oui.
Un pas, un pas dans la nuit sous l’âpre,
l’arbre aux en-têtes, aux brumes, aux foudres jupitériennes
- ou sur un pont -
un pas que tu passes à gagner ton bon droit
à la preuve littérale : le passage.
dimanche 9 février 2025
Cela pourrait être comme passer un gué
Cela pourrait être comme passer un gué
ou un pont au-dessus d’un court d’eau
avec l’air qui de côté te vient doucement
entreprendre, caresser
la jambe.
Tu laisses à l’endroit quelque chose de toi,
la sensation de l’enjambée ?
Tu ne restes pourtant pas suspendue là
mais la traversée t’affermit dans ton audace d’aller plus loin encore.
samedi 8 février 2025
Rénove avec rien !
Rénove avec rien !
Avec ces choses vues et ces choses remémorées
avec ce qui passe, qu’on ne peut retenir malgré nos efforts
avec ce qui ne passe pas (mais qu’on peut toujours
réinterpréter)
choses faites et défaites
réussites qui nous hantent
La nature trouve toujours simplement une autre issue.
Revois tes présages, rénove tes associations !
Rien est
un appel d’air.
vendredi 7 février 2025
emporte
emporte
(noyer plongeant
pour s’y mieux sentir ou s’y noyer ?
une roue minutieuse dont l’aubage
provoquant le remous
perpétue le mouvement insensible)
est-ce une illumination ? C’est
une illumination !
n’importe quel autre brogneux
en bordure de chemin
aurait mieux fait l’affaire (pour l’après-sabbat)
les broussins invitant au repos
invitant au répit
la nuit m’aurait portée ainsi, flottante,
comme la rivière porte
et j’aurais laisser couler mes pensées.
jeudi 6 février 2025
dont le courant / lente poursuite
dont le courant
lente poursuite dans la profondeur accrue
qu’un champ flou
refoule
- c’est une rivière sans rive
qui s’évase lentement toujours plus opaque -