jeudi 13 février 2025

À la boîte blanche, vues 612


 

D’ailleurs nulle trace pour se repérer

 

D’ailleurs nulle trace pour se repérer

la permanence même étant un rêve éculé,

il habite une montagne irréductible

où s’enchevêtrent êtres et signes.

Esprit insaisissable, c’est douze siècles plus tard

que Gary Snyder l’y trouve, indemne.

 

Sage sous le verrou des brumes.

 

mercredi 12 février 2025

À la boîte blanche, vues 611


 

Regardant autour de lui

 

Regardant autour de lui

il se demandait :

Ai-je un corps ou n'ai-je pas de corps ?
Est-ce un moi ou n'est-ce pas un moi ?

 

tout comme la montagne froide

ou ce noyer oblitérés par le vide-même - la vérité par le vide -

cristallisé devant ses yeux

- amas de fines gouttelettes ou fins cristaux de glace en suspension

dans l’air - ah ! les leçons que nous enseignent les phénomènes physiques*

sa pensée consciencieuse ne peut distinguer

avec certitude sa propre existence.

 

Comme une autre fois, arpentant la montagne

il interroge l’ombre : non pas qui es-tu ? mais que suis-tu ?

n’étant lui-même plus rien que sa pérégrination incessante.

 

* W.S. Graham, cité dans l’introduction de Michael Snow, in Les Dialogues obscurs poèmes choisis, traduction de l’anglais (Écosse) de Anne-Sylvie Hommassel et Blandine Longre, Black Herald Press, 2013, p. 11

 

mardi 11 février 2025

À la boîte blanche, vues 610


 

Rien est un appel d’air.

 

Rien est un appel d’air.

Ce noyer invite, sous son âpre,

imagier trivial et

séculaire

à passer le pas.

 

Lui qui ose redonder

accordé au frimas,

ose la minutie du polypier dans la nuit d’hiver :

 

toi que ne rebute pas sa périssologie

ne crains pas de passer.

 

Aie la compréhension tacite de cette précision

qui n’est pas un péril.

 

Tu passeras avec ta sorcellerie de bande dessinée

et ton œil mythologique

- cette fois-ci, nulle noix nulle balise -

en pensant à  Hanshan

l’ermite mangeur de brume

étayé d’un bâton de noyer

qui errait dans la montagne froide

dont les voies sont sans fin

 

sage sous le verrou des brumes - le seul -

Pas de voie / qui aille jusqu’au bout

 

lundi 10 février 2025

À la boîte blanche, vues 609


 

Et sois littérale, oui.

 

Et sois littérale, oui.

Un pas, un pas dans la nuit sous l’âpre,

l’arbre aux en-têtes, aux brumes, aux foudres jupitériennes

- ou sur un pont -

un pas que tu passes à gagner ton bon droit

à la preuve littérale : le passage.

 

dimanche 9 février 2025

À la boîte blanche, vues 608


 

Cela pourrait être comme passer un gué

 

Cela pourrait être comme passer un gué

ou un pont au-dessus d’un court d’eau

avec l’air qui de côté te vient doucement

entreprendre, caresser

la jambe.

Tu laisses à l’endroit quelque chose de toi,

la sensation de l’enjambée ?

Tu ne restes pourtant pas suspendue là

mais la traversée t’affermit dans ton audace d’aller plus loin encore.

 

samedi 8 février 2025

À la boîte blanche, vues 607


 

Rénove avec rien !

 

Rénove avec rien !

Avec ces choses vues et ces choses remémorées

avec ce qui passe, qu’on ne peut retenir malgré nos efforts

avec ce qui ne passe pas (mais qu’on peut toujours

réinterpréter)

choses faites et défaites

réussites qui nous hantent

La nature trouve toujours simplement une autre issue.

 

Revois tes présages, rénove tes associations !

Rien est

un appel d’air.

 

vendredi 7 février 2025

À la boîte blanche, vues 606


 

emporte

 

emporte

(noyer plongeant

pour s’y mieux sentir ou s’y noyer ?

une roue minutieuse dont l’aubage

provoquant le remous

perpétue le mouvement insensible)

 

est-ce une illumination ? C’est

une illumination !

 

n’importe quel autre brogneux

en bordure de chemin

aurait mieux fait l’affaire (pour l’après-sabbat)

 

les broussins invitant au repos

invitant au répit

 

la nuit m’aurait portée ainsi, flottante,

comme la rivière porte

et j’aurais laisser couler mes pensées.

 

jeudi 6 février 2025

mardi 4 février 2025

lundi 3 février 2025

À la boîte blanche, vues 602


 

La pause, la nuit négative

 

La pause, la nuit négative

sous le noyer scellé par le frimas,

une sorte de roulement blanc d’ailes

au bord de la fixité

                                                          perpetuum mobile

la luisance des sillons

le point de fuite vers les bois

la daine exposant son répit, puis filant, ses pas légers

sur ces lignes sans empreintes                 

                                                         superflua demere

 

et il ne reste rien

 

dimanche 2 février 2025

À la boîte blanche, vues 601


 

C’est ce à quoi je pense

 

C’est ce à quoi je pense

sur cette petite route qui sinue entre les guérets

et les bois noirs.

À la callidie écarlate, insecte parfait,

si parfaite au printemps sur les ombelles des apiacées,

ici totalement à contretemps.

Ôte le rouge que rien ne peut prévenir, ôte ce rouge

et - même causes mêmes effets - recours au froid,

à l’écorce, à la sobriété.

 

À la forêt décidue qui couve sa couleur.

Noir sourd - noir-source - habillé de

brumes dilacérées, phylactères, je rentre à la nuit

(avec la nuit)

je mise sur le temps, accomplis-le ! Accomplis le chemin !

 

samedi 1 février 2025

À la boîte blanche, vues 600


 

Je ne saurai peut-être jamais

 

Je ne saurai peut-être jamais

- où est l’issue -,

cette fois-ci je regarde la callidie sanguine

méprise sur le réchauffement du bois

entreposé près du foyer :

nymphe trop vite évoluée,

l'imago erre maintenant au plancher, sur les livres, le clavier.

Où trouveras-tu les fleurs qu’il te faut ?

 

vendredi 31 janvier 2025

À la boîte blanche, vues 599


 

peu importe

 

peu importe, nous ne sommes pas les premiers

à tenter de passer ici,

sous ce noyer habillé de brume

noire comme les reliefs d’un sabbat

on le croirait, on y a cru, mais c’était avant

(désormais rien ne nous arrête plus)

                                        (hum, dérisoire lente avancée

sans franchissement jamais)

 

Toi, ne cède pas devant les malheurs, mais avec plus d'audace

suis la route que te permettra la Fortune* aurait vaticiné la sibylle

et oui, on y va

après avoir marqué la pause sous le noyer.

 

*Virgile, Énéide, chant VI, 95-96

 

jeudi 30 janvier 2025

À la boîte blanche, vues 598


 

comme pris au piège de la juglone

 

comme pris au piège de la juglone

ou d’une sibylle à l’énigmatique

oraculaire sentence

tu ne passeras pas ? Pas l’hiver ou le pas ?

peut-être pas ; juste un amas de gouttelettes

en suspension masquant la profondeur

à toute épreuve)

 

mercredi 29 janvier 2025

À la boîte blanche, vues 597


 

non, il nous effleure seulement

 

non, il nous effleure seulement

et nous filons

 

- les arbres tiennent la nuit ici

les noyers tiennent des haillons de brume

que nous prenons naïvement pour des reliefs

(peut-être les oripeaux de nos prédécesseurs

jugulés

 

mardi 28 janvier 2025

dimanche 26 janvier 2025

À la boîte blanche, vues 594


 

Signes noirs dans la nuit noire

 

Signes noirs dans la nuit noire

embrumée et plus tangible d’être

obturée ainsi

ils tendent des bras

défeuillés par incompatibilité avec

la croissance continue

(leur libéralité n’est pourtant plus à démontrer

en son temps)

mais endurant la nuit

mais opérants, bras

plus présents dans l’obtus

l’obscur hiver.

Embrassent (de plein fouet)

notre lumière qui passe.

 

samedi 25 janvier 2025

À la boîte blanche, vues 593


 

Non pas terres vaines, non,

 

Non pas terres vaines, non,

il suffit de passer sous ces arbres

de frôler les haies de ronciers

et d’églantiers, de prunelliers (on sait

ce que ça donne

en plein jour ou en pleine saison

ça n’est pas plus humain,

seulement plus familier).

Où, de nuit, un monde

confiant dans ses ténèbres

s’adonne à la perception.

 

vendredi 24 janvier 2025

À la boîte blanche, vues 592


 

(C’est là que cette petite route

 

(C’est là que cette petite route

sinue entre des guérets luisants

et la façade des bois

un rempart long et mouvant

fortifiant la brume

elle est bordée de tragédiennes

effigies, des noyers tors dans les phares,

des chênes lents enclins vers notre passage,

lent pour voir le répit des daines.)

 

jeudi 23 janvier 2025

À la boîte blanche, vues 591


 

[l'issue] vers quelque lieu ouvert, à investir, vers un toi irrévocable, vers une réalité à invoquer

 

[l'issue]  

vers quelque lieu ouvert, à investir, vers un toi irrévocable, vers une réalité à invoquer

dit Paul Celan*

sachant que ce transport est la cible, la seule cible plausible

- comme il est aussi celle de la flèche rapide qui traversa les douze haches

pour qu’Ulysse recouvre sa légitimité irrévocable,

et

l’agent de notre dénuement -)

 

J’ai pensé à la daine percluse,

des doutes entravant sa fuite, et

à son répit, son regard en arrière

dans la brume transpercée de nos phares.

 

*Paul Celan, « Discours de Brême », dans Poèmes, trad. de John E. Jackson, Le Muy, Unes, 1987, p. 17

 

mardi 21 janvier 2025

À la boîte blanche, vues 590



 

Le retranchement et la cause perdue.

 

Le retranchement et la cause perdue.

J’ai pensé à nos vies butées dans la terreur

comme figées parfois

(dans le porte-à-faux entre la blessure - notre méfiance

vis à vis de la libéralité, toute croissance flatteuse - et

le désir - malgré tout - et sans objet, l’issue

 

lundi 20 janvier 2025

samedi 18 janvier 2025

À la boîte blanche, vues 588


 

Ou ce faux-semblant

 

Ou ce faux-semblant, et de jaillir sur toute main tendue ?

Ta robe justement, grise qu’on dit brune

comme l’hiver

la nuit, les murs bruns le sol de béton lissé gris souris

d’une buanderie fanée

austère, où tu apparaissait perdu après un jeûne certain.

 

Ton hypothèse c’était que l’endroit offrirait un lieu sûr ?

Que la nature trouverait toujours simplement une autre issue ?

Ou t’es-tu rué à l’intérieur parce que ça c’est la nature,

la ruée, l’impétueux transport

la portée d’un objet lancé ? 

Le cerveau se rue-t-il avec son corps

 

comme tu t’es jeté ensuite sur le manche

mu par l’instinct de survie

comme tu as mordu son extrémité, retranché tu étais

dans tes limites, rat, les confins atteints

de tous tes possibles

ta vie troublée de rat démuni ?