jeudi 11 octobre 2018

Voilà : je sais à quoi pense ce fermier


Voilà : je sais à quoi pense ce fermier
qui moissonne son trèfle noir et sec
trônant dans sa cabine climatisée
sur un extraordinaire nuage de poussière ocre ( ou or )
qui brûle dans la lumière du soir
- un nuage qui le soulève et l’apparente à un Dieu - or
- je sais - il pense à la lame fourbie capable d’avaler
1,3 hectare l’heure fois tant d’heures, soit tant de graines
dans le réservoir, soit dix à treize fois plus que ne le faisait son père
en 50 53, lui qui ne recevait pas les subventions européennes,
tandis qu’à peine né, le fils ne résolvait encore pas les problèmes
mathématiques qui l’ont révélé si intelligent, si pragmatique aussi
que cette intelligence lui a permis de développer son entreprise
et d’élever son blé ( 1kg de grain pour 1 kg de pain ! ), son trèfle et son soja
en survivant aux années où les punaises et les coccinelles sont pour dix pour cent
de la récolte.
Il pense à cet échafaudage, cet équilibre savant, et ses pieds dans ses espadrilles conduisent touts seuls
et ses mains voltent en parlant, et il flotte.
Il dit c’est sa cinquante troisième saison.

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