jeudi 4 décembre 2025
Le jaune ravenelle
Le jaune ravenelle éclaire un territoire précieux
élargi, ramifié
sa clairière mute à l’envers du corps névralgique,
l’estomac s’enflamme. Réchauffe-moi veux-tu
au point où tu vis
plus vivante dans ces centres lumineux
lundi 1 décembre 2025
Ce jaune anachronique
Ce jaune anachronique crève le temps,
bouleverse l’image d’un vert dégradé de bruns rutilants,
de gris, et des verticales noires des fûts
à la lisière de cette clairière.
Il la réchauffe et délie le nerf.
Celui qui se croyait pris dans le tourment
de son absence comme un hiver
samedi 29 novembre 2025
À l’emplacement de l’ancienne peupleraie
À l’emplacement de l’ancienne peupleraie
– et bien au-delà sur les marges –
la mer jaune pâle, provisoirement étale
qui mérite pleinement son nom de clairière
écume doucement dans le soleil oblique
à petits bouillons, au soleil d’octobre [ravenelle]
le même soleil qui la faisait rentrer prématurément
et se rouler sur le gravier braisillant
vendredi 28 novembre 2025
Jusques au bout du temps
Jusques au bout du temps
là, comme une fleur [à] s’épanouir
à se déployer – une fleur parmi les fleurs –
est ce faon outré, renversé dans les chicorées
pattes raidies réunies en faisceau.
Aucune berce pour ombrer la charogne
mais le capitule matinal dans le pelage brun
là comme un rocher éboulé
ce ragot dans les orties, ou le blaireau recroquevillé
la grandeur effarante de ces corps – moi éblouie comme eux
l’ont été à coup sûr, pris dans les phares –
s’amenuise d’heure en heure
leur beauté tragique s’altère
Mais toi tu n’auras pas eu le temps
jeudi 27 novembre 2025
(si je roule, tu roules
(si je roule, tu roules
si je longe des lisières, nous longeons des lisières, des haies, des prés, des champs,
j’avale des parallèles,
j’arpente les bermes qui sont des espaces neutralisés
pour notre confort de rouleurs –
avant-première-ligne d’un autre monde, végétal et animal
non investie par nous mais prise sur le vôtre : nous ne doutons pas
d’y être maîtres quand bien même elle ne nous intéresse pas ;
nous y déposons nos trophées routiers (quand nous assumons nos trophées). Entre ces lignes
ils restent à pourrir. Des charognes qu’on déplore
et jusques à quand ?)
mercredi 26 novembre 2025
si près de chez toi
si près de chez toi, mon ophidienne (ton baiser ophidien), mon enjôleuse Petite Beauté
dont la douceur manque à mes foulées
sur cette route où je déambule moi aussi
à l’écoute de signaux probablement moins destinés
à ma personne qu’à des congénères entre eux
mais rien ne m’interdit d’intercepter, de participer.
Et tout m’incorpore à cet incoercible
et tout m’autorise
mardi 25 novembre 2025
les petits cyclamens
les petits cyclamens à ras du sol n’ont pas pâti de la tempête Benjamin
ils chatoient au centre de l’oreiller qu’ils forment encore
sous les capsules pluriloculaires [fusain d'Europe]
locules ou pendules… Ces bourses rose vif
oscillent comme les pendules sensitifs de l’oreille tendue partout
diligemment à l’écoute de l’ultime
– rose ou blanche – géométrie (qu’on pourrait dire aussi amusette
ou fiction (géométrique) : les cent fanions du cyclamen pointillent le lieu
comme sur la carte murale d’un détective les stations du crime)
tu étais si près du but
lundi 24 novembre 2025
Ce n’est pas un rêve difforme
Ce n’est pas un rêve difforme
– elle est bien l’absente de ce pré, mais si présente à mes pensées diffuses –
Petite Beauté, ma vision est une balade
entre vignobles verticaux essaimant,
qui préviennent un autre fleurissement
et le départ des saisons
je ne vois qu’un vert gorgé d’ombres,
fourbu
tirant vers le brun et tirant vers le noir (après la tempête Benjamin)
Absente de tous bouquets – désormais vivante dans ce non-lieu où elle a été convoquée, invoquée
vivant de la vie du poème –
et je la vois novice, musicalement levée – relevée – par le vers
(mais je la vois)
dimanche 23 novembre 2025
– Retrouve la chicorée
– Retrouve la chicorée et le laiteron ! –
Retrouve la couleur ! L’horizon !
Le vent lui, agite les vastes-vaines-vignes-verticales
voilages d’où se détachent des lambeaux rouges et jaunes roux
qui colorent les bermes qui colorent les guérets
dont les vrilles dessinent des sourires
samedi 22 novembre 2025
Sous les tentures averses des houblon
Sous les tentures averses des houblon,
lierre, clématite vigne blanche
passe et repasse – moi-même regard horizontal à l’épreuve du
vert vertigineux indéfini
mouillé rideau frontalement opposé à l’insouciance –
il m'oppose sa verticalité
sa hantise
– Retrouve le temps des marguerites, des porcelles enracinées et des trèfles ! –
son nom de Petite Beauté, son nom déjà
résonne
et ce hantement
fouit le sol
vendredi 21 novembre 2025
Géant volubile
Géant volubile hissé sur les réverbères
depuis la haie derrière les glissières de sécurité
(un auquel il faut son quota de lumière mais pas plus)
harponne les passants
et ses fleurs tintinnabulent (c’est un autre artifice, un torrentiel) [houblon sauvage]
pour qui te prodigues-tu ?
Elle Petite Beauté chancelante, frêle et volubile
qui serpentait à mes pieds comme cette Couleuvrée sur nos têtes, sa blonde lumière
jeudi 20 novembre 2025
Elle connaissait la haie
Elle connaissait la haie – la fête parcellaire –
son automne réjouissant
ces feuilles marbrées auxquelles une averse suffit
pour revenir supplanter la graine et la spirale
lui offrir l’oreiller d’herbe, le temps arrondi
de la sieste viendras-tu à moi ?
Elle connaissait le cyclamen – de Naples – et l’autre
marbré des haies conducteur d’ombres
(son cycle phénologique inversé)
ses ombelles pyrotechniques, et verdâtres [lierre grimpant]
ici ce feu, son homochromie touchante
me la faisait paraître fleur parmi les fleurs
mercredi 19 novembre 2025
Celui qui se croyait invisible
Celui qui se croyait invisible
et pointait ses fléchettes à l’aveugle sous les broussailles et la ronce
tête coiffée d’un minuscule origami rose vif ou blanc
une sorte de linotte végétale qu’on dirait écervelée mais non [cyclamen de Naples]
dans l’ombre portée sans dissimulation
célèbre la diminution des jours
comme elle, donne sa couleur aux pensées
mardi 18 novembre 2025
Le soir les tritons alpestres
Le soir les tritons alpestres
téméraires au ventre vif
(les mêmes qui viennent s’échouer dans la buanderie)
s’avancent dans leur phase terrestre
l’éclair orange des flancs sinue gauchement
sous la signature noire
Tu sinues singulièrement dans ma mémoire,
tu roules sur toi-même je réponds
Danse au sol et capte mon attention
lundi 17 novembre 2025
Je me vois
Je me vois longer la couleur
en longues foulées
en enjambées lestes dans la compacité verte du
bas-côté
pour combler le temps encore le millepertuis les marguerites disséminées
De quoi as-tu peur ?
Je perds l’image par oblitération comme je perds la mémoire
dimanche 16 novembre 2025
Le plus visible d’entre tous
Le plus visible d’entre tous, on ne le voit guère.
Thyrses penchés, violets pesants, le cintre
des rameaux ne démontre rien. [buddleia de David, arbre aux papillons]
Signe insignifiant (sauf pour les papillons),
la dépense tombe à terre (si ce n’est à l’eau
où elle constitue le danger) avant même que nous nous retournions.
L’instant précis m’a échappé, où elle s’est inclinée
samedi 15 novembre 2025
Rideau tombé sur l’ingénuité
Rideau tombé sur l’ingénuité
avec l’ingénuité du rideau qui d’un coup oblitère la scène
totalement dérobe à la vue la pierre concassée des remblais, descend
sur le ballast lui-même dans un glissement sûr, inexorable. Rutilant effrayant
l’épanchement que ne contient pas le millepertuis entièrement voué à l’endroit.
Comme est coloré ce no man’s land tout comme ma vision quand je pense à elle.
Je pense à ses couleurs, à ma Petite épanchée
Vois-là !
Je compose un été avec elle, je compose un pré et je compose le présent
vendredi 14 novembre 2025
Le colchique
Le colchique est l’ultime état de l’été
un dernier carat
d’elle, de toi
avec les rouges qui dégueulent des remblais [vigne vierge]
le long de la voie de chemin de fer
jeudi 13 novembre 2025
Vire au mauve caput mortuum
Vire au mauve caput mortuum
(le résidu dont on ne peut plus rien tirer)
La robe de reste après la calcination et l’intempérie
aussi je te pleure jusqu’à résolution aussi je te pleure
C’est dire : finalement
elle est ce qui reste de ce qu’elle a été
cet été que j’ai vu je t’ai vue
elle est cette couleur dernière du reste
après que l’esprit l’a quittée volatilisé
mercredi 12 novembre 2025
Voici le clou au talus – point final
Voici le clou au talus – point final
et clou de l’automne vénéneux –
couleur cerne-et-lilas, son illusoire
saison nous engage pourtant à traverser
le temps [colchique]
c’est qu’il n’aurait aucune notion
de ce qu’est une génération, se présentant Filium ante patrem
ou bien l’instinct sûr de ce qu’elle est
(d’elle aussi aurai-je les fruits hâtés
ne serait-ce que des signes
pour pourvoir à mon printemps ?)
mardi 11 novembre 2025
Comblant le fossé
Comblant le fossé le brouillard vibrant de lumière
léger léger bien que grainant
(ou vibrant parce que grainant)
vert printemps fourvoyé [cerfeuil des bois, anthrisque sauvage]
stimule l’œil – le mince espoir de vision,
de vision d’ensemble, malgré tout –
viendras-tu à moi, malgré tout, dans la splendeur de l’image ?
viens habiter ma raison, leste-la de tes bruns
Et c’est une splendeur !
Au printemps, première ombellifère, le cerfeuil verdissait la lisière
renouvelant à notre insu tout le plan de visée.
Aujourd’hui, monté au créneau de sa grenaison
son meilleur profil conquiert les bas-côtés d’un même élan.
D’un même élan à mes pieds mouillés de bruine
surmonte la berce et l’ortie, des bois noircis au bitume.
C’est lui qui s’avance, précis, c’est lui dans un habit de fougère.
C’est toi dans un récit dramatique
(elle ne peut quitter l’image défaillante, elle implore l’image de revenir à elle)





