vendredi 31 octobre 2025
Du calice enflé
Du calice enflé à résille fine
les claquets jouent avec nous un jeu bon enfant et bruyant,
comme d’un instrument
avec un léger ton de badinerie – voire de grivoiserie –
Ses larrons extravertis, tous de la partie, n’en font qu’une, [Blanc compagnon, Rouge compagnon]
(une qui ne suffit pas à faire taire le monde mais à l’enjouer oui)
Viens, silène, exacerber l’été exhausser l’absente viens jouer avec moi
jeudi 30 octobre 2025
Il reste les lanternes
Il reste les lanternes – pas des vessies –
ces fleurs blanc pur exorbitées,
expressives comme des mains compassionnées [silène enflé, claquet]
elles s’inclinent cordialement au passage.
Les silènes ont leur mimétique
leur compromis évolutif, leur partage solidaire et judicieux
des traits d’attractivité
mais toute la souche invite à pleurer ou à jouer. Parle avec elle
m’exhortent-ils, exactement où je la savais, en été,
couchée sous leur tonnelle de blancs
mercredi 29 octobre 2025
Acerbe
Acerbe, voilà ce que paraît le pissenlit, ajourné par
la porcelle qui l’a détrôné.
Il revient, sporadique, pourtant pas tout à fait contre nature.
Si la forme de la nécessité est un capitule
orienté, sa couleur est un jaune d’or éblouissant.
La forme antinomique n’est surtout pas le désastre :
la contingence n’est pas une fleur fanée, mais le regard
que nous portons à ces vies entières et minuscules.
Le désastre c’est elle, désormais absente des bouquets
des fourrés, sa musique inaudible, tue.
Sa véhémence inachevée.
mardi 28 octobre 2025
Et tandis qu’ascendante
Et tandis qu’ascendante celle-ci surpasse les prairies
et les friches, les bords des chemins
jaune capitule brandi vers la lumière [porcelle enracinée]
s’essaye à la course avec celui qui tint le pavé
au premier printemps
je considère moi ma Petite Beauté
affranchie de toute comparaison lorsqu’elle
passait parmi leur jaune éclatant
affranchie de toute probation
(sa réalité irréfutable, bringée, chaude, éclatait à nos yeux)
lundi 27 octobre 2025
Reprends-moi.
Reprends-moi.
On ne s’assoit pas, on passe véloces,
bermes en bandoulières, devant ces simples calcinées.
Quelques îlots de couleur encore – bleu pâle,
jaune citron, violet –
sur l’universelle reprise des verts font tressaillir le regard.
Quand je croise les roses papilionacées [gesse à larges feuilles, pois vivace]
– en racèmes étourdissants –
je virevolte avec elles je suis à vous, je reviens en vrille
J’aurai ses enroulements et ses désenroulements pour critère de sagesse
dimanche 26 octobre 2025
Comme elle épousait l’été
Comme elle épousait l’été façonnant sous la haie
l’herbe à son corps en crèches circulaires
que reprennent aujourd’hui (et ravivent)
les luisantes pendeloques en forme de cœur [capselle bourse-à-pasteur]
incises en exposants au-dessus d’un cœur crucifié,
ces capsules forment un chapelet d’amulettes
à égrener ou un hommage appuyé
Résous-toi. Sieds-toi.
samedi 25 octobre 2025
Orties orties orties
Orties orties orties
laiterons, chicorées noircies : du jaune et du bleu dans le vert purin
qu’allègent soudain les suspensions flottantes d’
indissociables nébuleuses ou amas stellaires,
on pense rêver [vergerette annuelle]
Devant moi mes rêves : elle dans les vergerettes,
elle joue à mes pieds, pour mes yeux cette volte serrée qui
imprime au monde son mouvement circulaire
vendredi 24 octobre 2025
Une invincible qui me dit
Une invincible qui me dit regarde
posée sur l’aire aride (et je crois voir)
comme n’importe quel oiseau de proie :
je crois voir un soleil quand c’est l’endurance,
la fermeté. La stratégie des stolons.
Je la vois en face. J’envie sa discipline.
Ne te résous pas.
Je continue à voir caracoler ma Petite Beauté
jeudi 23 octobre 2025
Pourquoi ne pas se fier à celle-ci ?
Pourquoi ne pas se fier à celle-ci ?
À défaut de déplacer les montagnes
elle fissure l’imprenable et s’y tient, très haute vigie à l’affût
ou bien, dans les mailles de l’asphalte infiltrée
elle ose une fleur solaire [piloselle, épervière piloselle]
alors on la voit mieux qu’une mire,
elle qui semblait postée là pour voir.
Avec cette façon de briller qui me rappelle ma Petite.
mercredi 22 octobre 2025
Vert sur vert dans l’ombre verte
Vert sur vert dans l’ombre verte
le vert de l’ortie une humilité qui touche
– vouée à la révérence –
Passant l’accotement elle s’associe à l’herbe
elle s’associe aux ornières, noires comme le miroir
où je la vois, ma Petite bringée, sur l’ombre de la lisière
L’ortie frétille dans l’eau, ses pointes à bout touchant
vers l’œil inquisiteur ne percent rien
cherchant la couleur il rejoint là-bas
un îlot d’épilobes cursives après la coupe claire
(l’œil flaire ces choses-là, la reprise)
mardi 21 octobre 2025
Haie de candélabres
Haie de candélabres frêles et austères
tout éteints car temps gris – la solennité du gris,
l’accord hautain juste en lisière de bosquet – [lampsane commune]
une sourcilleuse, qui ne désespère pas du soleil
et qui réserve sa floraison
fleurons resserrés comme en berne je n’en demandais pas tant
je porte ma Petite assez haut dans le regard
(je devrais dire : mes yeux empreints d’elle)
Je m’adosse à la haie qui s’efface
lundi 20 octobre 2025
Une berce commune
Une berce commune aux limbes larges comme des berceaux
découpe l’horizon partiellement masqué,
partiellement ciel (parcielementiel), espace incurvé par ses lignes courbes
qui l’enlacent.
Un frisson dans l’herbe, une oscillation de berce
enchevêtrent les lignes de la très haute charpente anthropique.
(C’est que je teste la couche d’herbe
car je suis ma Petite sur ses erres refroidies, dans ses nids qui se délacent.
Les ombelles étoilent dans le ciel.)
dimanche 19 octobre 2025
Comme est partout la grande marguerite
Comme est partout la grande marguerite
au balancement bref – l’amplitude est dans le consentement,
l’épaulement des trèfles contrebute le vertige –
le blanc pur du capitule couronne la rouille
qui s’étend du pré au front des forêts
elle qui précède le noir
et sur la berme
les fosses et les talus
prévient les hampes de l’oseille et la petite brunelle
joue avec moi au dernier soleil
Des astres frivoles – mieux dire légers car ils ajoutent tant
à notre connaissance –
points mobiles dans ma conscience du changement, tournent
comme des rouelles
(elle était enroulée sur elle-même dans le jardin aux aromates.
Elle respirait doucement ; tout son pelage sentait la népète et le romarin. Puis vers
le roncier du fond partait chasser)
samedi 18 octobre 2025
Reliefs de l’été
Reliefs de l’été :
nous passions par là où sont trèfles et luzerne scabieuse jacée
berce aujourd’hui encore dont les feuilles dessinent des côtes
sa fleur explose sans bruit près de mon littoral
en limite d’eaux troublées par la vision partout surexposée
de ma Petite Beauté
par ailleurs défaillante
par ailleurs
et moi ici stoppée dans le dessin de ma paix paisible pâture
(paissance sur le lieu commun de la route communale)
manquante au rendez-vous
automnal comme un délassement de quel droit j’y reviens toujours
de quel droit s’arroger les espaces ? – du bon droit de l’usage
ou de la nécessité ?
– du bon droit de l’inclination ?
Elle peut être partout rudérale comme elles toutes
vendredi 17 octobre 2025
Repose-toi
Repose-toi dans le bleu pointé-ponctué
bleu à bleu lavé (mais pas fleur bleue)
disséminé sur les bermes
un semis de chicorée craquelle la porcelaine du silence
souvient d’autres termes
(à dire dans ses intervalles)
d’autres fins déniées (à toutes fins utiles)
(je sais où la chercher)
ainsi elle revient comme ils et elles reviennent,
ma Petite Beauté dans les molènes
ma Petite Beauté dans les onagres couchée
et les chrysanthèmes
la nuit l’herbe des bermes scintille
la rosée fleurit
jeudi 16 octobre 2025
Regarde tomber le jour
Regarde tomber le jour ou bien suis les jalons
que font, de loin en loin, les tiges grêles – noires
à contre-jour –
grandes, grêles et tragiques, des pleurantes dans le couchant [molène Bouillon blanc]
et torses parfois (mèche déviée, fuyant la mémoire et la poix ?)
pleure avec elles
elle savait furtif le chemin entre les molènes
feutré le limbe au-dessus
(se faufile encore son ombre dans leur ombre argentée)
La hampe en bordure contorsionne le reste de lumière
Tourne ça comme tu veux
mercredi 15 octobre 2025
Grande ortie
Grande ortie bien visible au fond des fossés
sommités inclinées vers le collet comme un retour volontaire
vers le pied, est-ce un repli ? côtoie la belle froncée,
l’oxalique, qui offre en primeur sa couleur
mais ne pourra rien contre la défaite pressentie [patience crépue, oseille crépue]
ma Petite Beauté comme cette patience était couronnée
de rouille, et comme elle, regardait déchoir son empire
avec un sourire de confiance
Dans l’herbe chatoie son œil roux :
un détail dans la permanence alternative du vert, comme un courant
mardi 14 octobre 2025
Le pré tout entier
Le pré tout entier s’oxyde
mais pas la mémoire.
L’achillée préside à l’altération d’une souche d’épicéa.
Les corymbes couleur de sel gemme miroitent dans le poudrier.
Là, stylite, elle scrutait l’agitation dans l’herbe. Là,
elle présidait la révolution de l’Argus bleu
au-dessus d’un cercle folâtre de têtes roses, [trèfle des prés]
roses parmi les écheveaux lâches et les cent minuscules yeux jaunes [luzerne lupuline]
Des yeux regardent l’envers des choses.
Qui oserait entrer dans la danse ?
Au rose et jaune fox-trot des fabacées Entrez, voyez comme on danse :
elle entrait sans réticence
jeudi 9 octobre 2025
Plus rose que rose
Plus rose que rose, l’épilobe scelle la fin de partie.
Ma Petite Beauté s’inscrit tendrement dans le mouvement.
Coté soleil brasille un bouquet éblouissant, blanc nacré
comme un œuf au plat
au-dessus d’un fouillis de feuilles découpées [achillée millefeuille]
(mais le jaune est ailleurs, décalé au centre de cette autre) [marguerite commune]
mercredi 8 octobre 2025
Envolée d’épilobes, mon cœur
Envolée d’épilobes, mon cœur mon cœur soulève-toi
ne se sent plus. mon cœur soulève-toi
Elle est là, couchée en surimpression, mais trop pesante pour un cœur léger
(ou trop légère pour un cœur lourd ?)
Sur les épis,
à coté des fleurs, les capsules linéaires
disséminent leur duvet papillonnant.
Et voici le tapage d’oisillons plus ravageurs de silence.
Un tumulte virevoltant. [clématite vigne-blanche]
mardi 7 octobre 2025
Sa flamboyance
Sa flamboyance à l’heure monastique,
la belle pénombre d’un souffle long allonge la hampe,
dont le flambeau montre le chemin.
Trouve-moi cachée dans le silence
À revoir sans cesse ma petite, noire comme la nuit
remonter la nuit – comme les phalènes à la livrée mimétique,
morphe clair sur l’écorce claire des bouleaux, morphe brun carbonaria
sur l’écorce noire – je la sais invulnérable.
À la voir ainsi, bringée dans l’herbe piquée de trèfle fanés, de brunelles roussies
à la voir,
la revoir
Lignes floues d’épilobes en épi
flopées d’épilobes ondoyants sous la glissière de sécurité
sans contredire la rigidité de la rampe
moirent de rose-pourpre la fin du chemin
