vendredi 31 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 851


 

Du calice enflé

 

Du calice enflé à résille fine

les claquets jouent avec nous un jeu bon enfant et bruyant,

comme d’un instrument

avec un léger ton de badinerie – voire de grivoiserie –

 

Ses larrons extravertis, tous de la partie, n’en font qu’une,         [Blanc compagnon, Rouge compagnon]

(une qui ne suffit pas à faire taire le monde mais à l’enjouer oui)

Viens, silène, exacerber l’été exhausser l’absente viens jouer avec moi

 

jeudi 30 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 850


 

Il reste les lanternes

 

Il reste les lanternes – pas des vessies – 

ces fleurs blanc pur exorbitées,

expressives comme des mains compassionnées                         [silène enflé, claquet]

elles s’inclinent cordialement au passage.

 

Les silènes ont leur mimétique

leur compromis évolutif, leur partage solidaire et judicieux

des traits d’attractivité 

mais toute la souche invite à pleurer ou à jouer. Parle avec elle

m’exhortent-ils, exactement où je la savais, en été,

couchée sous leur tonnelle de blancs

 

mercredi 29 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 849


 

Acerbe

 

Acerbe, voilà ce que paraît le pissenlit, ajourné par

la porcelle qui l’a détrôné.

Il revient, sporadique, pourtant pas tout à fait contre nature.

 

Si la forme de la nécessité est un capitule

orienté, sa couleur est un jaune d’or éblouissant.

La forme antinomique n’est surtout pas le désastre :

la contingence n’est pas une fleur fanée, mais le regard

que nous portons à ces vies entières et minuscules.

 

Le désastre c’est elle, désormais absente des bouquets

des fourrés, sa musique inaudible, tue.

Sa véhémence inachevée.

 

mardi 28 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 848




 

Et tandis qu’ascendante

 

Et tandis qu’ascendante celle-ci surpasse les prairies

et les friches, les bords des chemins

jaune capitule brandi vers la lumière                                                     [porcelle enracinée]

 

s’essaye à la course avec celui qui tint le pavé

au premier printemps

 alors plus opulent et plus court mais mieux acéré                             [pissenlit, dent-de-lion]

 

je considère moi ma Petite Beauté

affranchie de toute comparaison lorsqu’elle

passait parmi leur jaune éclatant

                                                    affranchie de toute probation

(sa réalité irréfutable, bringée, chaude, éclatait à nos yeux)

 

lundi 27 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 847


 

Reprends-moi.

 

Reprends-moi.

On ne s’assoit pas, on passe véloces,

bermes en bandoulières, devant ces simples calcinées.

Quelques îlots de couleur encore – bleu pâle,

jaune citron, violet –

sur l’universelle reprise des verts font tressaillir le regard.

Quand je croise les roses papilionacées                                    [gesse à larges feuilles, pois vivace]

– en racèmes étourdissants –

je virevolte avec elles                             je suis à vous, je reviens en vrille

 

J’aurai ses enroulements et ses désenroulements pour critère de sagesse

 

dimanche 26 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 846


 

Comme elle épousait l’été

 

Comme elle épousait l’été façonnant sous la haie

l’herbe à son corps en crèches circulaires

 

que reprennent aujourd’hui (et ravivent)

les luisantes pendeloques en forme de cœur                            [capselle bourse-à-pasteur]

incises en exposants au-dessus d’un cœur crucifié,

ces capsules forment un chapelet d’amulettes

à égrener ou un hommage appuyé

Résous-toi. Sieds-toi.

 

samedi 25 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 845


 

Orties orties orties

 

Orties orties orties

laiterons, chicorées noircies : du jaune et du bleu dans le vert purin

qu’allègent soudain les suspensions flottantes d’

indissociables nébuleuses ou amas stellaires,

on pense rêver                                                                      [vergerette annuelle]

 

Devant moi mes rêves : elle dans les vergerettes,

elle joue à mes pieds, pour mes yeux cette volte serrée qui

imprime au monde son mouvement circulaire

 

vendredi 24 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 844


 

Une invincible qui me dit

 

Une invincible qui me dit         regarde 

posée sur l’aire aride          (et je crois voir)

comme n’importe quel oiseau de proie :

je crois voir un soleil quand c’est l’endurance,

la fermeté. La stratégie des stolons.  

Je la vois en face.         J’envie sa discipline.

 

Ne te résous pas.

Je continue à voir caracoler ma Petite Beauté

 

jeudi 23 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 843


 

Pourquoi ne pas se fier à celle-ci ?

 

Pourquoi ne pas se fier à celle-ci ?

À défaut de déplacer les montagnes

elle fissure l’imprenable et s’y tient, très haute vigie à l’affût

ou bien, dans les mailles de l’asphalte infiltrée

elle ose une fleur solaire                                                        [piloselle, épervière piloselle]

alors on la voit mieux qu’une mire,

elle qui semblait postée là pour voir.

Avec cette façon de briller qui me rappelle ma Petite.

 

mercredi 22 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 842


 

Vert sur vert dans l’ombre verte

 

Vert sur vert dans l’ombre verte

le vert de l’ortie une humilité qui touche

– vouée à la révérence –

 

Passant l’accotement elle s’associe à l’herbe

elle s’associe aux ornières, noires comme le miroir

où je la vois, ma Petite bringée, sur l’ombre de la lisière

 

L’ortie frétille dans l’eau, ses pointes à bout touchant

vers l’œil inquisiteur ne percent rien

 

cherchant la couleur il rejoint là-bas

un îlot d’épilobes cursives après la coupe claire

(l’œil flaire ces choses-là, la reprise)

 

mardi 21 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 841


 

Haie de candélabres

 

Haie de candélabres frêles et austères

tout éteints car temps gris – la solennité du gris,

l’accord hautain juste en lisière de bosquet –                           [lampsane commune]

 

une sourcilleuse, qui ne désespère pas du soleil

et qui réserve sa floraison

 

fleurons resserrés comme en berne        je n’en demandais pas tant

 

je porte ma Petite assez haut dans le regard

(je devrais dire : mes yeux empreints d’elle)

Je m’adosse à la haie qui s’efface

 

lundi 20 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 840


 

Une berce commune

 

Une berce commune aux limbes larges comme des berceaux

découpe l’horizon partiellement masqué,

partiellement ciel (parcielementiel), espace incurvé par ses lignes courbes

qui l’enlacent.

Un frisson dans l’herbe, une oscillation de berce

enchevêtrent les lignes de la très haute charpente anthropique.

 

(C’est que je teste la couche d’herbe

car je suis ma Petite sur ses erres refroidies, dans ses nids qui se délacent.

Les ombelles étoilent dans le ciel.)

 

dimanche 19 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 839


 

Comme est partout la grande marguerite

 

Comme est partout la grande marguerite

au balancement bref – l’amplitude est dans le consentement,

l’épaulement des trèfles contrebute le vertige –

 

le blanc pur du capitule couronne la rouille

qui s’étend du pré au front des forêts

elle qui précède le noir

                                      et sur la berme

                                 les fosses et les talus

prévient les hampes de l’oseille et la petite brunelle

                                                                                    joue avec moi au dernier soleil

 

Des astres frivoles – mieux dire légers car ils ajoutent tant

à notre connaissance –  

 

points mobiles dans ma conscience du changement, tournent

comme des rouelles

                                 (elle était enroulée sur elle-même dans le jardin aux aromates.

Elle respirait doucement ; tout son pelage sentait la népète et le romarin. Puis vers

le roncier du fond partait chasser)

 

samedi 18 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 838


 

Reliefs de l’été

 

Reliefs de l’été :

nous passions par là où sont trèfles et luzerne scabieuse jacée

berce aujourd’hui encore dont les feuilles dessinent des côtes

 

sa fleur explose sans bruit près de mon littoral

en limite d’eaux troublées par la vision partout surexposée

de ma Petite Beauté

 

par ailleurs défaillante

                                    par ailleurs

 

et moi ici stoppée dans le dessin de ma paix            paisible pâture

(paissance sur le lieu commun de la route communale)

 

                                                      manquante au rendez-vous

automnal comme un délassement de quel droit        j’y reviens toujours

de quel droit s’arroger les espaces ? – du bon droit de l’usage

ou de la nécessité ?

– du bon droit de l’inclination ?

 

Elle peut être partout rudérale comme elles toutes

 

vendredi 17 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 837


 

Repose-toi

 

Repose-toi dans le bleu pointé-ponctué

                                                                 bleu à bleu lavé (mais pas fleur bleue)

disséminé sur les bermes

                                               un semis de chicorée craquelle la porcelaine du silence

                                                                 souvient d’autres termes

(à dire dans ses intervalles)

                                                                d’autres fins déniées (à toutes fins utiles)

(je sais où la chercher)

 

ainsi elle revient comme ils et elles reviennent,

ma Petite Beauté dans les molènes

ma Petite Beauté dans les onagres couchée

et les chrysanthèmes

 

la nuit l’herbe des bermes scintille

la rosée fleurit

 

jeudi 16 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 836


 

Regarde tomber le jour

 

Regarde tomber le jour ou bien suis les jalons

que font, de loin en loin, les tiges grêles – noires

à contre-jour –

 

grandes, grêles et tragiques, des pleurantes dans le couchant   [molène Bouillon blanc]

et torses parfois (mèche déviée, fuyant la mémoire et la poix ?)

 

pleure avec elles

 

elle savait furtif le chemin entre les molènes

                 feutré le limbe au-dessus

(se faufile encore son ombre dans leur ombre argentée)

 

La hampe en bordure contorsionne le reste de lumière

 

Tourne ça comme tu veux

 

mercredi 15 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 835


 

Grande ortie

 

Grande ortie bien visible au fond des fossés

sommités inclinées vers le collet comme un retour volontaire

vers le pied, est-ce un repli ? côtoie la belle froncée,

l’oxalique, qui offre en primeur sa couleur

mais ne pourra rien contre la défaite pressentie                       [patience crépue, oseille crépue]

 

ma Petite Beauté comme cette patience était couronnée

de rouille, et comme elle, regardait déchoir son empire

avec un sourire de confiance

 

Dans l’herbe chatoie son œil roux :

un détail dans la permanence alternative du vert, comme un courant

 

mardi 14 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 834


 

Le pré tout entier

 

Le pré tout entier s’oxyde

mais pas la mémoire.

 

L’achillée préside à l’altération d’une souche d’épicéa.

Les corymbes couleur de sel gemme miroitent dans le poudrier.

 

Là, stylite, elle scrutait l’agitation dans l’herbe. Là,

elle présidait la révolution de l’Argus bleu

au-dessus d’un cercle folâtre de têtes roses,                            [trèfle des prés]

roses parmi les écheveaux lâches et les cent minuscules yeux jaunes                                                                                                                                                                [luzerne lupuline] 

 

Des yeux regardent l’envers des choses.

Qui oserait entrer dans la danse ?

Au rose et jaune fox-trot des fabacées Entrez, voyez comme on danse :

elle entrait sans réticence

 

jeudi 9 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 833


 

Plus rose que rose

 

Plus rose que rose, l’épilobe scelle la fin de partie.

Ma Petite Beauté s’inscrit tendrement dans le mouvement.

 

 

Coté soleil brasille un bouquet éblouissant, blanc nacré

comme un œuf au plat

au-dessus d’un fouillis de feuilles découpées                            [achillée millefeuille]

(mais le jaune est ailleurs, décalé au centre de cette autre)      [marguerite commune]

 

mercredi 8 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 832


 

Envolée d’épilobes, mon cœur

 

Envolée d’épilobes, mon cœur           mon cœur soulève-toi

                                                  ne se sent plus.                    mon cœur soulève-toi

 

Elle est là, couchée en surimpression, mais trop pesante pour un cœur léger

(ou trop légère pour un cœur lourd ?)

Sur les épis,

à coté des fleurs, les capsules linéaires

disséminent leur duvet papillonnant.

 

Et voici le tapage d’oisillons plus ravageurs de silence.

Un tumulte virevoltant.                                                          [clématite vigne-blanche]

 

mardi 7 octobre 2025

À la boîte blanche, vues 831




 

Sa flamboyance

 

Sa flamboyance à l’heure monastique,

la belle pénombre d’un souffle long allonge la hampe,

dont le flambeau montre le chemin.

Trouve-moi cachée dans le silence

 

À revoir sans cesse ma petite, noire comme la nuit

remonter la nuit – comme les phalènes à la livrée mimétique,

morphe clair sur l’écorce claire des bouleaux, morphe brun carbonaria

sur l’écorce noire – je la sais invulnérable.

À la voir ainsi, bringée dans l’herbe piquée de trèfle fanés, de brunelles roussies

à la voir,

               la revoir

 

Lignes floues d’épilobes en épi

flopées d’épilobes ondoyants sous la glissière de sécurité

sans contredire la rigidité de la rampe

moirent de rose-pourpre la fin du chemin