dimanche 8 juin 2025

À la boîte blanche, vues 727


 

Non non

 

Non non (omniprésente pourtant, jusque dans les iris déchirés,

et incomprise comme un rêve qu’on écoute pas

dont l’adresse est perdue

dont le langage est perdu)

 

non, elle est de tous les

vers pointés vers l’autre marge, verges

en fascines fortifiant la nuit, une charge, un faisceau

de faits concordants, écus miroitants

 

contre images assassines, l’œil raflé

par le bleu, non, elle nomme les peurs

et je, lui, assimile ces peurs

fourbit ses larmes et ses pieds

 

samedi 7 juin 2025

À la boîte blanche, vues 726


 

il goûtait cette lumière

 

il goûtait cette lumière, par-dessus tout,

– pas de plomb transmué en or, non, pas jusque là ! –

qui coulait dans le seillon de l’imagination.

Il désirait en faire quelque chose. Coûte que coûte.)

 

Maintenant il suit le tempo des gouttes

pas parfaitement régulier

moelleux (visqueux peut-être), le pouls résistant

palpitant dans la veine

 

il faut revenir à la vie qui motive les variations

pense-t-il, la source : une goutte échappée du chéneau

la coulure des acacias dans le ciel dur,

et la frange des iris pâles dans le jardin, qui rehausse pourtant ce qu’il voit

 

et je me demande ce que je compte faire de ces multiples riens,

que faire de ces tiges trop minces, par exemple, qui n’étayent

pas le moins du monde la pensée

est-ce ainsi que jel compte témoigner des ravages de la guerre ?

 

vendredi 6 juin 2025

À la boîte blanche, vues 725


 

Le goutte à goutte

 

Le goutte à goutte du chéneau dans le seau.

Le seau s’évase doucement sur la palière

et l’eau comme un feutre absorbe ce pouls qui s’altère,

le pouls de ce grand corps,

 

il écoute l’évasion du jour, la fin de la pluie,

le rossignol revient au compte goutte

et le bourdon dans les fraisiers en fleurs

parmi la mélisse, c’est tout ce qu’il vit,

 

bien après les acacias du bord de route,

– leurs boucles –

loquace la haie d’honneur le réveillait

en suspension dans le petit matin

 

(pâles anglaises à l’évidence évidaient

le ciel plombé

trayaient le ciel – un lait clairet suintait :

c’était de la lumière –

 

jeudi 5 juin 2025

À la boîte blanche, vues 724


 

Renonçant à la compréhension

 

Renonçant à la compréhension – il ne peut (ni ne veut) vivre de

ce qu’il comprend – il s’offre, non au monde

mais au transport (c'est-à-dire à lui-même, il s’autorise à être sa propre nature,

qu’il avalise comme un fait de langage)

 

ce désistement de toute signification l’implique vis-à-vis du monde entier

il varie avec les choses, dans, par les choses, ballotté

de l’une à l’autre

c’est lui qui est mis à l’épreuve d’elles.

 

Il ne fait que traduire.

L’expérience d’un entendement d’une toute autre sorte

tiré des sensations, redevable à l’induction.

Il ne comprend rien, il entend tout.

 

mercredi 4 juin 2025

À la boîte blanche, vues 723


 

Qui chante cette nuit-là

 

Qui chante cette nuit-là, il l’ignore.

Il ne sait plus très bien qui il est,

ou plutôt si : il est en rapport,

il prend corps dans ce rapport

 

et son humble figure est la figure de l’humilité

elle provient des profondeurs, passé le seuil du soliloque

 

(les limbes du langage, l’œuf flottant)

elle rayonne adossée à son amour, au cœur du concert qu’elle désire.

 

mardi 3 juin 2025

À la boîte blanche, vues 722


 

c’est ce qu’il se dit

 

c’est ce qu’il se dit épinglé par la voix

(plutôt fulguré – frappé

mais vivant – brutalisé mais

toujours en quête de quelque chose de vrai

 

pour finir sa journée) « ne tombe pas ailleurs,

choisis cet instant pour éprouver ta bravoure

essaye-toi à l’amour – espère, espère !

comme achevez-les ! achevez-les !  – et fleurir cependant »

 

tandis que le rossignol continue solitaire

son chant de l’interminable fin

– son chant sans qu’on sache s’il a été rejoint –

c’est toute son endurance qu’il promeut

 

« en attendant fais le bouquet »

« en attendant fais la vie (pas le mort) »

et il invente un rythme avec ses pieds

qui a l’espoir de toucher l’autre.

 

lundi 2 juin 2025

À la boîte blanche, vues 721


 

le réel, la rudesse d’un mur

 

le réel, la rudesse d’un mur

qu’investissent la capillaire des murailles et la valériane

 

il peut vouloir aller au-delà

ou s’enraciner aussi (la même fièvre

le même essor), au côté des myosotis

fougères mâles et capillaires

 

l’austérité de son je vite gagnée par la profusion

de la réalité (il y a de quoi faire

en ce mur !) des images qu’il apporte,

et s’il y mêle le parfum des mélisses !

 

Il est la proie de sa profusion consentie,

de son imagination fertile :

il s’en remet sans cesse à l’effroi… et au feu,

c’est ce chaud-froid qui fourbit son arme

 

– la dureté de son fer –

comme à la forge

 

« ne tombe pas ailleurs qu’ici

je

foudroyé par la fièvre

devant ce mur » 

 

dimanche 1 juin 2025

À la boîte blanche, vues 720


 

avec toute la profusion en lui

 

avec toute la profusion en lui

avec toutes les images, toutes les lectures

et les dérives dont il est capable

il décuple le rossignol.

 

Aime tout ce qui t’échoit, semble-t-il annoncer

partout où on l’entend, aime tout

avec la ferveur des pierres

la constance de l’écho.

 

Écoute le rossignol :

Tomber ou voler ? ce pourrait être sa question

– comme le martinet, oui –

ou fleurir maintenant ?

 

et il regarde autour de lui

il contemple le mai qui impose

sa vision : le culte du mur au pied duquel je

(trop tard pour ne pas voler)

 

samedi 31 mai 2025

À la boîte blanche, vues 719


 

Des Fioretti !

 

Des Fioretti ! Oui, il en fait le récit

(et il incorpore délicatement quelque chose d’humain

dans la fable du rossignol

– comme si celui-ci chantait pour lui seul ! –)

 

et eux l’écoutent.

Dans la chaleur de la page, il

étend l’homme à l’amour, malléable

comme il peut être, il l’allonge

 

l’allonge encore

l’entrelace avec les faits trillés

comme les sarments ou les fibrilles déliés

de la vigne sur le mur chauffé à blanc.

 

À la marge, l’homme

prend sa place de brin flottant, brimborion

souplement abreuvé de sons,

il enlumine le chant

 

vendredi 30 mai 2025

À la boîte blanche, vues 718


 

sauvées avec

 

[les choses bienheureuses d’être vues

– le motif bien senti –]

 

sauvées avec

– sauf le nageur –

l’attention et la douceur

la bénévolence apprise du rossignol philomèle

 

(il parle bien aux humains

qui sont ses frères mineurs, apparemment

pris dans la même diachronie qu’eux, pense-t-il. 

Écrivons-lui des Fioretti !)

 

recensons ré citons ses dialogues, les légers coups d’ailes

près des cimes

la clameur de son chant

sur le champ variable de la lune !

 

mercredi 28 mai 2025

À la boîte blanche, vues 716


 

en nageur recouvré

 

en nageur recouvré, il embrasse la nuit liquide

il joue avec la voix (il quiritte)

il joue avec l’oiseau qui expose l’amour au tout-venant

juste au-dessus des grandes marguerites

 

lucescentes, toutes faces tournées vers lui,

et des petites bugles entêtées, œillères opposées

à la frivolité de simples festons :

mélisse, myosotis et fraisiers sauvages.

 

Je pense qu’il a besoin de l’assentiment a priori

du motif, de son adhésion à la proposition

(lui, cherche toujours comment), non pas un blanc-seing

mais une prédisposition généreuse.

 

mardi 27 mai 2025

À la boîte blanche, vues 715


 

ample, dit-il, comme le chant

 

ample, dit-il, comme le chant

qui attendrit la nuit, ample et délié,

ses reprises non comme des sentences

mais des invitations à l’accord.

 

Dans le noir il écoute, et ce n’est pas à la mort

qu’il pense cette fois-ci, mais à la vie (ou à la mort)

l’étrange accord des deux en ce lieu (brutal je divertissant

un champ inégal où elles fusionnent), il nage

 

lundi 26 mai 2025

dimanche 25 mai 2025

À la boîte blanche, vues 713


 

C’est l’obscurité

 

C’est l’obscurité qui répercute ses silences apnéiques

– les mots oubliés pour accompagner le chant, il

chante, hante la nuit réverbérée, cristalline –

des modulations brèves entrecoupées d’apnées

 

par lesquelles je, subjugué, prend l’eau

boit la tasse du chant qui l’inonde

– le submerge –

mais il se remémore soudain les mouvements de la nage

 

samedi 24 mai 2025

À la boîte blanche, vues 712


 

il inonde le vase plein d’échos de la nuit

 

[il inonde le vase plein d’échos de la nuit]


dont on entend qu’il réfléchit

de houppier en hallier le trille

comme un bouquet sonore

 

lui aussi, il se parle seul,

à modeler/formuler : moduler un chant

d’oubli et d’abus (abus de suspenses, de silences )

                            – le soliloque d’un sculpteur d’oubli –

 

Que répète-t-il qu’il retrouve

que retrouve-t-il ? – si c’est bien lui –

d’année en année qui de l’intuition sensible du renouveau l’amène

aussi délicatement – suavement – à la subsomption du chant ?

 

vendredi 23 mai 2025

À la boîte blanche, vues 711


 

le rossignol dévalait la sienne

 

le rossignol dévalait la sienne

depuis l’une des branches hautes du cerisier

puis d’un frêne élevé

le porte-voix réjoui changeait de main volontiers

 

volontiers clamant, clair, le trille enlaçait l’ouïe, là-bas, ici,

il était là, parfaitement invisible

mais si présent

manne coulant comme de source

 

il inonde le vase plein d’échos de la nuit

 

jeudi 22 mai 2025

À la boîte blanche, vues 710


 

c’est le silence

 

c’est le silence et

le rossignol est le rossignol – et je

n’en est pas un, de rossignol, (sauf à

se complaire de son austère capacité d’abstraction ?)

 

ni rossignol ni requin drôle (le requin lamentable

de la chanson drôle)

son ombre propre – démente –

seule l’oriente.

 

Plus tard il recommence à parler

et le rossignol philomèle à modeler/formuler l’obscurité (vase ou porte-voix).

Depuis la table il l’écoute mais

il reste pris à l’hameçon infinitésimal de l’épillet

 

pris dans le soleil méridien disséminé

quand il s’est vu, debout

dans un champ accru,

(parfois il se complaît à cru)

 

perdant pied

et perdant main.

Quand l’œil (et l’oreille) seul

dévalait la pente du soleil

 

mercredi 21 mai 2025

À la boîte blanche, vues 709


 

En buste,

 

En buste suspendu et ancré,

pâle au soleil d’avril il statufie

l’assidu, l’épi

l’œil apical

 

le retour – jamais exactement le même

mais toujours identifié –

le rossignol intarissable

dont il ne sait s’il est un autre

 

– intarissable dont le chant s’arrête pourtant

et c’est le silence, soudain,

par une nuit pluvieuse et soudaine

sans qu’on sache bien où il est allé –

 

mardi 20 mai 2025

À la boîte blanche, vues 708


 

son buste extrait de l’hiver

 

son buste extrait de l’hiver – comme une fleur

s’extrait lentement, imperceptiblement, de la terre :

elle la traverse – bientôt

il est rejoint par elles, « herbes qui le dépassent »

 

les d’épillets déjà lourds mais pas encore inclinés

mêlés à la grande marguerite et au sainfoin,

cette esparcette délicate à feuille de vesce

dont son œil se paît inlassable.

 

lundi 19 mai 2025

À la boîte blanche, vues 707


 

Enraciné – c’est son bien-fondé

 

Enraciné – c’est son bien-fondé pense-t-il

sa cause et son bon droit, il a raison.

La lumière l’enracine, la lumière le dévie –

des éclosions le déportent loin de ses abstractions

 

il mâche des noms touffus qu’il marie

aux épithètes, il mâche l’herbe, les épillets

du filtre, absorbé dans la lumière et empirique

il clame des prédicats dans la clameur générale

 

il inachève jusqu’à sa phrase, jusqu’à ses paumes

lorsque au-dessus de sa tête les clapets sourds

des ramiers lui soufflent la parabole

– un ralenti heureux, herbe qui le dépasse –