dimanche 8 juin 2025
Non non
Non non (omniprésente pourtant, jusque dans les iris déchirés,
et incomprise comme un rêve qu’on écoute pas
dont l’adresse est perdue
dont le langage est perdu)
non, elle est de tous les
vers pointés vers l’autre marge, verges
en fascines fortifiant la nuit, une charge, un faisceau
de faits concordants, écus miroitants
contre images assassines, l’œil raflé
par le bleu, non, elle nomme les peurs
et je, lui, assimile ces peurs
fourbit ses larmes et ses pieds
samedi 7 juin 2025
il goûtait cette lumière
il goûtait cette lumière, par-dessus tout,
– pas de plomb transmué en or, non, pas jusque là ! –
qui coulait dans le seillon de l’imagination.
Il désirait en faire quelque chose. Coûte que coûte.)
Maintenant il suit le tempo des gouttes
pas parfaitement régulier
moelleux (visqueux peut-être), le pouls résistant
palpitant dans la veine
il faut revenir à la vie qui motive les variations
pense-t-il, la source : une goutte échappée du chéneau
la coulure des acacias dans le ciel dur,
et la frange des iris pâles dans le jardin, qui rehausse pourtant ce qu’il voit
et je me demande ce que je compte faire de ces multiples riens,
que faire de ces tiges trop minces, par exemple, qui n’étayent
pas le moins du monde la pensée
est-ce ainsi que jel compte témoigner des ravages de la guerre ?
vendredi 6 juin 2025
Le goutte à goutte
Le goutte à goutte du chéneau dans le seau.
Le seau s’évase doucement sur la palière
et l’eau comme un feutre absorbe ce pouls qui s’altère,
le pouls de ce grand corps,
il écoute l’évasion du jour, la fin de la pluie,
le rossignol revient au compte goutte
et le bourdon dans les fraisiers en fleurs
parmi la mélisse, c’est tout ce qu’il vit,
bien après les acacias du bord de route,
– leurs boucles –
loquace la haie d’honneur le réveillait
en suspension dans le petit matin
(pâles anglaises à l’évidence évidaient
le ciel plombé
trayaient le ciel – un lait clairet suintait :
c’était de la lumière –
jeudi 5 juin 2025
Renonçant à la compréhension
Renonçant à la compréhension – il ne peut (ni ne veut) vivre de
ce qu’il comprend – il s’offre, non au monde
mais au transport (c'est-à-dire à lui-même, il s’autorise à être sa propre nature,
qu’il avalise comme un fait de langage)
ce désistement de toute signification l’implique vis-à-vis du monde entier
il varie avec les choses, dans, par les choses, ballotté
de l’une à l’autre
c’est lui qui est mis à l’épreuve d’elles.
Il ne fait que traduire.
L’expérience d’un entendement d’une toute autre sorte
tiré des sensations, redevable à l’induction.
Il ne comprend rien, il entend tout.
mercredi 4 juin 2025
Qui chante cette nuit-là
Qui chante cette nuit-là, il l’ignore.
Il ne sait plus très bien qui il est,
ou plutôt si : il est en rapport,
il prend corps dans ce rapport
et son humble figure est la figure de l’humilité
elle provient des profondeurs, passé le seuil du soliloque
(les limbes du langage, l’œuf flottant)
elle rayonne adossée à son amour, au cœur du concert qu’elle désire.
mardi 3 juin 2025
c’est ce qu’il se dit
c’est ce qu’il se dit épinglé par la voix
(plutôt fulguré – frappé
mais vivant – brutalisé mais
toujours en quête de quelque chose de vrai
pour finir sa journée) « ne tombe pas ailleurs,
choisis cet instant pour éprouver ta bravoure
essaye-toi à l’amour – espère, espère !
comme achevez-les ! achevez-les ! – et fleurir cependant »
tandis que le rossignol continue solitaire
son chant de l’interminable fin
– son chant sans qu’on sache s’il a été rejoint –
c’est toute son endurance qu’il promeut
« en attendant fais le bouquet »
« en attendant fais la vie (pas le mort) »
et il invente un rythme avec ses pieds
qui a l’espoir de toucher l’autre.
lundi 2 juin 2025
le réel, la rudesse d’un mur
le réel, la rudesse d’un mur
qu’investissent la capillaire des murailles et la valériane
il peut vouloir aller au-delà
ou s’enraciner aussi (la même fièvre
le même essor), au côté des myosotis
fougères mâles et capillaires
l’austérité de son je vite gagnée par la profusion
de la réalité (il y a de quoi faire
en ce mur !) des images qu’il apporte,
et s’il y mêle le parfum des mélisses !
Il est la proie de sa profusion consentie,
de son imagination fertile :
il s’en remet sans cesse à l’effroi… et au feu,
c’est ce chaud-froid qui fourbit son arme
– la dureté de son fer –
comme à la forge
« ne tombe pas ailleurs qu’ici
je
foudroyé par la fièvre
devant ce mur »
dimanche 1 juin 2025
avec toute la profusion en lui
avec toute la profusion en lui
avec toutes les images, toutes les lectures
et les dérives dont il est capable
il décuple le rossignol.
Aime tout ce qui t’échoit, semble-t-il annoncer
partout où on l’entend, aime tout
avec la ferveur des pierres
la constance de l’écho.
Écoute le rossignol :
Tomber ou voler ? ce pourrait être sa question
– comme le martinet, oui –
ou fleurir maintenant ?
et il regarde autour de lui
il contemple le mai qui impose
sa vision : le culte du mur au pied duquel je
(trop tard pour ne pas voler)
samedi 31 mai 2025
Des Fioretti !
Des Fioretti ! Oui, il en fait le récit
(et il incorpore délicatement quelque chose d’humain
dans la fable du rossignol
– comme si celui-ci chantait pour lui seul ! –)
et eux l’écoutent.
Dans la chaleur de la page, il
étend l’homme à l’amour, malléable
comme il peut être, il l’allonge
l’allonge encore
l’entrelace avec les faits trillés
comme les sarments ou les fibrilles déliés
de la vigne sur le mur chauffé à blanc.
À la marge, l’homme
prend sa place de brin flottant, brimborion
souplement abreuvé de sons,
il enlumine le chant
vendredi 30 mai 2025
sauvées avec
[les choses bienheureuses d’être vues
– le motif bien senti –]
sauvées avec
– sauf le nageur –
l’attention et la douceur
la bénévolence apprise du rossignol philomèle
(il parle bien aux humains
qui sont ses frères mineurs, apparemment
pris dans la même diachronie qu’eux, pense-t-il.
Écrivons-lui des Fioretti !)
recensons ré citons ses dialogues, les légers coups d’ailes
près des cimes
la clameur de son chant
sur le champ variable de la lune !
jeudi 29 mai 2025
Quand il revient à son bord
Quand il revient à son bord
c’est pourvu d’elles
les choses bienheureuses d’être vues
– le motif bien senti –
mercredi 28 mai 2025
en nageur recouvré
en nageur recouvré, il embrasse la nuit liquide
il joue avec la voix (il quiritte)
il joue avec l’oiseau qui expose l’amour au tout-venant
juste au-dessus des grandes marguerites
lucescentes, toutes faces tournées vers lui,
et des petites bugles entêtées, œillères opposées
à la frivolité de simples festons :
mélisse, myosotis et fraisiers sauvages.
Je pense qu’il a besoin de l’assentiment a priori
du motif, de son adhésion à la proposition
(lui, cherche toujours comment), non pas un blanc-seing
mais une prédisposition généreuse.
mardi 27 mai 2025
ample, dit-il, comme le chant
ample, dit-il, comme le chant
qui attendrit la nuit, ample et délié,
ses reprises non comme des sentences
mais des invitations à l’accord.
Dans le noir il écoute, et ce n’est pas à la mort
qu’il pense cette fois-ci, mais à la vie (ou à la mort)
l’étrange accord des deux en ce lieu (brutal je divertissant
un champ inégal où elles fusionnent), il nage
lundi 26 mai 2025
il réapprend la respiration
il réapprend la respiration
son coin d’ombre est un poumon qui l’édifie
– ample dans le liquide même où il s’oublie
et qui l’affloue –
dimanche 25 mai 2025
C’est l’obscurité
C’est l’obscurité qui répercute ses silences apnéiques
– les mots oubliés pour accompagner le chant, il
chante, hante la nuit réverbérée, cristalline –
des modulations brèves entrecoupées d’apnées
par lesquelles je, subjugué, prend l’eau
boit la tasse du chant qui l’inonde
– le submerge –
mais il se remémore soudain les mouvements de la nage
samedi 24 mai 2025
il inonde le vase plein d’échos de la nuit
[il inonde le vase plein d’échos de la nuit]
dont on entend qu’il réfléchit
de houppier en hallier le trille
comme un bouquet sonore
lui aussi, il se parle seul,
à modeler/formuler : moduler un chant
d’oubli et d’abus (abus de suspenses, de silences )
– le soliloque d’un sculpteur d’oubli –
Que répète-t-il qu’il retrouve
que retrouve-t-il ? – si c’est bien lui –
d’année en année qui de l’intuition sensible du renouveau l’amène
aussi délicatement – suavement – à la subsomption du chant ?
vendredi 23 mai 2025
le rossignol dévalait la sienne
le rossignol dévalait la sienne
depuis l’une des branches hautes du cerisier
puis d’un frêne élevé
le porte-voix réjoui changeait de main volontiers
volontiers clamant, clair, le trille enlaçait l’ouïe, là-bas, ici,
il était là, parfaitement invisible
mais si présent
manne coulant comme de source
il inonde le vase plein d’échos de la nuit
jeudi 22 mai 2025
c’est le silence
c’est le silence et
le rossignol est le rossignol – et je
n’en est pas un, de rossignol, (sauf à
se complaire de son austère capacité d’abstraction ?)
ni rossignol ni requin drôle (le requin lamentable
de la chanson drôle)
son ombre propre – démente –
seule l’oriente.
Plus tard il recommence à parler
et le rossignol philomèle à modeler/formuler l’obscurité (vase ou porte-voix).
Depuis la table il l’écoute mais
il reste pris à l’hameçon infinitésimal de l’épillet
pris dans le soleil méridien disséminé
quand il s’est vu, debout
dans un champ accru,
(parfois il se complaît à cru)
perdant pied
et perdant main.
Quand l’œil (et l’oreille) seul
dévalait la pente du soleil
mercredi 21 mai 2025
En buste,
En buste suspendu et ancré,
pâle au soleil d’avril il statufie
l’assidu, l’épi
l’œil apical
le retour – jamais exactement le même
mais toujours identifié –
le rossignol intarissable
dont il ne sait s’il est un autre
– intarissable dont le chant s’arrête pourtant
et c’est le silence, soudain,
par une nuit pluvieuse et soudaine
sans qu’on sache bien où il est allé –
mardi 20 mai 2025
son buste extrait de l’hiver
son buste extrait de l’hiver – comme une fleur
s’extrait lentement, imperceptiblement, de la terre :
elle la traverse – bientôt
il est rejoint par elles, « herbes qui le dépassent »
les d’épillets déjà lourds mais pas encore inclinés
mêlés à la grande marguerite et au sainfoin,
cette esparcette délicate à feuille de vesce
dont son œil se paît inlassable.
lundi 19 mai 2025
Enraciné – c’est son bien-fondé
Enraciné – c’est son bien-fondé pense-t-il
sa cause et son bon droit, il a raison.
La lumière l’enracine, la lumière le dévie –
des éclosions le déportent loin de ses abstractions
il mâche des noms touffus qu’il marie
aux épithètes, il mâche l’herbe, les épillets
du filtre, absorbé dans la lumière et empirique
il clame des prédicats dans la clameur générale
il inachève jusqu’à sa phrase, jusqu’à ses paumes
lorsque au-dessus de sa tête les clapets sourds
des ramiers lui soufflent la parabole
– un ralenti heureux, herbe qui le dépasse –