dimanche 17 mars 2024

À la boîte blanche, vues 298


 

Ma mémoire amplexicore

 

Ma mémoire amplexicore

revient

avec ce roux, panser l’absence (mais pas l’amour

jamais atteint)

 

élaborer le récit de la vie

l’enveloppement par les images

leur intégration au cœur impulsif du désir

- la désolation grandiose et le désarroi magnifique -

 

impulser

dans l’ampleur des sensations

le Repartir, sans dénier toutefois l’inéluctable faillite,

ni le fatidique, le pesant inaccompli.

 

samedi 16 mars 2024

À la boîte blanche, vues 297


 

Maintenant j’instruis ma perte

 

Maintenant j’instruis ma perte

je dresse des bilans.

Échaudée, que dis-je, je n’apprends rien,

nulle résolution, l’inventaire général de la situation

est inépuisable, comme la vie,

que ces Heures incoerciblement retournent.

J’attends un chat (un autre encore) à la porte du jardin.

 

vendredi 15 mars 2024

À la boîte blanche, vues 296


 

Si l’arc de ces foulées m’émouvait

 

Si l’arc de ces foulées m’émouvait,

j’étais comblée par la réponse rapide

l’agile randonnée dans les airs. 

L’iris détaché venant de loin dansait.

 

Des électrons libres

aimantaient ma patience de nyctalope.

Je faisais des calculs à géométrie variables

je scrutais ces élans impétueux

ces révolutions

ces Heures platoniques.

 

jeudi 14 mars 2024

À la boîte blanche, vues 295


 

je parle d’un temps révolu

 

je parle d’un temps révolu (l’attente

lampe à la main que leurs iris se signalent

aériens

prédécesseurs de leur présence portée.

Avec diligence, mes amours

faisaient de moi dans la nuit une reine aux bras blancs

la nuit d’été alors

je la croyais inaltérable)

 

un temps de foulées légères

et d’herbes

d’épillets dans les fourrures d’or

d’épis)

 

mercredi 13 mars 2024

À la boîte blanche, vues 294


 

leur iris clair

 

leur iris clair fleurissait la nuit dilatée

réfléchissant le halo

et le jour comme les onagres ils concentraient

leur vision infléchie

 

enroulés sur eux-mêmes

 

(je parle de l’été mémorable où

je les ai attendus tous deux au bord du pré

toutes les nuits

et les voyais accourir à mon signal

 

mardi 12 mars 2024

À la boîte blanche, vues 293


 

(pour l’atout)

 

(pour l’atout)

leur couleur maîtresse visible partout

revient pour le vaste reverdir,

 

leur couleur que nous pensions feu

embrasait le printemps comme

maintenant ma pensée embrase la haie

un chat est un feu pensé-je

pour peu que roux

flambe haut

puis leur iris clair ardait la nuit

 

(que le feu s’éteigne et c’est l’hiver)

 

lundi 11 mars 2024

À la boîte blanche, vues 292


 

car je suis pleine de son image

 

car je suis pleine de son image

que fidèlement

je cultive, j’entretiens,

je multiplie

 

lui flambant haut

- enseigne prairiale

(à plusieurs cycles) -

icône chevauchant mémoire d’avril

roux complémentaire

des mais

des juins

des juillets, aoûts,

des mois

des mois

 

dans le doute

(laissée

pour le compte,

et le mécompte ?)

 

dimanche 10 mars 2024

À la boîte blanche, vues 291


 

Le bourbier de la disparition.

 

Le bourbier de la disparition.

Le bourbier de l’absence.

 

D’où sortira herbe

(herbes, vulpins, trèfles blancs, séneçons

oseilles)

d’où

j’entends monter, discrète

sa présence

 

comme elle s’accorde à mon rêve

 

samedi 9 mars 2024

À la boîte blanche, vues 290


 

Y a-t-il une différence ?

 

Y a-t-il une différence ?

Cela fait-il une différence ?

 

La différence est dans l’herbe

quantité discrète

force de poussée innombrable

 

s’exposant (exponentielle)

au-dessus du bourbier

où piète un merle

 

(c’est le bourbier de sa disparition)

 

vendredi 8 mars 2024

À la boîte blanche, vues 289


 

(comme à mes yeux cette inconnue

 

(comme à mes yeux cette inconnue

néviusie (Neviusia alabamensis) n’habite que les livres)

 

encore que

les cornouillers, déjà

bois punais ou fuselier, sanguine ou sauvage (mâle)

lancent

vibrant bois de lance

(pétales tout étalés ou réfléchis)

la saison des guerres et celle des amours

dans les vibrantes haies

 

(des hostilités ou des libres veillées)

 

ou bien les deux ?

 

Cette haie que peut-être bien

il connaît lui aussi,

non comme la mesure de notre espace, de nos saisons

mais comme son repaire hors temps

 

tout comme la forêt

frontalière entre le familier et l’étrange

(juste derrière le muret et le pré)

est peut-être son territoire sans direction.

 

jeudi 7 mars 2024

À la boîte blanche, vues 288


 

Jour plus long

 

Jour plus long

à l’odeur mouillée des fourrés d’ombre,

le soir

qu’il voit peut-être aussi

depuis ces mêmes fourrés (ou d’autres)

où est-il ?

 

mon espoir est comme une fleur apétale

qui ne s’ouvre pas

 

encore

 

que

 

les étamines voyantes en cymes fleuries

sur un rameau dénudé

 

cillent imprudemment

 

mercredi 6 mars 2024

À la boîte blanche, vues 287


 

L’esprit vivace

 

L’esprit vivace revient sur sa perte 

réifiée - en l’absence de tout corps pourtant -

je circonscris la sensation :

sus à l’amollissement familier, à la ladresse !

Je contourne l’absence

je dessine une obsession, j’agis, je revis !

 

cet effort - à neuf

l’effort aiguillonne, réforme l’imagination -

 

(la réification du manque fait

une raison trébuchante

à la vie :

ne sachant que faire de mes bras atrophiés

j’utilise mes pieds)

 

En réalité, y a-t-il une vie ? Des formes ?

Autre chose que des pas sonnants sur le sol gelé ?

Une nuit glaciale où quérir un chat

que l’obscurité de la mémoire oblitère 

(quand l’ai-je perdu de vue exactement, où et quand ?)

 

c’est mon esprit perdu que je cherche

 

mardi 5 mars 2024

À la boîte blanche, vues 286


 

Pour quoi faire, pourquoi faire ?

 

Pour quoi faire, pourquoi faire ?

Pour juguler l’obnubilation

traverser l’obturant résorber l’énigme conjurer

la disparité de mon amour et de mon manque

sa disparition ma perte

ravaler la mort.

 

lundi 4 mars 2024

À la boîte blanche, vues 285


 

Pour quoi faire ?

 

Pour quoi faire ? Sans prétention

ni de sens ni de fin

 

et de cause aucune

 

j’écoute perplexe et désœuvrée

le rythme de la matière

animer le cœur de vie,

 

(la vie néanmoins)

 

c’est ce rythme que je mets par écrit

comme une vieille fille obsessionnelle

rivée sur son almanach

note son horaire de lever et de coucher.

 

dimanche 3 mars 2024

À la boîte blanche, vues 284


 

Chaque amour chaque perte

 

Chaque amour chaque perte

informe sur le monde bien au contraire

(sa profondeur sympathique, sa dureté, sa réalité,

capacité de variation et de génération que rien n’enraye

- ni plus de guerre ni plus de paix - :

mort et prolifération concomitantes

inextricablement liées)

 

on ne peut décrire l’amour ni la douleur

mais enregistrer les battements de ce

cœur de monde incoercible, oui.

 

samedi 2 mars 2024

À la boîte blanche, vues 283


 

J’ai un, deux, cinq

 

J’ai un, deux, cinq

de ces chats

qui enorgueillissent mes mains

rehaussées (ravivées) par le souvenir de leur chaleur

ils sont ma seconde augmentée,

 

précisément celle que réalise mon geste :

réalisation de ma misère d’amours - versus

quête de ces amours.

Toute perte néanmoins ouvreuse de territoires inconnus,

les voici mes chers amours restitués à moi-même par moi-même

comme doucement révélés en un tombeau

tenace (rythmiquement tenace)

 

jusqu’à

(jusqu’à)                 rien

(admettre) 

 

vendredi 1 mars 2024

À la boîte blanche, vues 282


 

Je vis avec

 

Je vis avec ce chat fantôme

je respire,

je parle des paroles vocatives

je marche, je rêve.

Je tutoie le doux regard en cherchant

l’adresse introuvable. Aucun corps n’est requis

pour cajoler cet amour (ses puces fantômes mêmes me rassérènent).

 

jeudi 29 février 2024

À la boîte blanche, vues 281


 

J’ai un chat fantôme

 

J’ai un chat fantôme

dont je ressens, comme pour un membre,

la sensation de présence, chaude

et douloureuse.

Aujourd’hui pour la première fois

j’ai parlé de lui au passé.

Doux regard dans un visage invisible.

 

mercredi 28 février 2024

À la boîte blanche, vues 280


 

La musique de la constance

 

La musique de la constance

même si celle-ci s’apparente à une roue

dont la jante sans bandage

plutôt qu’un rail - l’invariable ligne de frise

de l’histoire -

écrase et libère presque simultanément le monde et l’herbe qu’elle emprunte,

ce massacre permanent dont renaissent tous les espoirs,

(toutes les illusions aussi).

Effondrement et ruine, voilà ce que nous ne cessons de contempler

et (malgré tout) reconnaissants pour notre bonheur nous continuons,

nous rêvons de renaissance (vernale).

 

Je regarde la feuille d’herbe relever, la tête

ou l’extrémité apicale (comment dire), relever et pousser

verdir la pensée, viride (et virulemment quelquefois),

je regarde la pensée trouver des raisons de reverdir

avec la feuille d’herbe,

de croître avec la lumière

(même si cette clarté douloureuse nous blesse

de toutes les évidences qui touchent au monde, la réalité)

embrasser (caresser) (à défaut de mon chat)

cette invincible idée de résilience (dépassement de l’évidence)

(jusqu’à cette façon de minimiser ma tragédie).

 

Me redressant (moi aussi),

de mon observation je tire l’enseignement suivant :

en permanence nous mourons.

Mais permettons-nous de mourir

(à l’instar des êtres ténus)

sans aucune et pour aucune cause

(cause) : d’inconsistance simplement.

 

mardi 27 février 2024

À la boîte blanche, vues 279


 

Comme lui je vois le monde, comme une fleur

 

Comme lui je vois le monde, comme une fleur,

(nous voyons le monde comme une fleur)

au bord du jardin saturé de l’hiver de sa présence

(comment dire autrement) à hauteur de feuille d’herbe

le monde est plus diversifié, divers et consonantique,

lui y tenait son rôle devant la galerie non dissimulée du campagnol de champs

comme le vent devant la perce-neige.

C’est là la musique d’un massacre constant.

 

lundi 26 février 2024

À la boîte blanche, vues 278


 

Il vaudrait mieux sans doute raconter quelque chose

 

Il vaudrait mieux sans doute raconter quelque chose

mais je m’en tiendrai à ce fait.

Est porté disparu celui qu’on ne voit plus,

celui dont la défection ne fait aucun doute.

 

Il était partout où portait notre regard

ses yeux nous suivaient comme le chien en pensée,

notre pensée imprégnée

de la preuve continuelle de sa présence.

 

Son absence est-il notre défaut d’imagination ?

Mais que dire de tous ceux que nous ne voyons pas ? Jamais ?

Comment dire ?

N’est-ce pas moi qui me serais perdue ?