Précisément, le pont de l’expérience enjambe le temps
et lie les réalités. Pas besoin de boire l’eau des deux
sources,
l’eau de l’Oubli, puis l’eau de Mémoire ; ni de
descendre dans le Gouffre.
Le pont te change, la parole te compose,
une image à chacun de tes pas personnifie les sons.
Chaque pierre de l’édifice résonne de tous les êtres passés là.
À la façon dont - vaine, folle audace - parfois certain
s’enfonçant dans le passage (la phrase)
y perd la capacité de rire et l’insouciance
- c’est la connaissance dit-il - on redouterait de jouer,
de jouir de l’inconnu et du connu. Babiller, flûter comme le
vent
entre les fûts ou la lumière à travers le taillis. Le mur pâle
de la première
maison, le verger attenant…
Ce pont est si propre à l’instant, on dirait personnel, qu’il fait un avec le
passant.
(Un espace outré, extension de sa présence. La seconde est là non mesurée,
impondérable.) Pure appréhension animale (mais la bête est tenue
à sa plus modique modalité)
lorsque nous passons.
Terrifiante (démultipliée) est cette présence.
Si bien qu’à chaque passage on peut demander : quel pont ?
et qui va
là ?
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