samedi 31 mai 2025
Des Fioretti !
Des Fioretti ! Oui, il en fait le récit
(et il incorpore délicatement quelque chose d’humain
dans la fable du rossignol
– comme si celui-ci chantait pour lui seul ! –)
et eux l’écoutent.
Dans la chaleur de la page, il
étend l’homme à l’amour, malléable
comme il peut être, il l’allonge
l’allonge encore
l’entrelace avec les faits trillés
comme les sarments ou les fibrilles déliés
de la vigne sur le mur chauffé à blanc.
À la marge, l’homme
prend sa place de brin flottant, brimborion
souplement abreuvé de sons,
il enlumine le chant
vendredi 30 mai 2025
sauvées avec
[les choses bienheureuses d’être vues
– le motif bien senti –]
sauvées avec
– sauf le nageur –
l’attention et la douceur
la bénévolence apprise du rossignol philomèle
(il parle bien aux humains
qui sont ses frères mineurs, apparemment
pris dans la même diachronie qu’eux, pense-t-il.
Écrivons-lui des Fioretti !)
recensons ré citons ses dialogues, les légers coups d’ailes
près des cimes
la clameur de son chant
sur le champ variable de la lune !
jeudi 29 mai 2025
Quand il revient à son bord
Quand il revient à son bord
c’est pourvu d’elles
les choses bienheureuses d’être vues
– le motif bien senti –
mercredi 28 mai 2025
en nageur recouvré
en nageur recouvré, il embrasse la nuit liquide
il joue avec la voix (il quiritte)
il joue avec l’oiseau qui expose l’amour au tout-venant
juste au-dessus des grandes marguerites
lucescentes, toutes faces tournées vers lui,
et des petites bugles entêtées, œillères opposées
à la frivolité de simples festons :
mélisse, myosotis et fraisiers sauvages.
Je pense qu’il a besoin de l’assentiment a priori
du motif, de son adhésion à la proposition
(lui, cherche toujours comment), non pas un blanc-seing
mais une prédisposition généreuse.
mardi 27 mai 2025
ample, dit-il, comme le chant
ample, dit-il, comme le chant
qui attendrit la nuit, ample et délié,
ses reprises non comme des sentences
mais des invitations à l’accord.
Dans le noir il écoute, et ce n’est pas à la mort
qu’il pense cette fois-ci, mais à la vie (ou à la mort)
l’étrange accord des deux en ce lieu (brutal je divertissant
un champ inégal où elles fusionnent), il nage
lundi 26 mai 2025
il réapprend la respiration
il réapprend la respiration
son coin d’ombre est un poumon qui l’édifie
– ample dans le liquide même où il s’oublie
et qui l’affloue –
dimanche 25 mai 2025
C’est l’obscurité
C’est l’obscurité qui répercute ses silences apnéiques
– les mots oubliés pour accompagner le chant, il
chante, hante la nuit réverbérée, cristalline –
des modulations brèves entrecoupées d’apnées
par lesquelles je, subjugué, prend l’eau
boit la tasse du chant qui l’inonde
– le submerge –
mais il se remémore soudain les mouvements de la nage
samedi 24 mai 2025
il inonde le vase plein d’échos de la nuit
[il inonde le vase plein d’échos de la nuit]
dont on entend qu’il réfléchit
de houppier en hallier le trille
comme un bouquet sonore
lui aussi, il se parle seul,
à modeler/formuler : moduler un chant
d’oubli et d’abus (abus de suspenses, de silences )
– le soliloque d’un sculpteur d’oubli –
Que répète-t-il qu’il retrouve
que retrouve-t-il ? – si c’est bien lui –
d’année en année qui de l’intuition sensible du renouveau l’amène
aussi délicatement – suavement – à la subsomption du chant ?
vendredi 23 mai 2025
le rossignol dévalait la sienne
le rossignol dévalait la sienne
depuis l’une des branches hautes du cerisier
puis d’un frêne élevé
le porte-voix réjoui changeait de main volontiers
volontiers clamant, clair, le trille enlaçait l’ouïe, là-bas, ici,
il était là, parfaitement invisible
mais si présent
manne coulant comme de source
il inonde le vase plein d’échos de la nuit
jeudi 22 mai 2025
c’est le silence
c’est le silence et
le rossignol est le rossignol – et je
n’en est pas un, de rossignol, (sauf à
se complaire de son austère capacité d’abstraction ?)
ni rossignol ni requin drôle (le requin lamentable
de la chanson drôle)
son ombre propre – démente –
seule l’oriente.
Plus tard il recommence à parler
et le rossignol philomèle à modeler/formuler l’obscurité (vase ou porte-voix).
Depuis la table il l’écoute mais
il reste pris à l’hameçon infinitésimal de l’épillet
pris dans le soleil méridien disséminé
quand il s’est vu, debout
dans un champ accru,
(parfois il se complaît à cru)
perdant pied
et perdant main.
Quand l’œil (et l’oreille) seul
dévalait la pente du soleil
mercredi 21 mai 2025
En buste,
En buste suspendu et ancré,
pâle au soleil d’avril il statufie
l’assidu, l’épi
l’œil apical
le retour – jamais exactement le même
mais toujours identifié –
le rossignol intarissable
dont il ne sait s’il est un autre
– intarissable dont le chant s’arrête pourtant
et c’est le silence, soudain,
par une nuit pluvieuse et soudaine
sans qu’on sache bien où il est allé –
mardi 20 mai 2025
son buste extrait de l’hiver
son buste extrait de l’hiver – comme une fleur
s’extrait lentement, imperceptiblement, de la terre :
elle la traverse – bientôt
il est rejoint par elles, « herbes qui le dépassent »
les d’épillets déjà lourds mais pas encore inclinés
mêlés à la grande marguerite et au sainfoin,
cette esparcette délicate à feuille de vesce
dont son œil se paît inlassable.
lundi 19 mai 2025
Enraciné – c’est son bien-fondé
Enraciné – c’est son bien-fondé pense-t-il
sa cause et son bon droit, il a raison.
La lumière l’enracine, la lumière le dévie –
des éclosions le déportent loin de ses abstractions
il mâche des noms touffus qu’il marie
aux épithètes, il mâche l’herbe, les épillets
du filtre, absorbé dans la lumière et empirique
il clame des prédicats dans la clameur générale
il inachève jusqu’à sa phrase, jusqu’à ses paumes
lorsque au-dessus de sa tête les clapets sourds
des ramiers lui soufflent la parabole
– un ralenti heureux, herbe qui le dépasse –
dimanche 18 mai 2025
Et ce pauvre je enraciné
Et ce pauvre je enraciné, équerre au chevet vertical
comme le pal délimité par deux lignes parallèles
– inflexibles droites qui ne se croisent jamais –
et séparant irrévocablement les espaces et les temps
je qui n’ose inventer des courbes s’agenouille
pour voir de plus près
s’incorpore au bleu au vert et il vante
le bouquet serré des sensations et la porosité
des paumes
il métisse son vert, il bleuit, il rouvre
un lieu si peu distinct mais présent, pré
odorant et touffu
son corps passé par là
en est changé, il change de sens et d’allure
il gravite autour de son ombre comme éclairé
végétal.
samedi 17 mai 2025
Je bien enraciné, ici,
Je bien enraciné, ici,
oui, mon entendement austère et abstrait
bien enraciné, sis
– sa place – ravi et distrait en désherbant les framboisiers
par l’odeur de la mélisse, la vue de myosotis et de petits
fraisiers sauvages qui le déportent pourtant.
Tout est beau où il va, il invente des traits
qu’il espère dignes de cette beauté.
vendredi 16 mai 2025
Il n’est pas là pour lui-même
Il n’est pas là pour lui-même
ni pour un autre, des intervalles
il aura fait un monde, un champ de signes
donné à la lecture de tous
un champ pour la douleur un champ pour la joie
un pour l’amour
un champ vergetté d’argent et de sinople
car il pleut encore
je dès lors s’effile se désagrège
mais les paumes ouvertes
refusant l’indifférence, il distribue
la sève brute
lui de corps et d’ombre grandit
avec le réveil et l’odeur de la mélisse
et du lilas
grandit à ciel ouvert
où petits myosotis des champs et brunnère
par l’homologie revivifiés le poussent
à retrouver les couleurs
et à tâtons il les retrouve, il endosse la fourrure
cette « doubleure » (anciennement dite)
qui le transporte loin – austère Caucase
du détroit de Kertch à la péninsule d’Apchéron –
depuis le champ moucheté d’azur.
jeudi 15 mai 2025
D’ailleurs il marche sur des œufs
D’ailleurs il marche sur des œufs
attentif à l’intervalle, pieds et pouces
prudents (comme mesurés). Dans les départs pascals
c’est bien lui qui s’estime
et qui induit l’humain.
D’ailleurs il aura taillé, ici, dans ce jardin,
ces haies, ces massifs et ces allées,
– cet horizon même – un homme.
mercredi 14 mai 2025
d’ailleurs il dévie
d’ailleurs il dévie
se déporte comme on récuse
une voix, il convoque toutes les voix
dans ses paumes, il avance
odore verdit fleurit successivement.
Inchoatif (il commence avec le début de toutes)
il honore le canon dans un canon polyphonique
aussi bref qu’interminable.
mardi 13 mai 2025
Scrupuleusement amnésique
Scrupuleusement amnésique, toujours
à recommencer il ramasse
des brimborions tout justes épelés
– et amenés à disparaître – des fétus,
il prie pour son éclatement
(d’ailleurs il franchit une bugle rampante
d’un pas vif et sûr
s’écartèle)
lundi 12 mai 2025
mais l’odeur de la mélisse
mais l’odeur de la mélisse
mais le myosotis des champs mêlé
à l’autre brunnère tremblotante sous la pluie
cet arroi luisant qui le dépasse
alors qu’il passe
à pied sec
scrutant entre les pierres un je fourbu
mais divers : hanteur et facteur
né à l’épicentre de sa sensation
lui qui s’exorbite, s’expose jusqu’à ce qu’il masque –
totalement –
tout ce qu’il sait.
dimanche 11 mai 2025
Et il y a l’odeur de la mélisse
Et il y a l’odeur de la mélisse*
– j’allais oublier le ponton des pierres
(des lièvres jamais levés)
au-dessus du vert brillant –
(il pleut beaucoup maintenant
je crois voir le myosotis du marais
au pied du couloir d’eau, ce je même
que Vélimir Khlebnikov comparait à
la fois au pal héraldique partageant l’écusson,
érigeant le sens, et à ce qui l’obstrue, je présentement troublé
qui ne discerne plus si nettement le réel du poème
et restitue l’expérience en un tout)
* Vélimir Khlebnikov, « il y a l’odeur… », Zanguezi & autres poèmes, traduction du russe par Jean-Claude Lanne, 1996, Poésie/Flammarion, p. 179
samedi 10 mai 2025
(croissance oblique
(croissance oblique
c'est-à-dire ni perpendiculaire ni parallèle
à l’horizon
tandis que les murs du bâti, érigés au cordeau
projettent de strictes ombres portées
et des lignes de fuite - perspective
sans issue si ce n’est un
refuge optique pour l’œil ébloui)

