vendredi 23 mai 2025
le rossignol dévalait la sienne
le rossignol dévalait la sienne
depuis l’une des branches hautes du cerisier
puis d’un frêne élevé
le porte-voix réjoui changeait de main volontiers
volontiers clamant, clair, le trille enlaçait l’ouïe, là-bas, ici,
il était là, parfaitement invisible
mais si présent
manne coulant comme de source
il inonde le vase plein d’échos de la nuit
jeudi 22 mai 2025
c’est le silence
c’est le silence et
le rossignol est le rossignol – et je
n’en est pas un, de rossignol, (sauf à
se complaire de son austère capacité d’abstraction ?)
ni rossignol ni requin drôle (le requin lamentable
de la chanson drôle)
son ombre propre – démente –
seule l’oriente.
Plus tard il recommence à parler
et le rossignol philomèle à modeler/formuler l’obscurité (vase ou porte-voix).
Depuis la table il l’écoute mais
il reste pris à l’hameçon infinitésimal de l’épillet
pris dans le soleil méridien disséminé
quand il s’est vu, debout
dans un champ accru,
(parfois il se complaît à cru)
perdant pied
et perdant main.
Quand l’œil (et l’oreille) seul
dévalait la pente du soleil
mercredi 21 mai 2025
En buste,
En buste suspendu et ancré,
pâle au soleil d’avril il statufie
l’assidu, l’épi
l’œil apical
le retour – jamais exactement le même
mais toujours identifié –
le rossignol intarissable
dont il ne sait s’il est un autre
– intarissable dont le chant s’arrête pourtant
et c’est le silence, soudain,
par une nuit pluvieuse et soudaine
sans qu’on sache bien où il est allé –
mardi 20 mai 2025
son buste extrait de l’hiver
son buste extrait de l’hiver – comme une fleur
s’extrait lentement, imperceptiblement, de la terre :
elle la traverse – bientôt
il est rejoint par elles, « herbes qui le dépassent »
les d’épillets déjà lourds mais pas encore inclinés
mêlés à la grande marguerite et au sainfoin,
cette esparcette délicate à feuille de vesce
dont son œil se paît inlassable.
lundi 19 mai 2025
Enraciné – c’est son bien-fondé
Enraciné – c’est son bien-fondé pense-t-il
sa cause et son bon droit, il a raison.
La lumière l’enracine, la lumière le dévie –
des éclosions le déportent loin de ses abstractions
il mâche des noms touffus qu’il marie
aux épithètes, il mâche l’herbe, les épillets
du filtre, absorbé dans la lumière et empirique
il clame des prédicats dans la clameur générale
il inachève jusqu’à sa phrase, jusqu’à ses paumes
lorsque au-dessus de sa tête les clapets sourds
des ramiers lui soufflent la parabole
– un ralenti heureux, herbe qui le dépasse –
dimanche 18 mai 2025
Et ce pauvre je enraciné
Et ce pauvre je enraciné, équerre au chevet vertical
comme le pal délimité par deux lignes parallèles
– inflexibles droites qui ne se croisent jamais –
et séparant irrévocablement les espaces et les temps
je qui n’ose inventer des courbes s’agenouille
pour voir de plus près
s’incorpore au bleu au vert et il vante
le bouquet serré des sensations et la porosité
des paumes
il métisse son vert, il bleuit, il rouvre
un lieu si peu distinct mais présent, pré
odorant et touffu
son corps passé par là
en est changé, il change de sens et d’allure
il gravite autour de son ombre comme éclairé
végétal.
samedi 17 mai 2025
Je bien enraciné, ici,
Je bien enraciné, ici,
oui, mon entendement austère et abstrait
bien enraciné, sis
– sa place – ravi et distrait en désherbant les framboisiers
par l’odeur de la mélisse, la vue de myosotis et de petits
fraisiers sauvages qui le déportent pourtant.
Tout est beau où il va, il invente des traits
qu’il espère dignes de cette beauté.
vendredi 16 mai 2025
Il n’est pas là pour lui-même
Il n’est pas là pour lui-même
ni pour un autre, des intervalles
il aura fait un monde, un champ de signes
donné à la lecture de tous
un champ pour la douleur un champ pour la joie
un pour l’amour
un champ vergetté d’argent et de sinople
car il pleut encore
je dès lors s’effile se désagrège
mais les paumes ouvertes
refusant l’indifférence, il distribue
la sève brute
lui de corps et d’ombre grandit
avec le réveil et l’odeur de la mélisse
et du lilas
grandit à ciel ouvert
où petits myosotis des champs et brunnère
par l’homologie revivifiés le poussent
à retrouver les couleurs
et à tâtons il les retrouve, il endosse la fourrure
cette « doubleure » (anciennement dite)
qui le transporte loin – austère Caucase
du détroit de Kertch à la péninsule d’Apchéron –
depuis le champ moucheté d’azur.
jeudi 15 mai 2025
D’ailleurs il marche sur des œufs
D’ailleurs il marche sur des œufs
attentif à l’intervalle, pieds et pouces
prudents (comme mesurés). Dans les départs pascals
c’est bien lui qui s’estime
et qui induit l’humain.
D’ailleurs il aura taillé, ici, dans ce jardin,
ces haies, ces massifs et ces allées,
– cet horizon même – un homme.
mercredi 14 mai 2025
d’ailleurs il dévie
d’ailleurs il dévie
se déporte comme on récuse
une voix, il convoque toutes les voix
dans ses paumes, il avance
odore verdit fleurit successivement.
Inchoatif (il commence avec le début de toutes)
il honore le canon dans un canon polyphonique
aussi bref qu’interminable.
mardi 13 mai 2025
Scrupuleusement amnésique
Scrupuleusement amnésique, toujours
à recommencer il ramasse
des brimborions tout justes épelés
– et amenés à disparaître – des fétus,
il prie pour son éclatement
(d’ailleurs il franchit une bugle rampante
d’un pas vif et sûr
s’écartèle)
lundi 12 mai 2025
mais l’odeur de la mélisse
mais l’odeur de la mélisse
mais le myosotis des champs mêlé
à l’autre brunnère tremblotante sous la pluie
cet arroi luisant qui le dépasse
alors qu’il passe
à pied sec
scrutant entre les pierres un je fourbu
mais divers : hanteur et facteur
né à l’épicentre de sa sensation
lui qui s’exorbite, s’expose jusqu’à ce qu’il masque –
totalement –
tout ce qu’il sait.
dimanche 11 mai 2025
Et il y a l’odeur de la mélisse
Et il y a l’odeur de la mélisse*
– j’allais oublier le ponton des pierres
(des lièvres jamais levés)
au-dessus du vert brillant –
(il pleut beaucoup maintenant
je crois voir le myosotis du marais
au pied du couloir d’eau, ce je même
que Vélimir Khlebnikov comparait à
la fois au pal héraldique partageant l’écusson,
érigeant le sens, et à ce qui l’obstrue, je présentement troublé
qui ne discerne plus si nettement le réel du poème
et restitue l’expérience en un tout)
* Vélimir Khlebnikov, « il y a l’odeur… », Zanguezi & autres poèmes, traduction du russe par Jean-Claude Lanne, 1996, Poésie/Flammarion, p. 179
samedi 10 mai 2025
(croissance oblique
(croissance oblique
c'est-à-dire ni perpendiculaire ni parallèle
à l’horizon
tandis que les murs du bâti, érigés au cordeau
projettent de strictes ombres portées
et des lignes de fuite - perspective
sans issue si ce n’est un
refuge optique pour l’œil ébloui)
vendredi 9 mai 2025
Ces ombres
Ces ombres, faits d’hiver encore
- ça leur va bien - le froid aux angles, aigu
et humide à l’équerre acérée des murs,
et le bleu cave des soubassements
le lierre convoite cette obscurité
et muant, rampant,
d’un trait tortu
meuble le champ
jeudi 8 mai 2025
le profil des masses
le profil des masses glisser
- progresser -
vers les massifs
arrimer les pierres
toutes égales au fond des plans,
ombres portées glissant comme des navires lents
sans houache, sinon un filet
de lierre (et de violettes)
cordial
- vert-cordial - et robuste.
Seuls violette et lierre surnagent
et résillent de place en place la cour gravelée.
mercredi 7 mai 2025
il reprendra le terrain
il reprendra le terrain au gravier
et à la violette
- aussi bien il gravit le plain champ
des quadrilatères
violets et rampants au fil des heures
(sa plaine occurrence, sa face nord à lui)
et je frissonne gagnée par l’humidité du sol
et la fraîcheur de caveau
servante accroupie avec
l’œil et la pensée enlierrés,
l’œil survit au geste désherbant
en observant l'incidence des intersections
mardi 6 mai 2025
de grimpeur invétéré
[et à découvert
il prononce ses vœux]
de grimpeur invétéré
- invétéré bien que novice -
de fil en fil il sera indéracinable, il
- et pied à pied conquérant -
lundi 5 mai 2025
déplace des montagnes
[une manne de
verts tendrons repousse les pierres]
déplace des montagnes de turricules
pour exister.
Ici le petit lierre, porte-drapeau de l’ombre,
promeut la carapace
- l’avantage de l’invisibilité -
de sa première feuille marbrée
et à découvert
il prononce ses vœux
dimanche 4 mai 2025
et rallier sous la bannière de l’ardeur
et rallier sous la bannière de l’ardeur
un tout nouvel équipage - le vent
malmène les tigelles une manne de
verts tendrons repousse les pierres
samedi 3 mai 2025
déjà ces retombées
déjà ces retombées - la monnaie
sonnante et trébuchante de la saison dernière,
les billets de confiance donnés juste avant l’hiver -
ont germé un peu partout
j’entends les plantules
comme des milliers de minuscules fanions
- deux cotylédons c’est assez
pour lever un printemps dans les graviers
vendredi 2 mai 2025
le chemin faisant
Aucune issue n’est jamais visible
par anticipation
mais simplement gagnée à la croisée
du geste et de la pensée du geste
le chemin faisant est l’issue en frayant
l'issue, le reste suit, je veux dire
comme une formation s’étoffe, en jouant
la musique qui la définit et la justifie.
Le jardin n’existe que par ses confins de ronciers
et moi à veiller, à hanter à l’équerre des ombres
ses retours avérés ou manqués
ses incidences,
des répercussions de vents et de voix, vois
leur accord parfois parfait,
(plus généralement : possible) des prolongements
réels
des retombées en pluie
de feu (de fièvre) (drue : on dit hallebardes
incisant d’un trait oblique le fragile phrasé des massifs)
en giboulées de mars, hélas avril !