samedi 31 mai 2025

À la boîte blanche, vues 719


 

Des Fioretti !

 

Des Fioretti ! Oui, il en fait le récit

(et il incorpore délicatement quelque chose d’humain

dans la fable du rossignol

– comme si celui-ci chantait pour lui seul ! –)

 

et eux l’écoutent.

Dans la chaleur de la page, il

étend l’homme à l’amour, malléable

comme il peut être, il l’allonge

 

l’allonge encore

l’entrelace avec les faits trillés

comme les sarments ou les fibrilles déliés

de la vigne sur le mur chauffé à blanc.

 

À la marge, l’homme

prend sa place de brin flottant, brimborion

souplement abreuvé de sons,

il enlumine le chant

 

vendredi 30 mai 2025

À la boîte blanche, vues 718


 

sauvées avec

 

[les choses bienheureuses d’être vues

– le motif bien senti –]

 

sauvées avec

– sauf le nageur –

l’attention et la douceur

la bénévolence apprise du rossignol philomèle

 

(il parle bien aux humains

qui sont ses frères mineurs, apparemment

pris dans la même diachronie qu’eux, pense-t-il. 

Écrivons-lui des Fioretti !)

 

recensons ré citons ses dialogues, les légers coups d’ailes

près des cimes

la clameur de son chant

sur le champ variable de la lune !

 

mercredi 28 mai 2025

À la boîte blanche, vues 716


 

en nageur recouvré

 

en nageur recouvré, il embrasse la nuit liquide

il joue avec la voix (il quiritte)

il joue avec l’oiseau qui expose l’amour au tout-venant

juste au-dessus des grandes marguerites

 

lucescentes, toutes faces tournées vers lui,

et des petites bugles entêtées, œillères opposées

à la frivolité de simples festons :

mélisse, myosotis et fraisiers sauvages.

 

Je pense qu’il a besoin de l’assentiment a priori

du motif, de son adhésion à la proposition

(lui, cherche toujours comment), non pas un blanc-seing

mais une prédisposition généreuse.

 

mardi 27 mai 2025

À la boîte blanche, vues 715


 

ample, dit-il, comme le chant

 

ample, dit-il, comme le chant

qui attendrit la nuit, ample et délié,

ses reprises non comme des sentences

mais des invitations à l’accord.

 

Dans le noir il écoute, et ce n’est pas à la mort

qu’il pense cette fois-ci, mais à la vie (ou à la mort)

l’étrange accord des deux en ce lieu (brutal je divertissant

un champ inégal où elles fusionnent), il nage

 

lundi 26 mai 2025

dimanche 25 mai 2025

À la boîte blanche, vues 713


 

C’est l’obscurité

 

C’est l’obscurité qui répercute ses silences apnéiques

– les mots oubliés pour accompagner le chant, il

chante, hante la nuit réverbérée, cristalline –

des modulations brèves entrecoupées d’apnées

 

par lesquelles je, subjugué, prend l’eau

boit la tasse du chant qui l’inonde

– le submerge –

mais il se remémore soudain les mouvements de la nage

 

samedi 24 mai 2025

À la boîte blanche, vues 712


 

il inonde le vase plein d’échos de la nuit

 

[il inonde le vase plein d’échos de la nuit]


dont on entend qu’il réfléchit

de houppier en hallier le trille

comme un bouquet sonore

 

lui aussi, il se parle seul,

à modeler/formuler : moduler un chant

d’oubli et d’abus (abus de suspenses, de silences )

                            – le soliloque d’un sculpteur d’oubli –

 

Que répète-t-il qu’il retrouve

que retrouve-t-il ? – si c’est bien lui –

d’année en année qui de l’intuition sensible du renouveau l’amène

aussi délicatement – suavement – à la subsomption du chant ?

 

vendredi 23 mai 2025

À la boîte blanche, vues 711


 

le rossignol dévalait la sienne

 

le rossignol dévalait la sienne

depuis l’une des branches hautes du cerisier

puis d’un frêne élevé

le porte-voix réjoui changeait de main volontiers

 

volontiers clamant, clair, le trille enlaçait l’ouïe, là-bas, ici,

il était là, parfaitement invisible

mais si présent

manne coulant comme de source

 

il inonde le vase plein d’échos de la nuit

 

jeudi 22 mai 2025

À la boîte blanche, vues 710


 

c’est le silence

 

c’est le silence et

le rossignol est le rossignol – et je

n’en est pas un, de rossignol, (sauf à

se complaire de son austère capacité d’abstraction ?)

 

ni rossignol ni requin drôle (le requin lamentable

de la chanson drôle)

son ombre propre – démente –

seule l’oriente.

 

Plus tard il recommence à parler

et le rossignol philomèle à modeler/formuler l’obscurité (vase ou porte-voix).

Depuis la table il l’écoute mais

il reste pris à l’hameçon infinitésimal de l’épillet

 

pris dans le soleil méridien disséminé

quand il s’est vu, debout

dans un champ accru,

(parfois il se complaît à cru)

 

perdant pied

et perdant main.

Quand l’œil (et l’oreille) seul

dévalait la pente du soleil

 

mercredi 21 mai 2025

À la boîte blanche, vues 709


 

En buste,

 

En buste suspendu et ancré,

pâle au soleil d’avril il statufie

l’assidu, l’épi

l’œil apical

 

le retour – jamais exactement le même

mais toujours identifié –

le rossignol intarissable

dont il ne sait s’il est un autre

 

– intarissable dont le chant s’arrête pourtant

et c’est le silence, soudain,

par une nuit pluvieuse et soudaine

sans qu’on sache bien où il est allé –

 

mardi 20 mai 2025

À la boîte blanche, vues 708


 

son buste extrait de l’hiver

 

son buste extrait de l’hiver – comme une fleur

s’extrait lentement, imperceptiblement, de la terre :

elle la traverse – bientôt

il est rejoint par elles, « herbes qui le dépassent »

 

les d’épillets déjà lourds mais pas encore inclinés

mêlés à la grande marguerite et au sainfoin,

cette esparcette délicate à feuille de vesce

dont son œil se paît inlassable.

 

lundi 19 mai 2025

À la boîte blanche, vues 707


 

Enraciné – c’est son bien-fondé

 

Enraciné – c’est son bien-fondé pense-t-il

sa cause et son bon droit, il a raison.

La lumière l’enracine, la lumière le dévie –

des éclosions le déportent loin de ses abstractions

 

il mâche des noms touffus qu’il marie

aux épithètes, il mâche l’herbe, les épillets

du filtre, absorbé dans la lumière et empirique

il clame des prédicats dans la clameur générale

 

il inachève jusqu’à sa phrase, jusqu’à ses paumes

lorsque au-dessus de sa tête les clapets sourds

des ramiers lui soufflent la parabole

– un ralenti heureux, herbe qui le dépasse –

 

dimanche 18 mai 2025

À la boîte blanche, vues 706


 

Et ce pauvre je enraciné

 

Et ce pauvre je enraciné, équerre au chevet vertical

comme le pal délimité par deux lignes parallèles

– inflexibles droites qui ne se croisent jamais –

et séparant irrévocablement les espaces et les temps

 

je qui n’ose inventer des courbes s’agenouille

pour voir de plus près

s’incorpore au bleu au vert et il vante

le bouquet serré des sensations et la porosité

 

des paumes

il métisse son vert, il bleuit, il rouvre

un lieu si peu distinct mais présent, pré

odorant et touffu

 

son corps passé par là

en est changé, il change de sens et d’allure

il gravite autour de son ombre comme éclairé

végétal.

 

samedi 17 mai 2025

À la boîte blanche, vues 705


 

Je bien enraciné, ici,

 

Je bien enraciné, ici,

oui, mon entendement austère et abstrait

bien enraciné, sis

– sa place – ravi et distrait en désherbant les framboisiers

 

par l’odeur de la mélisse, la vue de myosotis et de petits

fraisiers sauvages qui le déportent pourtant.

Tout est beau où il va, il invente des traits

qu’il espère dignes de cette beauté.

 

* Vélimir Khlebnikov, « il y a l’odeur… », Zanguezi & autres poèmes, traduction du russe par Jean-Claude Lanne, 1996, Poésie/Flammarion, p. 179
 

vendredi 16 mai 2025

À la boîte blanche, vues 704


 

Il n’est pas là pour lui-même

 

Il n’est pas là pour lui-même

ni pour un autre, des intervalles

il aura fait un monde, un champ de signes

donné à la lecture de tous

 

un champ pour la douleur un champ pour la joie

un pour l’amour

un champ vergetté d’argent et de sinople 

car il pleut encore

 

je dès lors s’effile se désagrège

mais les paumes ouvertes

refusant l’indifférence, il distribue

la sève brute

 

lui de corps et d’ombre grandit

avec le réveil et l’odeur de la mélisse

et du lilas

grandit à ciel ouvert

 

où petits myosotis des champs et brunnère

par l’homologie revivifiés le poussent

à retrouver les couleurs

et à tâtons il les retrouve, il endosse la fourrure

 

cette « doubleure » (anciennement dite)

qui le transporte loin – austère Caucase

du détroit de Kertch à la péninsule d’Apchéron –

depuis le champ moucheté d’azur.

 

jeudi 15 mai 2025

À la boîte blanche, vues 703


 

D’ailleurs il marche sur des œufs

 

D’ailleurs il marche sur des œufs

attentif à l’intervalle, pieds et pouces

prudents (comme mesurés). Dans les départs pascals

c’est bien lui qui s’estime

 

et qui induit l’humain.

D’ailleurs il aura taillé, ici, dans ce jardin,

ces haies, ces massifs et ces allées,

– cet horizon même – un homme.

 

mercredi 14 mai 2025

À la boîte blanche, vues 702


 

d’ailleurs il dévie

 

d’ailleurs il dévie

se déporte comme on récuse

une voix, il convoque toutes les voix

dans ses paumes, il avance

 

odore verdit fleurit successivement.

Inchoatif (il commence avec le début de toutes)

il honore le canon dans un canon polyphonique

aussi bref qu’interminable.

 

mardi 13 mai 2025

À la boîte blanche, vues 701


 

Scrupuleusement amnésique

 

Scrupuleusement amnésique, toujours

à recommencer                    il ramasse

des brimborions tout justes épelés

– et amenés à disparaître – des fétus,

 

il prie pour son éclatement

(d’ailleurs il franchit une bugle rampante

d’un pas vif et sûr

s’écartèle)

 

lundi 12 mai 2025

À la boîte blanche, vues 700


 

mais l’odeur de la mélisse

 

mais l’odeur de la mélisse

mais le myosotis des champs mêlé

à l’autre brunnère tremblotante sous la pluie

cet arroi luisant qui le dépasse

                                            

                                              alors qu’il passe

                                                                          à pied sec

scrutant entre les pierres un je fourbu

mais divers : hanteur et facteur

 

né à l’épicentre de sa sensation

lui qui s’exorbite, s’expose jusqu’à ce qu’il masque –

totalement –

tout ce qu’il sait.

 

dimanche 11 mai 2025

À la boîte blanche, vues 699


 

Et il y a l’odeur de la mélisse

 

Et il y a l’odeur de la mélisse*

– j’allais oublier le ponton des pierres

                                                           (des lièvres jamais levés)

 

au-dessus du vert brillant –

 

(il pleut beaucoup maintenant

je crois voir le myosotis du marais

au pied du couloir d’eau, ce je même

que Vélimir Khlebnikov comparait à

 

la fois au pal héraldique partageant l’écusson,

érigeant le sens, et à ce qui l’obstrue, je présentement troublé

qui ne discerne plus si nettement le réel du poème

et restitue l’expérience en un tout)

 

* Vélimir Khlebnikov, « il y a l’odeur… », Zanguezi & autres poèmes, traduction du russe par Jean-Claude Lanne, 1996, Poésie/Flammarion, p. 179

 

samedi 10 mai 2025

À la boîte blanche, vues 698


 

(croissance oblique

 

(croissance oblique

c'est-à-dire ni perpendiculaire ni parallèle

à l’horizon

tandis que les murs du bâti, érigés au cordeau

 

projettent de strictes ombres portées

 

et des lignes de fuite - perspective

sans issue si ce n’est un

refuge optique pour l’œil ébloui)