mardi 11 février 2020

La bravoure ne consiste pas seulement à vous voir


La bravoure ne consiste pas seulement à vous voir
et à vous nommer. Il me faut traverser, voire
forcer le passage - l’impact est un vécu, le son
durablement vivant, le sens est ductile - pour vous éprouver.
Que soit révélée cette épreuve, c’est la visée et la portée
d’un poème - dur, homogène, inaltérable, élastique, fragile,
solide non cristallin et parfois transparent, tout comme l’est
ce matériel de verre sur la table -. Qu’ai-je fait de vous ?
Qu’avez-vous fait de moi ?, sont les deux questions
que je pose au poème, après coup.
Résultant de la fusion des substances constituantes
puis de leur refroidissement, la poésie est un art du feu, susceptible
d'un poli parfait. Ou pas. Mais toujours doit s’élucider
le motif, d’une façon ou d’une autre.

Ainsi on peut dire qu’il y a des poèmes « tectites », sortes de billes formées
par des impacts avec une météorite, qui pourrait être la sensation,
des poèmes « fulgurites », issus de la fusion de la durée soudainement atteinte par le vif éclair*
de la métaphore. Il y a des « millefiori », et des poèmes colorés. Et toutes sortes de poèmes
plus ou moins translucides, plus ou moins purs. 




* Wallace Stevens, Le mobile de la métaphore, Transport to summer


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