lundi 30 juin 2025

À la boîte blanche, vues 742


 

Peut-il vénérer son objet

 

Peut-il vénérer son objet, ou l’ingérer à satiété,

il ne sait de toutes façons faire autrement qu’en le passant par sa bouche,

autrement qu’en goûtant ce qui de prime abord

a été vu et senti, sucer le doigt qui décela le mobile, sucer

 

les graviers uns à uns, gargariser l’arrière-bouche

– le chant du rossignol –

mâcher la feuille comme l’enfant qu’il a été, qu’il est

très certainement encore. Honorer avec le métabolisme.

 

dimanche 29 juin 2025

À la boîte blanche, vues 741


 

parfois c’est un don de charme

 

parfois c’est un don de charme

et il tombe. Ce fut une feuille de charme apportée

par les vents d’hiver, il en est comme sous l’effet

d’un philtre tonifiant, embarqué dans cette navette,

 

un philtre qui l’exalte ou l’exacerbe c’est selon.

Mais comment laisser dire ce transport, sans emphase, sans exagérer

son enthousiasme sincère ?

Sans enfler son visage ? Il a les tropes

 

il a l’amour

il s’adonne

il vivifie le motif et se vivifie dans le travail d’approche

il voit soudain beaucoup plus loin : les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes

 

à l’horizon, par exemple, de la baguette

que la réaction de Maillard forma dans le four

en ligne de crêtes (en ligne de crête ténue pour l’amateur sensible,

entre dévotion et dévoration)

 

samedi 28 juin 2025

À la boîte blanche, vues 740


 

Mais faut-il qu’il ait erré longtemps

 

Mais faut-il qu’il ait erré longtemps

comme aveugle et à tâtons, oui,

avant de reconnaître en cette feuille

son motif (c'est-à-dire

 

possiblement son visage fondamental

– non pas le sien propre seulement mais

le visage d’une humanité – et sa raison)

qui l’isole du monde en même temps qu’elle l’incorpore.

 

C’est là qu’il se rend, que la forteresse cède,

d’un je hanteur, soucieux d’une seule chose

(une chose qui le précède et l’ignore, à coup sûr,

mais lui parle) et qui se trouve portée sur un même pied.

 

En épée au-dessus de sa tête (de sa vision plutôt)

finalement moins menaçante que prometteuse (et motivante)  

sa pointe acérée un don du ciel dirait-il s’il y voyait

un dessein à son intention, mais non, un don d’arable

 

vendredi 27 juin 2025

À la boîte blanche, vues 739


 

ll l'écoute

 

Il l’écoute

l’investit pour se la représenter.

Aiguë elle acère son esprit opiniâtre,

ses nervures, un faisceau des routes

 

pour xylème et phloème, délinéent un projet

mieux appréhendé en ce contre-jour.

Ici elle lui enseigne le dessein

(là où il peut simplement le voir)

 

cette feuille, une d’érable (acerabulus/l’arable

du Roman de la Rose et de la langue d’oïl – la langue du oui selon Dante – ),

la voici feuille qui se montre arable en effet

et il fourbit aussi sa pointe aratoire.

 

Ce simple éclat, comme tout un sol fertile,

devient son mobile

(et le soc et la terre en même lieu),

(une histoire d’armes et d’amour dit-il au prologue)

 

jeudi 26 juin 2025

À la boîte blanche, vues 738


 

Et nous persuade qu’il y a quelque chose d’inouï

 

[(et nous persuade que ça et là, un éclat)]

 

Et nous persuade qu’il y a quelque chose d’inouï

et d’irréductible

qui s’invite à la table des discussions

cette chose indemne tremblant

 

comme une feuille en suspens dans l’angle de la fenêtre

juste après l’orage

que déjà il investit – sans achèvement, chose-là que nul art

n’achève, jamais –

 

mercredi 25 juin 2025

À la boîte blanche, vues 737


 

Je s’ébranle de nouveau.

 

Je s’ébranle de nouveau. Nous parlions-nous ?

Nous voyions-nous ? À force d’ajustements –

il cherche l’entre-deux, le vide médian,

il reconsidère l’agencement –

 

il voit des choses nouvelles (ce n’est pas une affaire

de vision, de toutes façons il n’y voit plus,

il n’accommode plus, et il n’y a rien à voir,

pas plus qu’à dire)

 

il interjette, et les choses se mettent à parler

comme le rossignol, paroles mêlées que tous

n’entendent pas, mais dont la profusion inachevable

constitue ce qu’on nomme silence

 

un bruit blanc, bas et continu comme le bruit

d’une chute d’eau. Ceci dans une seule goutte ?

Dans l’écart entre deux, entend-il

(et nous persuade que ça et là, un éclat)

 

mardi 24 juin 2025

À la boîte blanche, vues 736


 

au même titre

 

[Il a une vie singulière dans le poème qui est sa réalité]

 

au même titre – au même titre que

le plan de leur carrière, leurs affaires, réformes et guerres –

ce long poème sans (presque d’) interruption sauf respirs et répits (regards en arrière)

(car la vie n’en a pas) fait la vie

 

grammaticale – (haut les tropes comme haut les cœurs !)

figures en avant, autres figures

qui s’essayent à vivre recèlent bien des liaisons

refondent un monde –

 

et idiomatique (chacun l’aura compris,

le comprend dans sa langue)

 

ces faits qui sont des moments perdus pour la perception

génèrent d’autres faits (gagnés pour la perception)

 

c’est que toute l’après-midi

il a écouté le seau s’emplir goutte à goutte

– le seau sur la palière remplit sa coupe

encore une fois, et il la porte à sa bouche –

 

cette eau cette poire musicale donnée pour la soif de rythme

affluait vers sa bouche

- abreuve l’asséché dans ses intervalles, pensait-il

ce n’était pas accomplissement mais commencement.

 

mardi 17 juin 2025

À la boîte blanche, vues 735


 

il – mais non, c’est sans intention de distraire – égaie le lieu

 

il – mais non, c’est sans intention de distraire – égaie le lieu

par son évasion désordonnée – sa débandade –

ou : la résistance viscérale supplée

au manque de tout

 

incontrôlée centrifugeuse de corolles pourpres

à roses… à blanches – dit rouge

quels subterfuges pour une mission

de camouflage

 

des corolles fluettes mais bien là

en discrètes lanternes signalétiques

sur la piste d’atterrissage

de l’armée des ombres.


lundi 16 juin 2025

À la boîte blanche, vues 734


 

Ou spécifiquement humaine ou.)

 

[(Est-ce sur un pied d’égalité ? La question ne se pose pas.

Elle est question humaine seulement.]


Ou spécifiquement humaine ou.)

Il n’y a qu’à voir comment ces axes secondaires

prennent le relais de la floraison : l’union

pour la survivance

 

fait du compagnon rouge un grand dégingandé

qui fait la roue, s’échevelle et s’arque

plus voyant que le pivot qui l’ancre pourtant

profondément  

 

(que la tarière, la question – spécifiquement humaine –

de la nécessité, de la justice – sinon de la justesse –

de nos actes – nos gestes –

mesures mesurées)

 

lui, sans (il ne se jauge/juge pas

à la nuit, à un vers, une allée de simples, et

l’orage ne l’effraie pas – puisqu’il ne perd pas)

il s’égaille en rouge compagnon de la misère

 

dimanche 15 juin 2025

À la boîte blanche, vues 733


 

Mais enfin !

 

Mais enfin !

Lui, le silène, n’attend rien de ce témoignage,

la croissance sympodiale de sa cyme bipare –

stratégie de survie, pourrait-on dire – inclut

 

la reprise d’un axe secondaire, un autre, uni

sur un même pied.

(Est-ce sur un pied d’égalité ? La question ne se pose pas.

Elle est question humaine seulement.


samedi 14 juin 2025

À la boîte blanche, vues 732


 

Là est le silène dioïque


Là est le silène dioïque

dont la première fleur – apicale, terminale –

arrête et définit l’axe principal,

une fin qui engrène aussitôt la ramification :

 

voyez tout l’art du contournement, de la diversion et

de la démultiplication des forces dans un simple !

Alors je, touché, s’en remet à la fleur qui dans sa fin sans ruine admet l’équivoque,

plutôt qu’à l’abomination des discours d’intention.

 

vendredi 13 juin 2025

À la boîte blanche, vues 731


 

– dimension constamment sous-évaluée

 

– dimension constamment sous-évaluée

leurrés que nous sommes par les couleurs

car l’œil s’habitue à la lumière

je se prend pour l’axe –

 

l’axe de ce qui fut / et de ce qui sera

l’axe (non laxe) et, s’il n’y prend garde, pour la lame

(à double tranchant, et fatale)

Mais voyez donc le compagnon rouge* !

 

* Vélimir Khlebnikov, « le compagnon rouge… », Zanguezi & autres poèmes, traduction du russe par Jean-Claude Lanne, 1996, Poésie/Flammarion, p. 98

"Le compagnon rouge, tantôt est le voisin de la neige au printemps,
Tantôt le membre d'un fragile gouvernement de gauche dans quelque parlement. 
La boucle, tantôt orne la tempe en tombant sur l'épaule, tantôt est du fleuve la courbe.
La mesure tantôt s'emplit de grain, tantôt rythme et ensorcelle le verbe."
(1912)

jeudi 12 juin 2025

mercredi 11 juin 2025

mardi 10 juin 2025

À la boîte blanche, vues 728


 

ce n’est pas qu’il n’a rien à voir là-dedans

 

ce n’est pas qu’il n’a rien à voir là-dedans

– il fourbit ses larmes, en faire des loupes,

probable un instrument d’optique, probable –

et encore lorsqu’il écoute une ultime goutte

 

chuter sur la feuille souple et encore lorsqu’

il retrouve le rossignol, il retrouve le rythme

de l’atelier, la lente avancée sans autre objectif

que le mouvement. Mobile, mobile

 

est le monde – normal, il tourne – et la parole

versatile, « à deux tranchants » comme l’épée

(bien qu’on la dise une, contrairement aux ciseaux)

(mais on n’attend pas de la parole qu’elle tue proprement)

 

la bataille se déroule sur ce champ-là aussi,

c’est pourquoi il est extrêmement attentif à n’y pas prendre part,

non par lâcheté ou indifférence, non,

mais par souci de véracité, de fidélité à la sensation – les faits, l’effet – plutôt qu’à l’idée.

 

dimanche 8 juin 2025

À la boîte blanche, vues 727


 

Non non

 

Non non (omniprésente pourtant, jusque dans les iris déchirés,

et incomprise comme un rêve qu’on écoute pas

dont l’adresse est perdue

dont le langage est perdu)

 

non, elle est de tous les

vers pointés vers l’autre marge, verges

en fascines fortifiant la nuit, une charge, un faisceau

de faits concordants, écus miroitants

 

contre images assassines, l’œil raflé

par le bleu, non, elle nomme les peurs

et je, lui, assimile ces peurs

fourbit ses larmes et ses pieds

 

samedi 7 juin 2025

À la boîte blanche, vues 726


 

il goûtait cette lumière

 

il goûtait cette lumière, par-dessus tout,

– pas de plomb transmué en or, non, pas jusque là ! –

qui coulait dans le seillon de l’imagination.

Il désirait en faire quelque chose. Coûte que coûte.)

 

Maintenant il suit le tempo des gouttes

pas parfaitement régulier

moelleux (visqueux peut-être), le pouls résistant

palpitant dans la veine

 

il faut revenir à la vie qui motive les variations

pense-t-il, la source : une goutte échappée du chéneau

la coulure des acacias dans le ciel dur,

et la frange des iris pâles dans le jardin, qui rehausse pourtant ce qu’il voit

 

et je me demande ce que je compte faire de ces multiples riens,

que faire de ces tiges trop minces, par exemple, qui n’étayent

pas le moins du monde la pensée

est-ce ainsi que jel compte témoigner des ravages de la guerre ?

 

vendredi 6 juin 2025

À la boîte blanche, vues 725


 

Le goutte à goutte

 

Le goutte à goutte du chéneau dans le seau.

Le seau s’évase doucement sur la palière

et l’eau comme un feutre absorbe ce pouls qui s’altère,

le pouls de ce grand corps,

 

il écoute l’évasion du jour, la fin de la pluie,

le rossignol revient au compte goutte

et le bourdon dans les fraisiers en fleurs

parmi la mélisse, c’est tout ce qu’il vit,

 

bien après les acacias du bord de route,

– leurs boucles –

loquace la haie d’honneur le réveillait

en suspension dans le petit matin

 

(pâles anglaises à l’évidence évidaient

le ciel plombé

trayaient le ciel – un lait clairet suintait :

c’était de la lumière –

 

jeudi 5 juin 2025

À la boîte blanche, vues 724


 

Renonçant à la compréhension

 

Renonçant à la compréhension – il ne peut (ni ne veut) vivre de

ce qu’il comprend – il s’offre, non au monde

mais au transport (c'est-à-dire à lui-même, il s’autorise à être sa propre nature,

qu’il avalise comme un fait de langage)

 

ce désistement de toute signification l’implique vis-à-vis du monde entier

il varie avec les choses, dans, par les choses, ballotté

de l’une à l’autre

c’est lui qui est mis à l’épreuve d’elles.

 

Il ne fait que traduire.

L’expérience d’un entendement d’une toute autre sorte

tiré des sensations, redevable à l’induction.

Il ne comprend rien, il entend tout.

 

mercredi 4 juin 2025

À la boîte blanche, vues 723


 

Qui chante cette nuit-là

 

Qui chante cette nuit-là, il l’ignore.

Il ne sait plus très bien qui il est,

ou plutôt si : il est en rapport,

il prend corps dans ce rapport

 

et son humble figure est la figure de l’humilité

elle provient des profondeurs, passé le seuil du soliloque

 

(les limbes du langage, l’œuf flottant)

elle rayonne adossée à son amour, au cœur du concert qu’elle désire.

 

mardi 3 juin 2025

À la boîte blanche, vues 722


 

c’est ce qu’il se dit

 

c’est ce qu’il se dit épinglé par la voix

(plutôt fulguré – frappé

mais vivant – brutalisé mais

toujours en quête de quelque chose de vrai

 

pour finir sa journée) « ne tombe pas ailleurs,

choisis cet instant pour éprouver ta bravoure

essaye-toi à l’amour – espère, espère !

comme achevez-les ! achevez-les !  – et fleurir cependant »

 

tandis que le rossignol continue solitaire

son chant de l’interminable fin

– son chant sans qu’on sache s’il a été rejoint –

c’est toute son endurance qu’il promeut

 

« en attendant fais le bouquet »

« en attendant fais la vie (pas le mort) »

et il invente un rythme avec ses pieds

qui a l’espoir de toucher l’autre.

 

lundi 2 juin 2025

À la boîte blanche, vues 721


 

le réel, la rudesse d’un mur

 

le réel, la rudesse d’un mur

qu’investissent la capillaire des murailles et la valériane

 

il peut vouloir aller au-delà

ou s’enraciner aussi (la même fièvre

le même essor), au côté des myosotis

fougères mâles et capillaires

 

l’austérité de son je vite gagnée par la profusion

de la réalité (il y a de quoi faire

en ce mur !) des images qu’il apporte,

et s’il y mêle le parfum des mélisses !

 

Il est la proie de sa profusion consentie,

de son imagination fertile :

il s’en remet sans cesse à l’effroi… et au feu,

c’est ce chaud-froid qui fourbit son arme

 

– la dureté de son fer –

comme à la forge

 

« ne tombe pas ailleurs qu’ici

je

foudroyé par la fièvre

devant ce mur »